Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Je ne suis pas homme `a m’effrayer facilement, murmurait-il. Et d’ailleurs, le danger n’'etait pas imm'ediat. Je n’ai naturellement pas allum'e ma lampe, mais, ainsi que vous le voyez, d`es ce matin, j’ai pris les fonds dont je disposais et je suis venu vous demander aide et protection.
M. Jussieu parlait d’un ton calme, et pensait bien `a ce moment ne rien dire d’extraordinaire. Or, le commissaire de police, en apprenant ses intentions, sursautait plus fort encore.
— Hein ! demandait-il, vous ^etes venu me demander aide et protection ? Mais, sapristi, vous ne savez pas ce que vous dites, alors ? Croyez-vous donc que je sois charg'e de prot'eger tout le monde, moi ?…
`A cette virulente apostrophe, ce fut au tour du courtier en parfumerie d’^etre plut^ot 'etonn'e.
— Dame, riposta-t-il tranquillement. Je croyais que vos fonctions…
Mais le commissaire de police se faisait net et cat'egorique :
— Mes fonctions sont bien d'efinies, dit-il, et je n’entends pas me m^eler de ce qui ne me regarde pas. Mon r^ole, monsieur, est de m’occuper des crimes et des d'elits ; quand vous aurez 'et'e vol'e, venez me trouver, et je vous 'ecouterai. Jusque-l`a, je ne peux rien pour vous !
`A cette extraordinaire d'eclaration, cependant, le courtier en parfumerie se r'ecriait :
— En v'erit'e, vous n’y songez pas, disait-il. Et si je suis assassin'e, moi ?
Mais le commissaire de police haussait les 'epaules avec indiff'erence :
— Tant pis pour vous, faisait-il. Je n’y peux rien. Quand vous serez assassin'e, je m’occuperai de vous. Comment voulez-vous que j’en sorte si je me mets `a m’occuper des crimes et des d'elits qui n’ont m^eme pas recu un commencement d’ex'ecution ?
— Le cas est pourtant exceptionnel ?
Le malheureux courtier en parfumerie insistait, l'eg`erement 'emu, d'esormais, semblait-il, mais le commissaire de police s’ent^etait :
— Il n’y a pas de cas exceptionnel ! d'eclarait-il. Prenez vos pr'ecautions, m'efiez-vous, soyez prudent, c’est tout ce que je peux vous dire. D’ailleurs, c’est la loi. Je ne connais que cela !
C’'etait simple et net, monsieur Jussieu s’emporta :
— Si c’est la loi, d'eclara-t-il, la loi est stupide !
— C’est possible, dit le commissaire de police, v'eh'ement `a son tour, mais vous avez le droit de le penser, et pas celui de le dire !
Les choses se g^ataient, 'evidemment. Le courtier en parfumerie en eut l’intuition.
— Soit, dit-il, coupant court `a un entretien qui semblait devoir mal finir. Si je ne puis ^etre prot'eg'e par vous, monsieur, je m’adresserai en plus haut lieu…
— Adressez-vous au pape, si bon vous semble !
Il parut un instant que le courtier en parfumerie allait se jeter sur le commissaire de police, et lui infliger la verte lecon qu’il m'eritait, mais il sut, heureusement pour lui, se contenir.
— Votre serviteur, dit-il.
Et sur un tr`es bref salut, l’encaisseur s’'eloigna.
Il entendait d’ailleurs, cependant qu’il descendait l’escalier qui devait le ramener `a la rue, le commissaire de police s’emporter furieusement.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire-l`a ? murmurait le magistrat. Les gens viennent se plaindre d’avance, maintenant… En voil`a un imb'ecile ! Plus souvent, d’ailleurs, que je m’exposerais `a lutter contre Fant^omas… Fant^omas est bien plus fort que moi, cela me ferait une sale histoire sur les bras !
`A cette diatribe, toutefois, le courtier en parfumerie ne pr^etait gu`ere attention. Il 'etait p^ale, et c’'etait d’un geste nerveux qu’il pressait contre son sein sa serviette o`u reposaient les billets de banque expos'es au d'esir de Fant^omas.
— C’est insens'e, murmurait-il. Vraiment, c’est une jolie chose que la police…
Il h'esitait un instant sur le seuil du poste de police, puis h'elait un fiacre qui maraudait :
— Au Palais de Justice, cocher !
Une heure plus tard, le courtier en parfumerie se trouvait en face du procureur g'en'eral, pr`es le tribunal de Bruxelles.
L’accueil diff'erait 'evidemment.
Le magistrat avait des proc'ed'es de politesse et de courtoisie qui ignorait la brutalit'e d’un commissaire de police. Toutefois, ce procureur g'en'eral pr^etait la plus grande attention aux d'eclarations du courtier en parfumerie, mais il n’accueillait gu`ere plus favorablement sa demande.
— Monsieur, d'eclarait-il avec un grand calme, et cela pr'ecis'ement en pr'esence d’un jeune substitut, fils d’un d'eput'e influent, je ne puis rien pour vous. La lettre que vous avez recue constitue, il est vrai, une tentative de chantage, mais vous n’avez pas l’intention, je pense, d’intenter un proc`es `a Fant^omas ?… Ce que vous voudriez, n’est-ce pas, c’est que l’on mit `a votre disposition deux agents de police pour vous prot'eger ? C’est cela, n’est-ce pas ?
— Oui, monsieur, dit le courtier dont la voix s’alt'erait.
— Eh bien, affirmait le magistrat, cela m’est totalement impossible. Cela ne peut ^etre accord'e, comme vous l’a fort bien dit le commissaire de police que vous avez vu, qu’au cas o`u il y a eu commencement d’ex'ecution. Supposez, en effet, que vous soyez simplement victime d’une fumisterie ?
— Pardon, interrompit le courtier. Mais supposez que ce ne soit pas une fumisterie ?…
Or, le procureur g'en'eral trouvait `a cela une r'eponse qui devait laisser son visiteur d'esempar'e :
— 'Evidemment, d'eclarait-il, c’est un risque `a courir !
Et il poussait doucement le courtier en parfumerie vers la porte de son cabinet qu’il lui ouvrait courtoisement afin de bien marquer que l’audience 'etait termin'ee.
En quittant le cabinet du procureur g'en'eral, le courtier en parfumerie, d`es lors, ne savait plus gu`ere de quel c^ot'e se diriger :
— C’est invraisemblable, grognait-il en s’'eloignant, avec l’espoir 'evident d’^etre entendu du jeune substitut qui venait d’assister `a sa conversation avec le procureur g'en'eral. C’est invraisemblable ce que la police est mal faite !… Les honn^etes gens ne sont pas prot'eg'es. Oh ! mais cela ne se passera pas comme cela, je ferai du scandale !