Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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`A son tour, H'el`ene interrompit Fant^omas.
— Cette haine, fit-elle, vous n’avez pas le droit d’en parler, Fant^omas. Fandor est un honn^ete homme, et Fandor fait son devoir en luttant contre vous. Votre haine n’a pas de motif avouable.
— Si, fit rudement Fant^omas.
— Lequel ?
`A l’interrogation pr'ecise de sa fille, car c’'etait toujours sa fille `a ses yeux, Fant^omas frissonna. Les veines de ses tempes se gonfl`erent. Un acc`es de col`ere le secoua.
— Je hais Fandor, commenca-t-il, parce que…
— Parce que ? demanda H'el`ene.
— Parce que vous l’aimez !
Mais `a cette sombre d'eclaration, H'el`ene s’emporta :
— Vous mentez ! murmura-t-elle. Vous mentez, Fant^omas !… Vous ha"issiez Fandor avant ! D’ailleurs, que vous ferait que j’aime Fandor ? Fandor est mon mari… Voudriez-vous donc mon malheur ? Pr'ef'ereriez-vous que je sois la femme d’un homme que je n’aimerais point ?
H'el`ene haletait…
Peut-^etre esp'erait-elle, connaissant l’affection sinc`ere que Fant^omas avait pour elle, arriver `a toucher son coeur. Peut-^etre se disait-elle que l’^ame farouche de Fant^omas, cette ^ame inaccessible `a la piti'e, n’avait jamais eu, en somme, qu’une seule faiblesse, cette affection qu’il lui vouait.
Ne pourrait-elle s’en faire une arme ? N’obtiendrait-elle pas sa libert'e ?
La malheureuse dut abandonner rapidement toute lueur d’espoir. Fant^omas de ce ton imp'erieux qu’il prenait quelquefois, et qui rendait toute discussion impossible, r'etorquait d'ej`a :
— Je vous d'efends, H'el`ene, de jamais oser pr'etendre devant moi que vous ^etes la femme de Fandor. Vous ne lui ^etes rien, et il ne vous est rien, voil`a la v'erit'e…
Mais `a cette affirmation, H'el`ene protestait encore :
— La v'erit'e `a vos yeux peut-^etre, disait-elle. Mais il n’emp^eche que la loi elle-m^eme…
La jeune femme se tut.
Fant^omas venait d’'eclater d’un rire infernal.
— La loi est pour moi, d'eclarait-il, en affectant une piti'e plut^ot m'eprisante `a l’endroit de sa fille. La loi est pour moi, et je dois vous rapprendre… H'el`ene, vous croyez ^etre la femme de Fandor… Vous ne l’^etes pas ! Vous ne le serez jamais ! Oh ! sans doute, je ne me fais point d’illusion, vous allez me r'epondre que vous avez 'epous'e Fandor `a la maison de sant'e du docteur Paul Drop .Vous allez me rappeler que Fandor, par je ne sais quel moyen, obtint du pr'esident de la R'epublique lui-m^eme la dispense de publicit'e que rendait n'ecessaire votre agonie apparente. Vous allez me rappeler tout cela, vous allez me citer cette c'er'emonie grotesque, au cours de laquelle en infirmier Claude, je fus votre t'emoin, tout comme l’'etait Vladimir, le comte d’Oberkhampf. Eh bien, tout cela, H'el`ene, apprenez-le, n’a aucune valeur, ne compte pas, n’existe point, pas plus `a mes yeux qu’aux yeux de la loi !
Fant^omas se tut. Il escomptait une protestation de la part de la jeune femme, mais celle-ci se taisait.
H'el`ene, `a cet instant, ne croyait pas aux paroles de Fant^omas. Ce qu’il disait 'etait impossible. Elle 'etait bien r'eellement la femme de Fandor, elle l’'etait l'egalement et Fant^omas, quelle que f^ut sa puissance, ne pouvait rien contre le fait accompli, contre le fait acquis.
Fant^omas reprit :
— Vous ne me croyez point, H'el`ene ? Soit ! S’il vous faut des preuves, je vais vous en fournir. Avez-vous dont oubli'e l’acte dont donna lecture le greffier de l’'etat civil, ne savez-vous pas que la dispense in extremisaccord'ee `a l’occasion de votre mariage est, aux termes de la loi, r'egl'ee de cette facon : vous ^etes mari'ee, H'el`ene, avec Fandor, sans publications l'egales, mais `a la condition que ces publications soient faites d`es le lendemain. Or, d`es le lendemain, des incidents sont survenus, que j’avais ordonn'e moi-m^eme. Fandor et vous, H'el`ene, vous n’avez pu faire ex'ecuter ces publications ; elles n’ont pas 'et'e faites dans le temps voulu, elles ne peuvent plus l’^etre… Votre mariage est nul, vous n’^etes pas la femme de Fandor, vous ne le serez jamais…
Atterr'ee, H'el`ene se taisait toujours.
Elle se rappelait en effet parfaitement les dispositions de la loi dont on lui avait donn'e connaissance. Il 'etait exact que le mariage in extremisaccompli entre elle et Fandor se trouvait rompu, annul'e, an'eanti, par le fait m^eme que les publications l'egales n’avaient pas 'et'e r'ealis'ees.
La loi qu’invoquait Fant^omas 'etait cruelle, mais c’'etait la loi.
Alors H'el`ene, affol'ee, joignait les mains. D’une voix rauque, d’une voix bris'ee, elle articula :
— Fant^omas, je ne suis pas la femme de Fandor, mais ma volont'e est de l’^etre un jour. J’aime Fandor, il m’aime… Pourquoi ne voulez-vous pas que nous puissions ^etre heureux ?
H'el`ene 'etait pr^ete, presque, `a supplier le Ma^itre de l’effroi. Elle fr'emit en entendant sa r'eponse :
— Parce que, d'eclarait Fant^omas, il est un autre mari que je vous destine, un autre que vous 'epouserez, et qui vous rendra plus heureuse !
Et f'erocement, Fant^omas ajoutait :
— Plus un mot, H'el`ene, assez sur ce sujet. Ma d'ecision est irr'evocable.
Et, lentement Fant^omas s’'eloignait, cependant qu’H'el`ene, malgr'e sa vaillance, vaincue par cette derni`ere menace, 'eclatait en sanglots.
Chapitre II
'Evasion tragique
Du temps passait.
D’abord vaincue par l’effroyable menace que Fant^omas avait os'ee contre elle, en lui disant que, de facon irr'evocable, il avait d'ecid'e, dans sa tragique puissance de monstre qui n’avait jamais connu une volont'e oppos'ee `a la sienne, d’emp^echer son mariage avec Fandor, d’abord 'epouvant'ee `a l’id'ee que Fant^omas avait r'esolu de la contraindre d’'epouser un autre homme, H'el`ene, rapidement, se r'evoltait, redevenait ma^itresse d’elle-m^eme, et trouvait, dans son sang-froid reconquis, comme dans son amour, les forces suffisantes pour d'ecider de lutter et de vaincre le Ma^itre de l’effroi.
— J’aime Fandor, se disait H'el`ene. Et s’il est possible qu’aux yeux de la loi il ne soit point mon mari, il est certain que je suis sa femme, dans le secret du sentiment de mon ^ame, et que rien, pas une force au monde, pas un homme sur terre, ne peut nous d'elier des serments que nous avons librement 'echang'es, lui et moi.
La jeune femme qui avait sanglot'e, apr`es le d'epart de Fant^omas, se retrouvait brusquement ma^itresse d’elle-m^eme, dispos'ee `a la lutte, pr^ete `a combattre encore le Ma^itre de l’'epouvante, s’il 'etait n'ecessaire, pour triompher de ses intentions funestes.
Ne pas 'epouser Fandor, cela semblait `a H'el`ene une effroyable chose, mais la pens'ee d’'epouser un autre homme, d’^etre contrainte `a un mariage avec un inconnu, lui apparaissait en revanche, d’un grotesque achev'e.
— On ne disposera pas de moi ainsi, pensait-elle. Je ne suis pas en vain l’enfant qui a grandi, qui s’est form'ee dans les plaines du Transvaal. Je saurai lutter contre le Ma^itre de l’effroi, contre celui qui ose se dire mon p`ere, et qui pourtant, dans l’aveuglement de sa tendresse, se conduit `a mon 'egard comme le plus abominable des tortionnaires.