Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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L’ombre 'etait derri`ere, immobile, invisible presque.
Le jeune homme, apr`es avoir regard'e dans la cuisine longuement, fit le tour de la maison… l’ombre l’accompagna. Partout o`u le jeune homme portait ses pas, l’ombre, dix m`etres plus loin, le suivait avec grand soin.
`A la fin, l’inconnu revint se poster devant la fen^etre de la cuisine, et de nouveau colla son front aux carreaux, regardant 'evidemment dans la pi`ece.
Or, `a cet instant, il arrivait qu’un nuage d'emasquait la lune pendant quelques secondes et laissait filtrer un peu d’une clart'e blafarde.
L’ombre, `a ce moment, se trouva baign'ee de lumi`ere, et se jeta violemment en arri`ere.
Une ombre ?
Oh ! d`es lors, il 'etait facile de pr'eciser l’identit'e de cette ombre. Cette ombre 'etait un homme, un homme v^etu de noir des pieds `a la t^ete, dont le visage disparaissait sous une cagoule noire, dont les membres 'etaient moul'es dans un maillot de laine noire, qui 'etait gant'e et chauss'e de noir, et qui, de la sorte, arrivait `a se m^eler avec la nuit…
Ombre sinistre et l'egendaire que cette ombre maudite ! Ombre effroyable, ombre criminelle ! 'Etait-il seulement un homme sur terre qui e^ut pu ne pas la nommer, qui n’e^ut point, en apercevant la lugubre forme, g'emi dans un cri d’effroi, le plus terrifiant de tous les noms, le nom de crime, le nom de meurtre, le nom d’'epouvante, le nom de Fant^omas ?
C’'etait bien en effet Fant^omas qui, `a l’instant, trahi par l’inattendue clart'e lunaire, se rejetait dans les massifs du fourr'e en pestant.
— Maudite lumi`ere, dit le Ma^itre de l’'epouvante. Pourvu que je n’aie pas 'et'e apercu ? Fichtre ! Je ne tiens pas du tout `a ^etre devin'e, d’autant que je ne sais pas encore le mot de cette 'enigme !
Fant^omas, de loin, surveillait toujours l’inconnu qui collait son visage aux carreaux de la cuisine o`u Geoffroy la Barrique et Beno^it le Farinier fr'emissaient de terreur, entendant des bruits dont ils ne s’expliquaient pas l’origine.
— Mille dieux, grommelait encore Fant^omas, il faudra bien pourtant que je connaisse le mot de ce myst`ere… Cet homme m’inqui`ete !
Fant^omas, quelques instants plus tard, haussait encore les 'epaules puis ajoutait :
— Si je ne comprends point, j’agirai !
Et `a la facon dont Fant^omas prononcait ces mots, il fallait comprendre qu’agir avait pour lui un sens terrible, et qu’il 'etait une fois encore pr^et `a tuer.
Fant^omas ne perdait pas en v'erit'e un seul mouvement du jeune homme.
— Cet homme est un policier, soupirait-il bien vite. Juve et Fandor m’ont d'ej`a affirm'e, par le moyen du truc convenu, qu’ils ne savaient point ce qu’'etait devenu Vladimir. Or, voici un inconnu qui semble espionner depuis quelques jours dans la p`egre d’Amsterdam. Assur'ement, il convient de penser que cet individu peut ^etre pour quelque chose dans la disparition de Vladimir !
Fant^omas, `a ce moment, serrait les poings, grincait des dents, tout secou'e d’une v'eritable col`ere.
— Si cela 'etait, ajoutait-il, je me vengerais…
Le Ma^itre de l’'epouvante eut un de ces 'eclats de rire dont les accents chez lui glacaient d’'epouvante. Il commettait toutefois une grande imprudence, car l’inconnu qui collait son visage aux vitres de la cuisine, cet inconnu que Fant^omas avait d'ej`a rencontr'e dans la tabagie hollandaise, cet inconnu qui avait d'ej`a intrigu'e Juve et Fandor, entendant du bruit, se retournait brusquement.
L’'eclat de rire de Fant^omas avait un double r'esultat.
Il attirait l’attention de l’inconnu et l’inconnu lui-m^eme surpris, se retournait bruyamment.
Un instant plus tard, Geoffroy la Barrique et Beno^it le Farinier, `a bout d’'emotion, ouvraient la porte de la maison et s’enfuyaient dans la nuit noire.
— Les imb'eciles, raillait Fant^omas `a mi-voix… ils ne sont pas en cause, eux, et ce sont eux qui ont peur…
Assur'ement, en effet, Beno^it le Farinier et Geoffroy la Barrique n’'etaient pas en cause.
L’inconnu qui venait de les voir s’enfuir, tout comme Fant^omas, avait pu, lui aussi, s’en rendre compte, ne tentait aucunement de les poursuivre. Cet inconnu, tout bonnement, s’'ecartait de la maison, et se dirigeait vers le vieux moulin d'esaffect'e dont M. Eair avait fait depuis longtemps son laboratoire n'ecessaire `a la distillation des parfums.
Or, comme l’inconnu p'en'etrait dans le vieux moulin, Fant^omas, lentement, se rapprochait de lui.
— Mon Dieu, murmurait le Ma^itre de l’effroi, ce que je vais faire est peut-^etre une sottise, mais je n’ai gu`ere le choix des moyens. Co^ute que co^ute, il me faut sortir de l’incertitude.
L’inconnu venait d’entrer dans le laboratoire. Il faisait un pas en avant, marchant avec pr'ecaution, redoutant de heurter quelque objet, et d’occasionner du bruit. Mais le malheureux n’allait pas loin.
Fant^omas, en effet, h^atant le pas, venait de se rapprocher de lui `a tel point qu’il le fr^olait presque d'esormais.
Fant^omas alors, osait un geste terrible, si souvent os'e par lui d'ej`a.
Sa main se leva, rapidement, il y eut dans l’air comme un sifflement bref, puis un r^ale 'etrangl'e, puis le bruit lourd d’un corps qui s’affale sur le sol…
Fant^omas, maintenant, ne prenait plus aucune pr'ecaution…
Mort !… dit-il `a voix haute. D'ecid'ement, je sais toujours donner un bon coup de poignard. J’ai tr`es proprement exp'edi'e cet individu dans l’autre monde. Voyons maintenant tranquillement son visage.
Fant^omas prit dans sa poche une lampe 'electrique, et en projeta les rayons sur la face exsangue de l’homme poignard'e. Mais lorsque Fant^omas eut vu le visage de cet homme, la lampe s’'echappa de ses mains :
— Mis'ericorde, murmurait le Ma^itre de l’effroi, d’une voix 'etonn'ee, mis'ericorde, comme il lui ressemble !…
Fant^omas, longtemps, contempla le cadavre qui gisait `a ses pieds. Puis il 'eclata de rire, se frotta les mains. Un murmure sortit de ses l`evres, il disait, se parlant `a lui-m^eme :