Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Forcer la porte, arracher les serrures, gagner le pont de la p'eniche, sauter sur le quai et s’enfuir, il n’y fallait 'evidemment pas y songer.
La porte 'etait robuste `a d'ejouer toutes les tentatives, et Fant^omas d’autre part devait avoir des factionnaires qui ne se feraient pas faute d’arr^eter la fugitive.
Il n’'etait pas davantage plus rationnel d’essayer de d'efoncer une des cloisons qui s'eparait le cachot d’H'el`ene des autres cabines am'enag'ees `a l’int'erieur de la p'eniche. Outre que l’entreprise apparaissait difficilement r'ealisable, il 'etait encore `a craindre que la cloison une fois 'eventr'ee, H'el`ene se trouv^at en pr'esence d’une bande d’individus qui la traiteraient sans piti'e, ni mis'ericorde.
Que faire d`es lors ?
Il r'egnait dans cette p'eniche une atmosph`ere glaciale et p'en'etrante, une atmosph`ere d’humidit'e qui entretenait un froid intense.
`A deux reprises d'ej`a, H'el`ene avait frissonn'e. Elle se rapprocha donc d’une petite chemin'ee et frileusement se chauffa au feu de charbon qui br^ulait lentement.
Or, c’'etait en consid'erant ce foyer, en se penchant sur les rougeoiements des flammes, sur les 'etincelles qui montaient de l’'ecoulement des b^uches, qu’H'el`ene, brusquement, formait un projet hardi.
— Je m’'echapperai, r'ep'etait-elle. Je m’'echapperai ce soir, j’en suis certaine…
La jeune femme avait soigneusement remont'e sa montre, elle consid'era l’heure : midi 'etait depuis longtemps pass'e.
— Fort bien, dit-elle encore. J’ai douze heures devant moi, car je ne puis rien tenter avant minuit.
Et avec un sourire de v'eritable ironie, H'el`ene ajoutait :
— Suivant le conseil de Fant^omas, reposons-nous, il me faut prendre des forces, si je veux r'eussir.
Nature indomptable, en v'erit'e, nature d’'energie et de vaillance, H'el`ene s’imposait en cons'equence une sieste tranquille. Les 'ev'enements qui s’'etaient d'eroul'es, implacables depuis quelque temps, avaient en quelque sorte 'epuis'e ses r'eserves nerveuses, et elle 'etait tr`es lasse.
Elle s’'etendit sur un divan, et ferma les yeux, elle attendit le sommeil, en attendant la nuit.
H'el`ene ne bougea point de toute la journ'ee. Elle ne tournait m^eme pas la t^ete lorsqu’`a sept heures du soir, un homme masqu'e, un homme qu’elle ne connaissait point, venait apr`es avoir respectueusement frapp'e `a sa porte, lui apporter un somptueux repas qu’il dressait sur une table soigneusement recouverte d’une vaisselle d’un art merveilleux.
H'el`ene ne touchait pas au repas. Simplement, lorsque ce ge^olier avait disparu, elle prenait quelques-uns des mets et les jetaient dans le feu, pour faire croire qu’elle avait en r'ealit'e d^in'e.
— Inutile, murmurait la jeune femme, que Fant^omas sache que je n’ai pris aucune nourriture. Cela pourrait attirer l’attention.
Une heure plus tard, le ge^olier venait desservir la table dress'ee.
— Le Ma^itre, disait-il d’une voix lente, m’a pri'e de vous demander, mademoiselle, si vous n’aviez besoin de rien. J’ai ordre de me tenir `a votre disposition et vous n’auriez qu’`a frapper trois coups contre la muraille pour me voir accourir.
L’homme n’obtenait aucune r'eponse, il s’'eloignait apr`es un grand salut.
Or, ce ge^olier avait `a peine disparu, qu’H'el`ene, qui avait h^ate d’^etre seule, se redressait rapidement.
— Ainsi, soupirait-elle, par surcro^it, il importe, si je veux m’'evader, que j’agisse sans aucun bruit. Puisqu’il suffit de frapper sur la cloison pour ^etre entendue, je dois m’en souvenir et ne pas m’exposer `a une surprise qui pourrait ruiner mes projets.
H'el`ene, cette remarque faite, ne semblait pas d’ailleurs vraiment inqui`ete.
Qu’avait-elle donc imagin'e pour s’enfuir ?
`A quel proc'ed'e pensait-elle avoir recours, proc'ed'e qui devait ^etre, elle le reconnaissait d’elle-m^eme, compl`etement silencieux ?
H'el`ene posait sa montre sur la table desservie. Elle regardait fixement la marche lente, invisible presque, des aiguilles. Elle attendait 'evidemment une heure donn'ee pour agir. Et c’'etait en v'erit'e en fr'emissant qu’elle se forcait ainsi `a attendre, `a attendre toujours.
Le temps passait cependant, interminable et monotone.
Or, `a dix heures et demie, la jeune femme, brusquement, se d'epartait de son immobilit'e.
— Fuyons, murmurait-elle. Co^ute que co^ute, fuyons…
H'el`ene se leva. D’un geste d'ecid'e, elle commencait `a s’appr^eter pour sa fuite, dont elle semblait d'esormais pr'eparer, avec minutie, les moindres d'etails.
H'el`ene commencait par se d'ebarrasser des v^etements d’apparat qu’elle portait encore. Dans une armoire du salon, elle avait vu des v^etements plus simples, qui allaient lui permettre d’avoir une plus grande libert'e de mouvement. F'ebrilement, elle s’en rev^etit.
Dans le d'esir encore de passer inapercue, dans le but secret de se d'efigurer aussi – la pr'ecaution pouvait n’^etre pas inutile – H'el`ene prenait ses lourds cheveux, les nattait, et les tordait sur sa t^ete en un chignon qui ne rappelait que de loin la jolie coiffure qu’elle portait d’ordinaire.
C’'etait seulement quand tous ces pr'eparatifs 'etaient termin'es, qu’H'el`ene entreprenait r'eellement la t^ache p'erilleuse qu’elle s’'etait impos'ee.
La jeune femme, en v'erit'e, devait se montrer en cette occasion la digne 'epouse de Fandor, la digne compagne du plus rus'e des reporters policiers.
H'el`ene, pour 'echapper `a sa prison, avait recours au proc'ed'e le plus simple et le plus certain `a la fois.
Tout simplement, la jeune femme enfoncait dans les charbons ardents de son foyer la tige d’un tisonnier. Elle laissait la barre de fer rougir, puis, quand elle 'etait arriv'ee `a un degr'e de chaleur extr^eme, elle s’en servait pour tracer dans l’une des parois de sa cellule, un large sillon.
H'el`ene, en r'ealit'e, dessinait sur le bois, du bout de son tisonnier rougi `a blanc, une large entaille qui, petit `a petit, devait s’agrandir.