Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Quel 'etait ce nouveau voyageur ?
Si Job Tylor, le d'etective bruxellois, avait 'et'e mis en sa pr'esence, il n’aurait certainement pas h'esit'e `a l’identifier, car ce n’'etait autre que le courtier en parfumerie, M. Jussieu, lequel avait 'et'e victime d’un vol abominablement audacieux, dans son propre domicile.
M. Jussieu revenait vers Paris, ce qui n’'etait gu`ere extraordinaire, mais 'evidemment il n’y revenait pas par la voie la plus directe, puisque, au lieu d’avoir pris `a Bruxelles le train de la capitale, il avait commenc'e par s’'eloigner de Paris, allant s’embarquer bien au-del`a d’Anvers, `a quelques pas de la fronti`ere hollandaise.
M. Jussieu, tranquille dans son coin, continuait `a lire le journal qu’il avait tir'e, lui aussi, lorsqu’`a une nouvelle station, le pr^etre qui se trouvait dans le compartiment descendait.
M. Jussieu, aimablement, l’avait aid'e `a sortir sa valise, il regagnait son coin, pr^et `a reprendre sa lecture, lorsque la vieille dame abandonnait enfin son obstin'e silence.
La voix brusque, imp'erieuse, une voix grave, en v'erit'e, la vieille dame appelait :
— Ma Pomme ?…
Or, `a cette interjection, M. Jussieu sursautait. Il sursautait comme tr`es surpris, comme frapp'e de stupeur m^eme ; il regardait en m^eme temps dans le couloir du wagon, cherchant 'evidemment qui avait parl'e, et ne croyant pas que ce f^ut sa compagne de route.
Celle-ci, toutefois, ne lui permettait pas d’h'esiter longuement. Elle reprenait en effet :
— Ma Pomme ?…
Cette fois, M. Jussieu la consid'era fixement.
— Pardon, commenca-t-il, mais…
Un 'eclat de rire lui coupa la parole, la vieille dame semblait au comble de la bonne humeur.
— Imb'ecile, articulait-elle. Tu ne me reconnais donc pas, Ma Pomme ?
Ces paroles s’adressaient visiblement `a M. Jussieu, et celui-ci, d’ailleurs, ne semblait pas autrement 'etonn'e du bizarre sobriquet que la m`ere du paralytique paraissait lui attribuer. Il se tournait vers la vieille, il la regardait avec un soin extr^eme, puis, d’un coup d’oeil, indiquait `a la bonne femme la pr'esence du paralytique.
Or, ce coup d’oeil paraissait en v'erit'e mettre le comble `a la ga^it'e de la vieille femme.
Elle riait encore quelques instants, elle riait tout son sao^ul, puis elle affirmait :
— Ne t’occupe pas de lui, Ma Pomme… C’est un garcon discret !
Et soudain seulement, la vieille ajoutait :
— Fichtre ! qu’il fait chaud l`a-dessous… Cette perruque me cause un effroyable mal de t^ete !
Et, prononcant ces paroles, la vieille prenait son chignon `a pleine main, le tirait de dessus sa t^ete, ce qui avait l’'etrange effet de la d'ebarrasser en m^eme temps de son volumineux chapeau.
Oh ! c’'etait 'evidemment une extraordinaire vieille que la m`ere du paralytique !
Et si Juve ou Fandor, qui se trouvaient dans le m^eme train, `a quelques compartiments de distance, avaient pu l’apercevoir, ils n’auraient point manqu'e d’en 'eprouver la plus forte 'emotion.
La vieille dame, en effet, d'ebarrass'ee de sa perruque et de son chapeau, changeait brusquement de visage.
Une vieille dame ? Allons donc !… Il n’y avait pas `a s’y tromper. Cette vieille dame, c’'etait un homme, un homme jeune, aux traits 'energiques, au visage volontaire, aux yeux brillants, un homme dont les traits 'etaient l'egendaires, un homme que M. Jussieu reconnaissait `a l’instant, qu’il nommait en joignant les mains :
— Ah ! par exemple ! disait le courtier en parfumerie, vous !… vous ici !… je ne vous avais pas reconnu, vous, ma^itre !… vous, Fant^omas !
`A quoi Fant^omas, car la vieille n’'etait autre, en effet, que le terrible G'enie du crime, ripostait en riant :
— Eh oui, imb'ecile, c’est bien moi !… La vieille dame, c’est bien Fant^omas, comme M. Jussieu est bien… Ma Pomme !
Vingt minutes plus tard Fant^omas, qui d’ailleurs avait remis sa perruque et son chapeau de vieille femme, causait ardemment avec l’extraordinaire M. Jussieu, qu’il s’obstinait `a appeler Ma Pomme, ainsi qu’il 'etait naturel, puisque M. Jussieu 'etait en r'ealit'e l’apache de ce nom.
Fant^omas interrogeait :
— Alors, faisait-il la voix br`eve… continue, poursuis… tu en 'etais au moment o`u, devant cet imb'ecile de d'etective, tu faisais semblant de t’'evanouir `a nouveau… Qu’arriva-t-il ensuite ?
Ma Pomme, `a ce moment, avait la face la plus joyeuse du monde et riait de tout son coeur. Il s’octroyait de grandes claques sur les cuisses, et paraissait au comble du contentement.
— Attendez, faisait-il, attendez, ma^itre… vous allez voir que je ne suis pas la moiti'e d’une gourde…
Et, faisant une pause pour rire, il reprenait bient^ot :
— Donc, ma^itre, j’avais `a ce moment `a peu pr`es rempli la mission dont vous m’aviez charg'e. J’avais, en effet, pr'evenu la police que Fant^omas, que vous, par cons'equent, vous menaciez quelqu’un, quelqu’un qui n’'etait autre que moi, et qu’en cons'equence, vous deviez ^etre `a Bruxelles. La police m’avait envoy'e promener, et j’avais 'et'e voir un d'etective priv'e. Chez ce d'etective priv'e, enfin, je simulais un vol, jetant au feu les faux billets de banque qui garnissaient ma serviette, hurlant comme un putois, et m’'evanouissant comme une jeune mari'ee. Dans ces conditions, Job Tylor 'etait 'evidemment pr^et `a certifier que le vol avait bien 'et'e commis par Fant^omas et qu’en cons'equence vous 'etiez bien `a Bruxelles. C’'etait ce que vous vouliez, n’est-ce pas, ma^itre ?
— Exactement, approuva Fant^omas. Continue !
Ma Pomme prit un air avantageux.
— Dans ces conditions, ma^itre, j’aurais pu tout tranquillement ne pas poursuivre les choses, mais j’ai voulu avoir la victoire jusqu’au bout.
— Et alors ?
— Et alors, ma^itre, pendant que cet excellent Job Tylor, victime de mon stratag`eme, se d'emenait pour me tirer d’un 'evanouissement qui n’avait jamais exist'e, je faisais preuve de v'eritables qualit'es que vous appr'ecierez, j’en suis s^ur.