Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Et il agitait toujours, d’une main qui tremblait, la lettre qu’il avait 'ecrite dans la tabagie hollandaise.
— C’est toi, Fandor ?
— C’est moi, Juve. Rien de nouveau ?
— Si, Fandor.
— Quoi ? mon Dieu…
— Elle est sauv'ee…
— Sauv'ee ?…
Et Fandor, qui rentrait dans la chambre d’h^otel o`u Juve et lui demeuraient toujours depuis les aventures qui avaient termin'e les intrigues du palais royal et depuis la disparition d’H'el`ene, Fandor bondissait comme un fou au-devant de Juve, la figure illumin'ee d’une joie intense, d’une joie consid'erable.
— Sauv'ee… r'ep'etait-il. H'el`ene est sauv'ee… Ah ! Juve, soyez b'eni pour la nouvelle que vous me donnez. Je devenais fou, moi, voyez-vous. Mais parlez, bon Dieu… O`u est-elle ?… Comment savez-vous qu’elle est sauv'ee ?… Parlez donc… parlez donc…
Fandor s’'etait pr'ecipit'e sur Juve, il avait pris le policier par le bras, il le secouait sans m'enagements, l’ahurissant de demandes, et ne lui laissait pas le temps de r'epondre.
— Bon Dieu ! parlez donc, r'ep'etait-il… Vous voyez bien que vous me faites mourir…
Il y avait vingt-quatre heures qu’H'el`ene avait disparu, vingt-quatre heures tout juste s’'etaient 'ecoul'ees depuis l’instant tragique o`u Fandor, rentrant dans le salon orange du palais royal, avait d^u constater le rapt de la jeune femme, sans pouvoir, h'elas ! se douter que Fant^omas et H'el`ene se trouvaient encore `a quelques m`etres de lui, cach'es derri`ere la tenture, et courant le danger d’^etre imm'ediatement d'ecouverts.
Ces vingt-quatre heures, Juve et Fandor les avaient naturellement employ'ees `a parcourir Amsterdam, `a enqu^eter, `a perquisitionner, `a rechercher H'el`ene.
H'elas ! ces recherches, jusqu’`a cette heure 'etaient demeur'ees vaines ! Nul au palais royal n’avait pu les renseigner et la police elle-m^eme, mobilis'ee par la reine Wilhemine, avait d^u se d'eclarer impuissante `a retrouver les traces de la femme de Fandor et de son sinistre ravisseur.
Les deux hommes s’'etaient s'epar'es pour 'eviter toute perte de temps. Toute la journ'ee, Juve avait enqu^et'e dans les bouges d’Amsterdam, cependant que Fandor perquisitionnait dans les cabarets interlopes des faubourgs et de la banlieue, s’informait des moindres indices aux docks d’embarquement du port, comme aux guichets des grandes gares. Et c’'etait pr'ecis'ement `a l’instant o`u Fandor rentrait d'esesp'er'e `a l’h^otel que Juve lui criait d’une voix d’indicible bonheur :
— Elle est sauv'ee…
Fandor, `a cette nouvelle, perdait la t^ete. Pendant quelques minutes, il 'etait incapable de retrouver son sang-froid. Mais quand il parvenait enfin `a se ma^itriser, il 'ecoutait Juve, haletant, croyant vivre un extraordinaire cauchemar aux p'erip'eties fantastiques.
— Parlez, venait-il de dire, parlez donc… vous voyez bien, Juve, que vous me faites mourir ?…
Et Juve, le bon Juve, pouvait s’expliquer enfin. Le policier, d’ailleurs, ne pouvait fournir de bien nombreux d'etails `a Fandor. Ce qu’il savait 'etait en somme, peu de chose ; il le disait rapidement :
— 'Ecoute, Fandor, commencait Juve. C’est une aventure extraordinaire. Figure-toi que je rentrais ici, n’ayant rien appris, n’ayant rien trouv'e, ne pouvant m^eme rien soupconner, la mort dans l’^ame enfin, et me demandant si Fant^omas n’avait pas `a jamais disparu, lorsque la patronne de l’h^otel me remettait au passage une lettre qui, `a ce qu’elle me disait, venait de lui ^etre apport'ee par un homme inconnu, v^etu d’un grand manteau brun.
Fandor, en entendant ces d'etails, sursautait :
— Un homme v^etu d’un grand manteau brun, faisait-il, mon Dieu ! qui 'etait-ce donc ?
Juve n’h'esita pas `a lui dire :
— Fant^omas…
Et comme Fandor sursautait, Juve affirmait nettement :
— Oui, Fandor, c’'etait Fant^omas… Fant^omas a eu l’audace d’apporter ici m^eme, `a notre h^otel, une lettre et cette lettre, la voici…
Juve parlait d’un ton calme, et Fandor, pour une fois, ne l’interrompait pas. La stup'efaction que le journaliste 'eprouvait en cet instant, en apprenant que Fant^omas avait correspondu avec Juve, 'etait telle qu’il 'etait apr`es tout logique que Fandor ne trouv^at rien `a dire.
— Cette lettre, la voici, r'ep'etait Juve. 'Ecoute :
Et le policier avait sorti de sa poche une feuille de papier, il la brandissait, il en r'ecitait le texte par coeur.
— Voici ce qu’a 'ecrit Fant^omas, d'eclarait-il. Voici ce qu’il a os'e 'ecrire :
Apr`es un instant de silence, d’une voix grave qui soulignait les mots, Juve r'ecita :
— Donnant !… donnant ! Juve, vous aurez confiance en ma parole, comme j’aurai confiance en la v^otre. Nous sommes ennemis, mais nous ne nous m'eprisons point. Je sais ce que vaut votre honneur de policier, vous savez ce que vaut mon honneur de bandit. Juve, vous vous affolez en ce moment, vous et Fandor, en vous demandant ce qu’est devenue H'el`ene. Soit, je n’aurais nulle piti'e de votre inqui'etude, car je vous hais l’un et l’autre, si je n’avais, moi aussi, une inqui'etude pareille au coeur.
Juve, donnant, donnant… Je vous livre un secret, livrez-m’en un autre. Vous voulez savoir ce qu’est devenue H'el`ene. Apprenez donc qu’elle s’est enfuie de la prison que je lui avais r'eserv'ee, et que, d’apr`es les t'emoignages fortuits que j’ai pu recueillir, il r'esulte que ma fille, `a l’instant m^eme o`u elle allait couler, entra^in'ee au large par le flot, a 'et'e heureusement sauv'ee par un voilier portant le nom d eLa Cordill`ere, voilier de commerce, se rendant au Chili, et devant arriver l`a-bas dans deux mois. Juve, donnant, donnant. Je vous dis o`u est H'el`ene : sur ce voilier o`u, bon gr'e, mal gr'e, elle est prisonni`ere pour deux mois.
Juve, `a l’instant o`u j’enlevais H'el`ene, Vladimir disparaissait myst'erieusement. Je ne puis savoir ce qu’il est devenu. Votre habilet'e 'echoue pour retrouver ma fille, ma puissance ne me permet pas de retrouver mon fils. Juve, vous avez imm'ediatement devin'e que j’'etais le ravisseur d’H'el`ene, et je viens de vous dire o`u elle se trouve. Juve, soyez honn^ete, dites-moi si c’est vous qui avez arr^et'e Vladimir, dites-moi si vous avez l’intention de le livrer ?