Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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H'el`ene se leva. Elle examina la situation avec un sang-froid parfait, un calme d’esprit absolu. Certes, elle ne doutait pas que Juve et Fandor ne fussent d`es `a pr'esent `a sa recherche. Elle savait m^eme que le journaliste et le policier n’auraient ni cesse, ni r'epit qu’ils aient pu retrouver sa trace. Mais bien qu’elle s^ut tout cela, elle se rendait parfaitement compte qu’il lui fallait, pour se sauver, ne compter que sur elle-m^eme.
Fant^omas l’avait maintes fois prouv'e, il ne laissait rien au hasard. Il ne risquait rien sans ^etre s^ur de la r'eussite de ses tentatives, et, par cons'equent, s’il s’'etait empar'e d’elle, s’il l’avait conduite dans cette p'eniche, c’est qu’il 'etait assur'e que Juve et Fandor ne pourraient pas de longtemps trouver cette piste, c’est qu’il tenait pour certain que la prisonni`ere ne pourrait pas lui ^etre ravie.
— Je ne peux pas compter sur Juve et sur Fandor, s’avoua tristement H'el`ene. Ils ne peuvent pas me sauver. C’est donc `a moi de trouver le moyen de d'ejouer les ruses de Fant^omas.
La situation de la jeune femme 'etait en v'erit'e tragique. Seule, abandonn'ee de tous, enti`erement aux mains de Fant^omas, prisonni`ere du monstre, elle d'ecidait de s’'evader, de relever le d'efi que Fant^omas lui avait jet'e, d’accepter la lutte, et de vaincre…
Mais n’'etait-ce pas un pr'esomptueux dessein ? H'el`ene ne pr'esumait-elle pas trop de ses forces ? Pouvait-on r'eellement lutter contre Fant^omas, et pouvait-elle, faible et d'esarm'ee comme elle l’'etait, esp'erer vaincre celui que nul au monde ne pouvait se vanter d’avoir d'efinitivement vaincu, celui qui se nommait lui-m^eme le Ma^itre de tous, celui que le monde appelait l’insaisissable ?
H'el`ene 'etait de ces natures 'energiques et vaillantes qui, tout en gardant soigneusement leurs illusions, savent ne point mesurer les difficult'es des entreprises qu’il leur pla^it de tenter.
Si elle avait r'esolu, si elle avait r'efl'echi `a l’impossibilit'e o`u elle 'etait de vaincre Fant^omas, elle se f^ut probablement d'ecourag'ee, elle e^ut compris qu’elle ne pouvait rien contre le destin.
Tout au contraire, elle se refusait `a la r'eflexion, elle s’emp^echait de songer au p'eril, et elle n’envisageait la bataille que pour s’applaudir de la joie des victoires `a gagner.
H'el`ene eut ce petit mouvement de t^ete `a la fois mutin et d'ecid'e qui lui 'etait particulier.
— Il faut se battre, murmurait-elle, soit, je me battrai. Je me battrai jusqu’`a la mort, sans crainte et sans regret, car je ne tiens pas `a vivre si je dois vivre sans Fandor…
La lutte d'ecid'ee en son esprit, H'el`ene imm'ediatement songea `a organiser la victoire qu’elle comptait bien remporter.
Que pouvait-elle contre Fant^omas ? Le braver en face, le menacer de repr'esailles, t^acher de lui arracher sa libert'e.
Elle y pensa d’abord, puis, une r'eflexion rapide la convainquit qu’un tel espoir 'etait vain. Fant^omas n’'etait pas homme `a se laisser attendrir ; Fant^omas n’'etait pas accessible `a la piti'e, jamais de son plein gr'e, il ne la remettrait en libert'e.
— Tant pis, pensa H'el`ene. Je m’'evaderai…
Mais pouvait-on s’'evader d’une prison choisie par Fant^omas ?
H'el`ene, `a l’instant o`u le bandit la transportait de l’automobile sur la barge hollandaise, avait tout juste eu le temps d’apercevoir quelques d'etails du bateau. Elle avait remarqu'e qu’il 'etait charg'e de tas de charbon ; elle avait not'e qu’il se trouvait presque `a l’extr'emit'e de l’avant-port, et que la mer libre commencait `a quelque distance.
— Que signifie cette situation ? se demanda-t-elle. Une p'eniche ne peut naviguer en mer. Fant^omas n’a donc pas l’intention, j’imagine, de s’enfuir par l`a. Aura-t-il donc l’audace de faire remorquer la p'eniche `a travers le port ? C’est douteux. Juve et Fandor, en effet, tr`es probablement, obtiendront des autorit'es que l’on fouille et que l’on perquisitionne `a bord de tous les navires. Que pense donc d'ecider le Ma^itre de l’effroi ?
Mais H'el`ene eut beau r'efl'echir, elle ne put rien inventer qui lui perm^it de se forger une id'ee, m^eme incertaine, des desseins de Fant^omas.
Qu’importait, d’ailleurs, apr`es tout !
— Quoi qu’il fasse, quoi qu’il d'ecide, songeait H'el`ene, je ne veux point souffrir davantage sa loi. J’entends ^etre libre, j’entends m’'evader au plus vite.
Mais comment s’'evader ?
H'el`ene envisagea le salon dans lequel elle se trouvait, ce salon qui 'etait install'e dans la petit cabine situ'ee `a l’extr'emit'e de la p'eniche. La pi`ece, malgr'e son luxe, lui apparut imm'ediatement une cellule herm'etiquement close. Des panneaux de bois obturaient les fen^etres grillag'ees ; la porte 'etait verrouill'ee de quadruples serrures, et le plafond, le plancher, les murailles, 'etaient faits de ch^ene 'epais qui ne pouvait 'evidemment ^etre d'efonc'e.
— Je ne resterai pas ici, r'ep'eta pourtant H'el`ene, tapant du pied.
Elle colla son oreille successivement aux murailles de son cachot. Elle entendit d’abord le clapotement des eaux du bassin, heurtant les flancs de la p'eniche. Puis enfin, elle saisit, tr`es lointain, tr`es indistinct, le bruit d’une conversation, l’'echo d’une discussion joyeuse.
Alors la jeune femme fr'emit. Assur'ement, Fant^omas et elle-m^eme n’'etaient pas seuls `a se trouver `a bord de la p'eniche. Celle-ci devait servir de repaire `a toute une bande form'ee des complices de Fant^omas. Les tas de charbon qui encombraient le pont ne devaient avoir d’autre but que de donner le change. Ils dissimulaient sans doute d’autres cabines plus spacieuses, des cabines dans lesquelles on faisait ripaille en ce moment, f^etant sans doute son enl`evement.
En un instant, H'el`ene imagina toute une organisation secr`ete, relative `a la bande de Fant^omas.
La p'eniche, aux dimensions modestes, semblait-il, lorsqu’on la consid'erait du quai, pouvait ^etre en r'ealit'e fort grande. Qui pouvait indiquer sa profondeur r'eelle ? qui prouvait m^eme, qu’all'eg'ee de son lest, elle n’'etait point capable de tenir la haute mer, de se transformer en un v'eritable cargo-boat ?
H'el`ene imaginant cela, se prenait `a fr'emir plus encore. Si elle avait r'eellement devin'e la v'erit'e, il lui fallait s’attendre aux pires catastrophes.
Fant^omas sur sa p'eniche, pouvait, `a la faveur de la nuit, quitter le port sans ^etre remarqu'e, gagner la haute mer, et l`a, mettre la voile.
— O`u me m`enerait-il ? pensa la jeune femme.
Mais H'el`ene ne chercha pas longtemps une r'eponse `a cette angoissante question.
— Qu’importe les intentions du mis'erable, songeait-elle, puisque je suis r'esolue `a ne pas les subir, puisque ce soir je me serai 'evad'ee !
Cette 'evasion, d`es lors, occupait H'el`ene avant tout. D’abord, elle n’en concevait pas le plan ; puis, peu `a peu, il naissait dans son esprit, il se pr'ecisait, il se mat'erialisait, et bient^ot elle ne doutait plus de sa r'eussite.