Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Sa main se leva. Son gant noir, tranquillement, fut arrach'e, tomba sur le tapis. En un instant, il d'epouillait la cagoule qu’il portait sur son visage, et qu’il jetait `a terre au hasard…
— Il faut fuir, H'el`ene ? demandait-il sur un ton de raillerie…
— Il faut fuir, r'ep'eta la jeune femme, se contraignant `a parler sur un ton de supr^eme 'energie.
Mais elle n’achevait m^eme pas sa phrase. Fant^omas, brusquement, venait d’'eclater de rire.
— Enfant… dit-il.
Et avant qu’H'el`ene ait fait un mouvement, elle sentait son poignet `a demi bris'e, sous l’'etreinte de Fant^omas qui l’attirait violemment.
— H'el`ene, disait avec pr'ecaution le G'enie du crime… H'el`ene, vous devriez savoir que je ne suis point de ceux qui fuient… moins encore de ceux qui peuvent avoir peur, et que personne jamais, en aucun temps, en aucun lieu, en aucun cas, n’a pu faire obstacle `a ma volont'e ! Il faut m’ob'eir, il faut venir, tu viendras !
Le bouton de la porte grinca.
Fant^omas et H'el`ene 'etaient encore au milieu du salon orange. Dans une seconde Fandor allait entrer. C’'etait lui qui, rassur'e sur le sort de la reine, ayant fait son devoir jusqu’au bout, revenait vers sa femme.
Fandor entra… et c’'etait alors qu’il poussait un cri terrible : le salon orange 'etait vide !
Fant^omas et H'el`ene venaient de dispara^itre !
O`u donc 'etait le Ma^itre de l’effroi ?
Comment donc avait-il ravi la jeune femme ?
Pourquoi celle-ci, sans mot dire, s’'etait-elle subitement r'esign'ee `a accompagner le monstre ?
Fant^omas, une fois de plus, venait de trouver, dans sa froide f'erocit'e, une terrible force morale pour contraindre H'el`ene `a faire son bon plaisir.
Comme la porte s’ouvrait d'ej`a, Fant^omas avait brusquement repouss'e la jeune femme dans l’embrasure de la fen^etre. H'el`ene 'etait cach'ee par la tenture. Lui-m^eme, dans les plis du grand rideau de velours, se dissimulait ais'ement…
Et Fant^omas avait tir'e un revolver. Ce revolver il le braquait sur la personne qui entrait, sur Fandor ; disait en m^eme temps :
— Un mot, H'el`ene, et je fais feu… Un mot, et Fandor est mort…
Alors, H'el`ene se taisait.
Dans le salon orange, cependant, o`u Juve s’'etait pr'ecipit'e derri`ere Fandor, une sc`ene tragique se poursuivait.
Les deux hommes, petit `a petit, retrouvaient un peu de leur habituel sang-froid. Juve et Fandor s’arrachaient `a l’an'eantissement qui s’'etait empar'e d’eux lorsqu’ils avaient d^u s’apercevoir de la disparition d’H'el`ene.
Juve, debout, secouait Fandor par les 'epaules.
— Nous n’avons pas le droit de nous d'esesp'erer, murmurait le policier, il faut agir… H'el`ene ne peut pas ^etre loin, il faut la chercher, il faut la retrouver… il faut la sauver.
Et Fandor, lui aussi, se levait. Il passait d’un geste 'egar'e sa main tremblante sur son front moite. Il titubait de douleur, de vertige. Pourtant, il se reprenait d'ej`a.
— Vous avez raison, Juve. Sangloter, c’est l^ache. Se d'esesp'erer, c’est indigne. Il faut lutter.
Et d’une voix chang'ee, d’une voix basse, d’une voix qui d'etonnait sinistrement, Fandor reprenait :
— Ah, parbleu, oui, il faut lutter… Fant^omas, Fant^omas… tu ne sais point ce que nous pouvons oser Juve et moi, quand il s’agit d’H'el`ene. Pardieu… ta vie, ton sang, nous paiera ces minutes, je le jure.
Juve d'ej`a cependant, enqu^etait. Devant la reine affol'ee, le policier examinait la pi`ece.
— La fen^etre est ferm'ee, remarquait-il. Fant^omas et H'el`ene ne sont point partis par l`a… Ils sont certainement sortis par l’int'erieur du palais. Peut-^etre sont-ils encore `a l’int'erieur des b^atiments m^eme. Hardi ! Fandor, cherchons !
Et Juve, se tournant vers la reine, ajoutait :
— Que Votre Majest'e oublie notre angoisse ! Votre Majest'e se doit `a son peuple. Qu’elle daigne regagner ses appartements ; Fandor et moi nous lui demandons de ne point s’exposer inutilement. La reine de Hollande n’a pas `a savoir qu’il y a guerre et guerre `a mort entre nous et le G'enie du crime.
Wilhemine, cependant, refusait tout d’abord de s’'eloigner. La reine ne pouvait pas se r'esoudre `a abandonner ainsi celle qui ne l’avait pas abandonn'ee et qui au p'eril de sa vie, lui avait gard'e son tr^one.
Malgr'e tout, cependant, Juve finissait par la convaincre.
Le policier trouvait des phrases persuasives.
`A coup s^ur, Fant^omas 'etait vaincu. `A coup s^ur, l’'emeute hollandaise 'etait mat'ee. Toutefois, il convenait de ne pas pr^eter le flanc `a ces terribles attaques. Cela ne serait en rien utile `a H'el`ene, et cela simplement compliquerait la situation.
La reine s’inclina devant la volont'e formelle de Juve. Elle quitta le salon orange. Fandor et Juve, rest'es seuls, 'echang`erent une 'etreinte et, sans mot dire, quitt`erent la pi`ece, eux aussi.
— Il faut enqu^eter, disait Juve.
Et Fandor approuvait :
— Il faut savoir si nul n’a vu sortir Fant^omas, si nul n’a remarqu'e le d'epart du Grand 'Eclusier.
Or, `a l’instant o`u Juve et Fandor, pr^ets `a recommencer la lutte, abandonnaient le salon orange, H'el`ene et Fant^omas, `a quelques m`etres d’eux seulement, 'eprouvaient des sentiments bien divers.
Derri`ere la tenture du salon, la femme de Fandor, terrifi'ee par les menaces de Fant^omas, par le revolver qu’il braquait continuellement sur Fandor, vivait mille morts.