Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Eh bien ? interrogeait le policier.
Fandor, cette fois, confessait :
— Rien, Juve, rien du tout ; je me suis fichu le doigt dans l’oeil tout `a l’heure, voil`a tout.
Les deux amis causaient alors quelques instants, puis soudain tressaillaient, car le train, bloquant ses freins, ralentissait progressivement, signe indiscutable de la proximit'e d’une station.
— C’est Anvers, annonca Juve.
— Tant mieux, r'epliqua Fandor. Il y a quelques minutes d’arr^et, j’en profiterai pour aller chercher des allumettes au buffet.
Comme le train s’arr^etait en effet, comme les wagons s’emplissaient des all'ees et venues affair'ees des voyageurs quittant le train ou venant au contraire y prendre place, J'er^ome Fandor sautait sur le quai.
— Un instant, avait-il dit `a Juve, je reviens tout de suite, et, ma foi, je crois bien qu’en l’absence de tout danger pr'ecis, de tout signe suspect, nous pourrons maintenant, jusqu’`a Bruxelles, voyager ensemble.
Juve n’avait pas dit non, et Fandor, tout heureux `a la pens'ee que son ami allait se laisser convaincre et ne pas lui imposer l’ennui d’un voyage solitaire en face de compagnons inconnus, se dirigeait vers le buffet.
L’arriv'ee du rapide d’Amsterdam occasionnait naturellement dans la gare d’Anvers un grand remue-m'enage. Fandor devait donc jouer des coudes pour se frayer un passage, et m^eme entamer presque une lutte `a coups de poing pour obtenir d’une buraliste surmen'ee la bo^ite d’allumettes tisons dont le fumeur qu’il 'etait 'eprouvait un ardent besoin. Fandor, toutefois, 'etait homme `a savoir se faire servir ; il finissait, parmi les protestations indign'ees, par obtenir les allumettes sollicit'ees, et il revenait vers son wagon, pr^et `a y prendre place.
Or, `a l’instant m^eme o`u J'er^ome Fandor s’appr^etait ainsi `a rejoindre Juve, le journaliste, qui venait d’acheter des allumettes, 'eprouvait par un instinctif besoin, le d'esir de griller une cigarette. Il en choisissait une dans son 'ecrin, la portait `a ses l`evres, puis, craquait un tison.
Mais comme il approchait le brandon incandescent du tabac, J'er^ome Fandor sentit qu’une main se posait l'eg`erement sur son 'epaule.
— Apr`es vous, monsieur, s’il vous pla^it ?
Quelqu’un, 'evidemment, lui demandait du feu, J'er^ome Fandor, poliment, et par un geste tout naturel, au lieu d’allumer sa propre cigarette, offrit son allumette au solliciteur.
— Faites donc, prenez, monsieur !
H'elas, le journaliste n’avait pas articul'e ces mots qu’une stupeur folle le clouait sur place, cependant qu’il avait grand peine `a ne point crier d’'emotion.
Il y avait d’ailleurs bien de quoi !
L’allumette enflamm'ee qu’il tendait avait 'et'e prise tranquillement par le personnage qui venait de l’aborder. Ce fumeur s’en servait le plus pos'ement du monde pour allumer un gros cigare…
Et ce fumeur, ce fumeur que J'er^ome Fandor venait d’obliger, ce fumeur qu’il voyait en face de lui, `a moins d’un pas de sa poitrine, `a port'ee de sa main, ce fumeur qui le regardait ironiquement, qui le narguait d’un sourire de d'efi, voil`a que J'er^ome Fandor, `a l’improviste, en levant la t^ete, en l’apercevant, le reconnaissait !
Ah ! certes, la vision qu’avait alors le journaliste tenait du prodige, de l’impossible, du cauchemar…
L’homme qui 'etait devant lui 'etait bien celui-l`a que J'er^ome Fandor pouvait le moins s’attendre `a rencontrer ainsi…
Ce fut dans un r^ale, dans un b'egaiement indistinct que J'er^ome Fandor le nomma ; le journaliste dit :
— Fant^omas !…
Et c’'etait bien, en r'ealit'e, Fant^omas, Fant^omas qui, apr`es avoir, en compagnie de Ma Pomme, quitt'e son costume de vieille femme, avait eu l’audace de descendre en gare d’Anvers, de suivre J'er^ome Fandor et, tranquillement, pos'ement, de lui demander du feu !
La sc`ene, toutefois, ne s’'eternisait pas. J'er^ome Fandor pouvait `a la rigueur, et pendant de tr`es courtes minutes, ^etre victime d’une surprise ; il n’'etait pas homme toutefois `a ne point retrouver rapidement son sang-froid. De fait, `a peine avait-il identifi'e le bandit que J'er^ome Fandor, comme un fou, comme un furieux, se jetait en avant.
— Ah ! Fant^omas, grondait-il, tu ne m’'echapperas pas toujours…
Fant^omas cependant avait parfaitement pr'evu le mouvement de J'er^ome Fandor. `A l’instant o`u le journaliste s’'elancait en avant, il se jetait donc de c^ot'e, faisant rapidement quelques pas, tournant autour d’un amoncellement de malles qui venait d’^etre d'echarg'e d’un des fourgons du train.
La poursuite toutefois ne pouvait sans doute pas ^etre longue.
Fatalement, les deux hommes devaient au bout de quelques instants se trouver face `a face. Qui triompherait alors, de ces deux ennemis acharn'es ? Qui donc aurait la victoire, la victoire d'efinitive du courageux J'er^ome Fandor ou du terrifiant Fant^omas ?
Cette courte sc`ene toutefois avait occup'e quelques minutes. Tandis qu’elle se d'eroulait, Juve, rest'e dans son wagon, debout `a l’entr'ee du couloir, s’impatientait et pestait contre Fandor.
— L’animal ! maugr'eait le policier. Il lui en faut, un temps, pour acheter des allumettes. Que diable, il va manquer le train…
Une cloche, en effet, venait de sonner ; des hommes d’'equipe, d'ej`a longeaient le convoi, criant de toutes leurs forces avec l’inimitable accent belge :
— Les voyageurs pour Bruxelles, en voiture ! en voiture s’il vous pla^it. Savez-vous !
D'ej`a les porti`eres claquaient, le quai devenait d'esert, Juve n’apercevait toujours pas son ami.
— S^urement, pesta encore le policier, il est en train de plaisanter quelque part, l’imb'ecile…
Juve, machinalement, voulut descendre en bas du marchepied, mais un homme d’'equipe le repoussa.
— Trop tard, monsieur, en voiture !
Alors Juve s’'enerva de plus en plus.