Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Moi, commencait-il, je dis une chose qui est une chose : quand on est bien quelque part, faut y rester. On est bien ici, alors, dame, si on s’en va…
Mais Geoffroy la Barrique s’interrompait une fois encore.
— S^ur, il y a un chat qui r^ode dans la cour.
— Un chat, c’est ca… fit Beno^it le Farinier qui approchait, lui aussi, sa chaise de l’^atre et fixait le feu avec une attention soutenue.
— Va donc lui dire de s’en aller, Geoffroy.
Geoffroy la Barrique avala l`a-dessus une 'enorme lamp'ee de vin, puis se dirigea vers la porte qu’il entreb^ailla.
— Hou… hou… le chat ! faisait-il.
Mais il ne criait pas bien fort et il ne restait pas longtemps devant la porte ouverte qu’il s’empressait de fermer, donnant m^eme un tour de clef `a la serrure, ce qui 'etait, en somme, une pr'ecaution inutile `a l’'egard d’un chat.
Geoffroy la Barrique retourna s’asseoir en face de Beno^it le Farinier.
— Hein ! on est bien ici ?
Mais il n’y avait plus gu`ere d’enthousiasme, et la voix de Beno^it le Farinier elle-m^eme ne r'esonnait pas bien haut tandis qu’il r'epliquait :
— On est bien… seulement, qu’est-ce qui fait donc du potin dans la cour ?
De fait, par moments, on entendait distinctement des bruits l'egers qui provenaient du jardin. Beno^it le Farinier serra les poings et fronca ses sourcils 'epais.
— C’est rigolo, commencait-il… La nuit, quand on entend du bruit, eh bien, n’est-ce pas, ca vous fait…
Il ne compl'etait pas sa pens'ee, mais Geoffroy devait la deviner, car il r'epliquait :
— Oui, oui, bien s^ur… C’est des id'ees…
Ils trinqu`erent encore, mais, le verre en main, ils demeuraient immobiles, pr^etant l’oreille.
Geoffroy hasarda :
— C’est p’t’^etre bien M. Eair qui rentre…
— Peut-^etre bien.
— Des fois que ca serait Juve, aussi…
— Rien ne l’emp^eche.
Beno^it le Farinier proposa :
— Geoffroy, si t’allais voir jusqu’au bout du jardin ?
Mais Geoffroy d'eclina l’invitation.
— Ah ! pour ca, non, mon vieux ! D’abord, j’ai pas bonne vue, et puis je crains l’humidit'e. Vas-y, toi…
— Oh ! moi, refusa Beno^it le Farinier, j’ai pas besoin de me d'eranger, vu que ca m’est bien 'egal. Ce que j’en disais, c’'etait pour toi… J’vois bien qu’t’as les sangs retourn'es, et que…
La phrase, une fois encore, n’'etait pas achev'ee ; les deux hommes, d’un m^eme mouvement, avaient sursaut'e, ils se regardaient maintenant avec des yeux agrandis par une peur secr`ete qu’ils ne parvenaient plus du tout `a se dissimuler.
— Mon vieux, commenca Geoffroy, y a s^urement quelqu’un dans le jardin… j’ai entendu qu’on marchait…
— Et moi, dit Beno^it le Farinier, j’ai cru qu’on heurtait aux carreaux…
Geoffroy et Beno^it s’entre-regard`erent quelques instants, puis, tournant le dos `a la fen^etre, se rapproch`erent plus encore de l’^atre.
— Si on heurtait aux carreaux, commencait Geoffroy, on verrait bien qui c’est qu’est l`a, parbleu !…
— Oui, approuva Beno^it. Mais ca me fait tout dr^ole de penser qu’on pourrait ainsi nous regarder `a travers les fen^etres sans seulement que nous le sachions !
Ils firent silence et, fait extraordinaire, sans trinquer, burent encore deux verres de vin.
— Alors, la sant'e ? demandait Geoffroy, on ne la porte plus ?
Il voulait rire, plaisanter, mais sa voix sonnait faux. Il insinua brusquement :
— Va donc fermer le rideau, on sera tranquille…
Il n’obtint aucune r'eponse.
Les yeux fix'es sur le feu, la t^ete et les 'epaules engag'ees sous le manteau de la grande chemin'ee, Beno^it le Farinier ne paraissait nullement dispos'e `a quitter son poste.
— Moi, j’demande rien, d'eclarait-il. Si les rideaux ouverts ca te g^ene, va les fermer toi-m^eme, Geoffroy…
Geoffroy n’eut garde de bouger.
— Oh ! moi, faisait-il, ca ne me g^ene pas…
Les deux forts de la Halle, silencieux, se tassaient l’un contre l’autre, grill'es par le feu, mais ne voulant ni l’un ni l’autre quitter l’abri que semblait leur offrir la chemin'ee.
Pourtant, au bout de quelques instants, ils sursautaient encore.
Oh ! cette fois, le doute n’'etait pas permis, il 'etait certain que quelque chose se passait qui n’'etait ni ordinaire ni naturel. S^urement, on avait heurt'e `a la fen^etre. S^urement, on avait march'e dans le jardin…
Le bruit avait 'et'e cette fois assez distinct, avait paru si proche que le doute n’'etait pas possible.
— Va fermer les rideaux, supplia presque Geoffroy…
Beno^it le Farinier, `a voix basse, proposa :
— Viens les fermer avec moi…
Mais ils n'e bougeaient ni l’un ni l’autre.
Une nouvelle bouteille de vin, la derni`ere des six, fut d'ecachet'ee sans que les deux hommes eussent seulement tourn'e la t^ete.
— Allons, `a la tienne !…
— `A la tienne, mon vieux !
Beno^it, ayant bu, s’essuyait poliment la bouche sur le revers de sa manche, ce qu’il consid'erait comme 'etant une preuve de supr^eme 'el'egance.
— Voil`a, d'eclarait-il brusquement. Si tu veux mon avis, je vais te dire quelque chose : eh bien, ici, on est rudement install'e… le vin est fameux, le rhum gratte bien le gosier ; pour la viande, y a rien `a dire, et les lits sont assez grands. Seulement, rapport `a ce qu’on sait que Fant^omas est dans le pays, on n’est pas assez tranquille… Alors, dame…