Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Les circonstances, d’ailleurs, avaient chang'e ; si, tout `a l’heure, le quai 'etait encombr'e de voyageurs et si leur pr'esence emp^echait J'er^ome Fandor de courir, il n’en 'etait plus du tout de m^eme d'esormais. C’'etait donc au grand trot, au grand galop m^eme, que J'er^ome Fandor se pr'ecipitait sur les traces de Fant^omas.
L’attitude des deux hommes, d'esormais, 'etait significative, d’autant plus significative, qu’inquiet sans doute de la marche des 'ev'enements, Fant^omas venait brusquement de prendre un revolver de sa poche et qu’il courait en brandissant cette arme.
Fandor, d`es lors, n’avait plus `a h'esiter, n’avait plus rien `a m'enager. De toute sa voix, et tandis qu’il courait de toutes ses forces, J'er^ome Fandor hurla donc :
— Arr^etez-le, c’est Fant^omas !…
Mais, h'elas ! J'er^ome Fandor n’avait pas compt'e sur la l^achet'e universelle, sur la poltronnerie commune. `A peine avait-il cri'e :
Il fallait en finir cependant.
`A son tour, J'er^ome Fandor avait tir'e son revolver. Toujours courant, il le braquait sur Fant^omas et il hurlait :
— Arr^etez-vous ! rendez-vous, ou je fais feu !…
La r'eponse `a sa sommation ne se fit pas attendre ; Fant^omas, un instant, s’arr^etait, mais il s’arr^etait tout bonnement le temps voulu pour tendre le bras, ajuster J'er^ome Fandor, presser sur la d'etente.
La course, toutefois, avait un peu 'epoumon'e Fant^omas, cela sauvait J'er^ome Fandor. La balle du revolver sifflait, en effet, aux oreilles du journaliste, percait de part en part son chapeau mou, puis allait bien inutilement crever avec un grand fracas le cadran d’une horloge.
Or, `a cet instant, J'er^ome Fandor, sauf, mais r'esolu, allongeait le bras `a son tour.
— Arr^etez-vous ! recommencait-il.
Il n’eut pas le temps d’achever. Une locomotive manoeuvrait, longeant la voie ; Fant^omas, fou d’audace, se jetait devant elle, traversait au risque de se faire 'ecraser, gagnait ainsi quelques instants.
Et lorsque la locomotive s’'etait 'eloign'ee, lorsque Fandor enfin 'etait libre de passer, il 'etait h'elas ! trop tard ; Fant^omas venait de tenter la plus inou"ie, la plus inattendue, la plus folle des manoeuvres.
La gare d’Anvers, en effet, comporte de nombreux quais d’embarquement. Au long de certains d’entre eux se rangent les rapides de Belgique et les trains internationaux, mais il en est un qui, plus modeste, sert tout simplement `a garer le petit chemin de fer 'electrique, le v'eritable tramway qui joint, par une voie routi`ere, Anvers `a Bruxelles.
Or, `a l’instant o`u Fant^omas arrivait sur ce quai, le tram 'etait pr'ecis'ement pr^et `a partir, bond'e de voyageurs ; il attendait, et le watmann grimpait d'ej`a sur le marchepied.
Fant^omas vit tout cela en un clin d’oeil et d'ej`a imaginait la facon d’en tirer parti. En deux bonds il fut sur le m'ecanicien, l’agrippa au collet, le bouscula `a la renverse. Les voyageurs n’avaient pas encore eu le temps d’intervenir que Fant^omas avait saut'e sur la machine, qu’il manoeuvrait les leviers, lancait le m'ecanisme, d'emarrait rapidement.
— Nom de Dieu ! jura Fandor…
Vingt m`etres s'eparaient le journaliste du tram 'electrique ; il les franchit dans un galop effr'en'e, voulant essayer de s’accrocher `a la derni`ere voiture.
H'elas ! J'er^ome Fandor, une fois encore, devait arriver trop tard. Ce qu’il tentait 'etait mat'eriellement impossible, il ne put rejoindre le car 'electrique.
Que faire ? Un autre e^ut, 'evidemment, abandonn'e toute poursuite et renonc'e `a une lutte qui semblait devoir ^etre vaine.
L’id'ee d’une pareille l^achet'e ne vint m^eme pas `a la pens'ee de J'er^ome Fandor.
Pestant, jurant, regardant le car s’'eloigner, ne pr^etant m^eme pas attention aux clameurs qui s’'elevaient dans la gare, o`u l’alarme 'etait g'en'erale maintenant, J'er^ome Fandor r^ala cependant :
— Bon Dieu, il faut que je le rejoigne !…
Or, `a cet instant, Fandor se rappelait brusquement qu’il avait apercu quelques instants plus t^ot, dans la cour de la gare, une superbe automobile qui stationnait l`a, attendant 'evidemment son propri'etaire. Penser `a cette voiture et d'ecider de la prendre, de s’en servir pour donner la chasse au Ma^itre de l’'epouvante, c’'etait l’affaire d’un instant !
Le tram 'electrique n’avait pas disparu `a l’horizon que J'er^ome Fandor 'etait dans la cour de la gare, qu’il bondissait dans la voiture, donnait un tour de manivelle, sautait sur le si`ege, faisait un d'emarrage foudroyant.
Or, la voiture n’'etait pas vide. C’'etait un torp'edo `a quatre places, et, sur la banquette arri`ere, se trouvaient deux individus qui, `a l’apparition de J'er^ome Fandor, se dressaient brusquement, surpris `a bon droit, et hurlant de toutes leurs forces, cependant qu’un troisi`eme personnage, qui n’'etait autre que le m'ecanicien, s’accrochait `a la capote, se laissait tra^iner quelques instants, puis roulait sur le sol.
Mais J'er^ome Fandor n’avait rien vu de tout cela. Pench'e sur son volant, le pied crisp'e sur l’acc'el'erateur, il virait sur deux roues, escaladait un trottoir, renversait une charrette `a bras, et, dans le brouhaha formidable de l’'echappement libre ouvert, s’enfuyait `a toute allure.
Les voyageurs de la voiture cependant, cramponn'es au dossier de la banquette avant, hurlaient toujours :
— Arr^etez ! arr^etez ! criaient-ils.
J'er^ome Fandor fut brusque et cat'egorique.
— Zut, r'epondit-il. Collez-vous `a plat ventre dans votre tacot, ne bougez pas. Il y a des pruneaux `a recevoir, et c’est Fant^omas que nous avons en chasse. D’ailleurs, je vous expliquerai plus tard…
Ce n’'etait pas en effet le moment de s’attarder en grands discours.