La main coup?e (Отрезанная рука)
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Mais sous quelle personnalit'e ?
Si Juve voulait penser qu’il se dissimulait sous l’apparence d’Ivan Ivanovitch, Fandor entendait d'emontrer qu’il n’en 'etait rien.
« N’emp^eche, se dit le journaliste, ce n’est pas ici que je ferai progresser mon enqu^ete.
La villa tragique, en effet, 'etait boulevers'ee de fond en comble. Juve y avait travaill'e, puis les policiers de la Principaut'e.
« Que faire ? se demandait Fandor, et aussit^ot, le rideau se fendit. En un 'eclair le jeune homme comprit ce qui avait pu conduire le Ma^itre du Crime `a l’assassinat de la demi-mondaine.
En tuant Meynan, Fant^omas cherchait `a s’assurer la cl'e des coffres du Casino. Il 'etait venu ici, ensuite, pour se procurer le mot de passe, le s'esame ouvre-toi.
De l`a `a croire que le bandit invisible, en ce moment m^eme 'etait en train de forcer, avec une tranquille audace, la chambre de ses r^eves, il n’y avait qu’un pas.
— Courons au Casino, se dit Fandor.
Et d`es l’entr'ee, il apercut le commandant du Skobeleff.
Ivan Ivanovitch tournait le dos. Appuy'e contre une fen^etre, il regardait vaguement le parc, battant la charge sur la vitre, et de l’autre main, tirant d’une de ses cigarettes de carton de minces bouff'ees.
Or – et Fandor ne perdait pas un mot de la conversation qui s’engageait – un huissier `a cha^ine du Casino venait de s’approcher du commandant du Skobeleffet tr`es respectueusement :
— Monsieur Ivan Ivanovitch voudrait-il m’accorder un instant ?
— `A vous, mon ami, pourquoi ?
— Je suis charg'e de remettre `a monsieur cette enveloppe.
— Tiens. Donnez. Et de la part de qui ?
— De la part de la Direction.
— Il y a une r'eponse ?
— Non, monsieur, je ne crois pas.
— Attendez un instant.
Comment se fait-il que Fandor, d`es les premiers mots, avait dress'e l’oreille ?
Il y avait certainement l`a un effet du flair tout sp'ecial qui finit par permettre aux d'etectives de pr'evoir, en quelque sorte, la marche des 'ev'enements.
Ivan, d’ailleurs, semblait fort 'etonn'e. Tirant de sa poche un mince canif, il s’occupait `a ouvrir l’enveloppe, demandant :
— Vous ^etes certain de ne pas vous tromper, mon ami ? Je ne vois pas ce que la direction peut avoir `a me communiquer ?
Mais l’officier n’acheva pas.
Soudain il sursauta, il fronca des sourcils, il demanda d’une voix blanche de col`ere :
— Ah c`a, qu’est-ce que c’est que cette plaisanterie ? que signifie cet envoi ?
Et devant l’huissier interdit, Ivan Ivanovitch tira de l’enveloppe une liasse de billets de banque.
— Mon commandant n’est pas au courant ? demanda stup'efait l’employ'e du Casino. La direction m’a pourtant bien recommand'e de lui remettre ceci en mains propres.
Aupr`es ^etre devenu tr`es p^ale, Ivan Ivanovitch, brusquement, devenait fort rouge. Une vive col`ere semblait s’emparer de lui. Il r'epondit brusquement :
— Eh bien, en voil`a assez. Je ne sais pas `a quoi a pens'e la direction. Je ne sache pas qu’elle me doive de l’argent, mais moins encore qu’elle puisse m’en faire porter ou offrir. Rapportez cela `a qui vous envoie et dites, je vous prie, qu’Ivan Ivanovitch n’a pas l’habitude de recevoir de l’argent sous enveloppe ferm'ee sans qu’un mot y soit joint, sans qu’on explique. C’est injurieux, ce sont des proc'ed'es de goujat. On voudrait m’acheter qu’on n’agirait pas autrement.
L`a-dessus, tournant le dos `a l’huissier absolument d'econtenanc'e, le commandant du Skobeleff, redress'e dans un sursaut d’indignation, 'etait parti `a toute allure.
Mais que diable tout cela pouvait-il signifier ?
Fandor qui, dissimul'e derri`ere la tenture, avait entendu la r'eponse de l’officier russe, qui n’avait pas perdu un mot de ce dialogue, qui avait remarqu'e la stup'efaction de l’huissier, Fandor se le demandait, tout 'etonn'e lui-m^eme. Voil`a que le Casino faisait porter de l’argent `a Ivan Ivanovitch. Si, par malheur, Ivan Ivanovitch avait accept'e cette somme, il aurait paru se pr^eter au moins `a d’'etranges manoeuvres. Mais l’officier avait refus'e avec une 'energie, une col`ere auxquelles on ne pouvait se tromper.
Sans doute il avait fort perdu au jeu, mais il n’entendait pas qu’on le rembours^at, il se conduisait fort dignement, en homme d’honneur.
Mais Fandor hochait la t^ete, voil`a qui retardait l’entretien qu’il s’'etait promis d’avoir avec l’officier. Sur ce, il avait perdu sa trace, avait cru le voir passer dans le jardin, y avait couru et fait buisson creux.
***
Juve, pendant ce temps-l`a, 'etait de plus en plus triste. Fandor, il n’en pouvait douter maintenant, lui avait menti. Fandor avait d^u s’entendre avec Bouzille pour essayer de le duper, lui Juve.
Jamais l’officier, du moins il le semblait, n’avait 'et'e gard'e `a vue par le journaliste.
Alors, que signifiaient les affirmations de Fandor ?
Pendant que l’automobile emmenait le policier et le chemineau vers le Casino, Juve eut peine `a contenir son chagrin.
Apr`es un virage savant, la voiture de Conchita finit cependant par se ranger devant le perron du Casino.
Le policier sauta lestement `a terre, s’appr^etant `a aller chercher son ami qui devait ^etre dans les salons de jeu. Il se tourna, en attendant, vers Bouzille qui, les menottes aux mains, faisait piteuse mine.
Juve, d'ej`a, avait apercu l’un des inspecteurs ordinaires du Casino, Nalorgne, l’ancien pr^etre.
— Un individu, lui dit-il, en montrant le chemineau, que je viens d’amener, voulez-vous le faire incarc'erer. Je vous expliquerai plus tard pourquoi.
Nalorgne acquiesca :
— J’envoie d’urgence ce r^odeur au fort Saint-Antoine.
Et il donna un coup de sifflet pour faire venir les agents.
***
Ces mesures prises, Juve p'en'etra, enfin, dans les salons de jeu.