Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Autour d’elle, cependant, ceux qui la soignaient se r'epandaient en exclamations de joie.
— Boum, ca y est… disait un grand gaillard qui venait d’apporter des briques chaudes, et de les appuyer contre les pieds de la rescap'ee. Y a pas `a dire, elle revient…
— Elle revient si bien, affirma l’homme qui tenait le bol de rhum, que la voil`a hors de danger. Encore une rasade, et, ma parole, ni vu ni connu !
Il forcait en effet la malade `a boire encore, mais celle-ci, bient^ot, repoussait le bol. Le rhum semblait lui causer une fi`evre intense. Elle retrouvait des forces factices ; d’une voix sourde, elle interrogea :
— O`u suis-je ? Que me voulez-vous ?
Dix voix la renseign`erent en m^eme temps :
— Ah ! par exemple… ripostait l’homme au bol, elle est fameuse… Eh bien ! madame ma ch`ere, sauf vot’respect, vous ^etes sur La Cordill`ere, un fin voilier, ma parole, et qui file en ce moment vent arri`ere une jolie couple de noeuds. Ce qui vous est arriv'e, dame, ce serait plut^ot `a vous de nous le dire… quoique… enfin… suffit… je m’entends !…
Un 'eclat de rire couvrait ses paroles. L’assistance pr^etait 'evidemment un sens myst'erieux `a cette r'eponse peu claire.
La malade, pourtant, s’informait encore :
— Je suis `a bord d’un bateau… comme cela se fait-il ?
Mais cette fois-ci, les hommes d’'equipage riaient encore plus fort.
— Ma belle poulette, reprenait l’homme au rhum, s^urement vous n’avez pas encore la t^ete bien `a vous… Voyons, un petit effort de m'emoire. Vous ne vous rappelez pas que vous 'etiez dans la tasse, et en train de boire Un fameux coup, lorsque, tout bonnement, la gaffe au veilleur de beaupr'e vous a proprement croch'ee et tir'ee du bouillon ?
Ce n’'etait peut-^etre pas tr`es clair, mais la jeune femme cependant semblait d'esormais comprendre les explications qu’on lui donnait.
— C’est vrai, murmurait-elle faiblement… Je m’'etais 'evanouie, je me noyais… Mais c’est vous qui m’avez sauv'ee, alors ?
— Dame ! probable !
La rescap'ee, `a ce moment, faisait effort pour se soulever faiblement. On l’aidait `a s’asseoir sur son lit, puis elle reprenait :
— Oh ! si vous saviez `a quel danger j’'echappe… si vous saviez qui je suis…
`A cette minute, l’inconnue s’interrompit…
La sc`ene 'etait 'etrange, en v'erit'e, car `a peine avait-elle dit ces mots que l’'equipage, `a nouveau, 'eclatait d’un grand rire amus'e.
— Oui ! oui ! ca va bien ! disait un des matelots. On sait ce qu’on sait et on ne sait pas ce qu’on ne sait pas. Ca, c’est des affaires que vous verrez plus tard, quand vous serez tout `a fait bien, avec notre capitaine !…
— Mais, je suis bien, murmura la jeune femme…
Elle voulait se lever, en effet, elle se f^ut lev'ee peut-^etre par un prodige d’'energie, si des poignes robustes ne l’avaient maintenue et forc'ee `a s’'etendre `a nouveau.
— Bougez donc pas, murmurait-on.
La rescap'ee demanda :
— Mais ce bateau… ce bateau sur lequel je suis… o`u va-t-il ?
Les matelots se consult`erent du regard.
— Bah ! on peut lui dire, hasarda l’un.
L’homme au rhum fut cat'egorique :
— Eh bien, ma poulette, on va comme qui dirait tout `a c^ot'e. Deux mois de mer et l’on sera rendu… Et encore, si l’on ne tombe pas dans le calme plat…
— Deux mois de mer !…
La rescap'ee venait de r'epondre sur un ton d’indicible effroi. Elle articula faiblement :
— Mais la prochaine escale ?
— Pas d’escale pour nous, ma belle…
— Pas d’escale ? Ce bateau va o`u, alors ?
L’homme l^acha dans un 'eclat de rire :
— O`u s’en va La Cordill`ere ? Dame ! o`u vous irez… et si vous voulez en savoir plus, voil`a la chose : tout tranquillement, nous filons vers le Chili, et cela, en doublant la pointe !
Or, l’homme n’avait pas fini de parler que la rescap'ee subitement changeait de visage. Elle avait tout `a l’heure paru atterr'ee, maintenant elle semblait presque joyeuse.
— Au Chili, r'ep'etait-elle, vous allez au Chili ?
Et brusquement elle demanda :
— `A vous autres qui m’avez sauv'ee, je dirai merci plus tard, mais il faut, avant tout, que j’accomplisse une d'emarche grave. Puis-je parler au capitaine ?
Il y eut encore des 'eclats de rire ; l’un des hommes demanda :
— Ca d'epend… Qui faudrait-il annoncer ?
La rescap'ee n’h'esita pas.
— Dites que je me nomme H'el`ene Fandor.
Mais comme H'el`ene – car c’'etait bien H'el`ene – annoncait ainsi son nom, un nouvel 'eclat de rire faisait sursauter les hommes qui composaient le surprenant 'equipage de La Cordill`ere.
— M’est avis, murmurait un vieux marin, que c’est surtout H'el`ene Fant^omas qu’il faudrait dire !
Quel 'etait donc l’'etrange b^atiment qui avait recueilli, alors qu’elle p'erissait en mer, la femme de J'er^ome Fandor ?
Chapitre III
L’inconnu
Si les menaces de Fant^omas avaient laiss'e la malheureuse H'el`ene accabl'ee, prostr'ee, comme morte d’effroi, il 'etait 'evident que le bandit, en raison m^eme de l’amour qu’il portait `a la jeune fille qu’il continuait `a regarder comme sa fille, devait, lui aussi, effroyablement souffrir des paroles de col`ere que celle-ci lui avait adress'ees, de la r'ebellion dont elle avait fait preuve `a son 'egard.