Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Il arrivait, en effet, que le cigare se consumait si bien que la moustache de Fandor commencait `a roussir.
Le journaliste, pourtant, ne se r'eveillait pas !
Juve alors, brusquement, songea :
— Mais, bougre de nom d’un chien, je suis le dernier des imb'eciles, parbleu ! j’ai cru que Fandor jouait la com'edie, or, il ne la joue pas du tout, il dort… il dort pour de bon, il ne s’apercoit pas seulement qu’il roussit sa moustache !
Et dans un 'eclair de pens'ee, Juve se rappelait que Fandor, `a la suite des 'ev'enements tragiques survenus `a Amsterdam, avait pass'e quatre nuits blanches et qu’en cons'equence il 'etait `a la rigueur admissible que le jeune homme ait 'et'e terrass'e par le sommeil.
Juve, en un instant, fut soulag'e alors de toute son inqui'etude. Il ne pouvait pas, toutefois, laisser ainsi Fandor roussir sa moustache, une moustache dont il 'etait fier, sans le r'eveiller. Le cigare se consumait toujours d’ailleurs et probablement coll'e `a ses l`evres, risquait de le br^uler atrocement.
Juve, tout souriant, point inquiet, se leva donc. Il s’excusait de d'eranger la grosse dame pour aller dire deux mots `a son ami :
— Pardon ! fit-il.
Et, tendant la main, Juve secoua Fandor par l’'epaule.
Mais, h'elas, `a peine Juve avait-il mis la main sur l’'epaule de Fandor pour le contraindre `a se r'eveiller, que le journaliste s’'ecroulait de tout son long sur le sol, s’'ecroulait `a la facon d’une masse, `a la facon d’un homme priv'e de sentiment…
Et c’'etait alors d’une voix d'esesp'er'ee, sur un ton d’indicible horreur, parmi l’effarement des autres voyageurs, que Juve s’'ecriait, tout en relevant le jeune homme :
— Ah ! mon Dieu, mon Dieu, je deviens fou !… Fandor ! Fandor !… Fandor est mort !
C’'etait, en effet, un cadavre que Juve relevait, un cadavre d'ej`a froid, d'ej`a roide…
Chapitre VIII
`A
110 `a l’heur
e
Que s’'etait-il pass'e ? Quel effroyable drame s’'etait donc accompli en gare d’Anvers ? Comment Fant^omas avait-il triomph'e de J'er^ome Fandor, sinistrement triomph'e, puisque, aussi bien, c’'etait le cadavre du journaliste que le policier, quelques instants plus tard, pensait relever dans le wagon ?
`A la v'erit'e, si Juve avait connu dans leur exactitude les 'ev'enements qui venaient d’avoir lieu, s’il avait su v'eritablement ce qui s’'etait pass'e, il e^ut 'et'e certes fort inquiet, mais il n’aurait tout de m^eme point connu le terrible d'esespoir qu’il 'eprouvait en ce moment !
Juve, en effet, n’e^ut pas 'et'e d'esesp'er'e par la mort de Fandor, tout simplement parce qu’il aurait su que J'er^ome Fandor n’'etait pas mort, et qu’en r'ealit'e, s’il courait de tr`es certains dangers, s’il affrontait des risques terribles, il n’avait tout de m^eme nullement l’intention, nullement la crainte m^eme, de perdre la vie.
Juve, relevant le cadavre de J'er^ome Fandor dans le train qui l’emportait vers Bruxelles, 'etait donc tout simplement victime d’une aventure effroyable, dont il ne devait conna^itre qu’ult'erieurement la v'eritable et d'efinitive explication.
Mais, s’il n’'etait pas mort, qu’'etait devenu J'er^ome Fandor ?
J'er^ome Fandor avait bel et bien manqu'e le train. Il l’avait manqu'e non point par 'etourderie, car, si 'etourdi qu’il f^ut, sa distraction n’allait point jusqu’`a oublier qu’il devait regagner le rapide, mais bien parce que des ph'enom`enes, fort ind'ependants de sa volont'e et d’une importance primordiale, l’avaient contraint `a laisser de c^ot'e le souci de rejoindre Juve pour s’occuper d’affaires beaucoup plus pressantes.
Avec une audace inou"ie, un toupet infernal, une invraisemblable insolence, Fant^omas s’'etait soudain dress'e devant J'er^ome Fandor, `a l’instant o`u celui-ci grillait une cigarette, et lui avait demand'e du feu.
Fant^omas avait-il reconnu le journaliste, et s’amusait-il `a le provoquer volontairement ? C’'etait sinon certain, du moins probable, car Fant^omas n’'etait pas homme `a agir `a la l'eg`ere, `a commettre, en un mot, sans s’en apercevoir, une b'evue d’aussi grande importance.
Fandor, d’ailleurs, ne r'efl'echissait point `a cela. Il ne r'efl'echissait m^eme `a rien du tout, car, c'edant `a un mouvement tout instinctif, `a peine avait-il vu Fant^omas qu’il se pr'ecipitait sur le bandit, pensant enfin pouvoir engager la lutte supr^eme, et triompher de celui qu’il poursuivait avec Juve depuis de si longues ann'ees.
Fant^omas avait tourn'e derri`ere un amoncellement de bagages, 'evitant J'er^ome Fandor, toujours avec son merveilleux sang-froid, et ricanant comme amus'e par les 'ev'enements qui cependant, d’une minute `a l’autre, pouvaient se conclure pour lui de la plus sinistre facon.
Fant^omas disparut derri`ere les bagages et apparut au bout de quelques secondes un peu plus loin sur le quai, de sorte que J'er^ome Fandor, sans perdre le moins du monde sa piste, pouvait ais'ement se jeter sur ses traces et continuer la poursuite.
J'er^ome Fandor, par malheur, devait avoir `a lutter contre une suite d’'ev'enements qui, s’ils servaient merveilleusement les int'er^ets du bandit, paralysaient dans la m^eme mesure les efforts du journaliste.
`A cet instant, en effet, une cloche r'esonnait dans la gare d’Anvers, annoncant qu’il 'etait temps pour les voyageurs du rapide de regagner leur place, et cela naturellement avait pour effet d’augmenter encore l’encombrement des quais.
Devant J'er^ome Fandor, une foule de gens s’agitaient, courant en tout sens pour retrouver leurs wagons et ne faisant nullement attention aux impr'ecations du jeune homme qui, peu soucieux d’^etre poli, jouait des coudes, et distribuait des coups de poing sans la moindre vergogne.
— Place ! place ! criait Fandor.
Et il se pr'ecipitait toujours en avant.
Cette poursuite `a la gare ne pouvait 'evidemment s’'eterniser bien longuement. Il 'etait certain qu’on allait `a la fin remarquer les clameurs d'esesp'er'ees de Fandor, qu’on se pr'ecipiterait `a son aide, qu’au seul nom de Fant^omas on se grouperait sous ses ordres, et qu’en cons'equence le bandit serait vivement accul'e dans un coin, appr'ehend'e, mis hors d’'etat de nuire.