Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Ce sera une plaisanterie, une bonne plaisanterie, ma parole…
Et, pench'e sur le mort, Fant^omas fouillait dans ses poches, volant le portefeuille, compulsant les papiers.
Une exclamation brusque lui 'echappa encore :
— Ah ! par exemple…
Puis il ajouta pensivement :
— Quelle trouvaille…
Quel 'etait donc l’homme tu'e par Fant^omas, quelle d'ecouverte venait donc de r'eussir le sinistre G'enie du crime ?
Chapitre V
Policiers prudents
— La premi`ere rue apr`es avoir travers'e le boulevard Anspach… la premi`ere rue il n’y a pas `a s’y tromper, c’est celle-ci. On m’a dit encore :
L’homme qui monologuait ainsi, marchant `a grands pas sur les boulevards de Bruxelles 'etait un individu fort correctement habill'e d’un grand pardessus noir, d’un chapeau melon, de souliers vernis. Il tenait de la main droite une canne `a pomme d’or, et serrait sous son bras gauche une serviette d’avocat, que maintenait ferm'ee, par surcro^it de pr'ecaution, semblait-il, une 'epaisse sangle d’'etoffe.
Ce personnage pouvait avoir une trentaine d’ann'ees, il paraissait fort comme il faut, et tout, dans son attitude, r'ev'elait l’homme bien 'elev'e qui occupe un certain rang social et n’h'esite point, le cas 'ech'eant, `a se consid'erer lui-m^eme comme un personnage !
Ce personnage, toutefois, par moment, froncait les sourcils, et sa mine alors devenait pr'eoccup'ee.
— Pourvu que je r'eussisse, murmurait-il, pourvu que l’on m’'ecoute…
Il s’'etait orient'e, suivant 'evidemment les indications qu’on lui avait fournies quelques minutes avant ; il avait, quittant le boulevard Anspach, tourn'e dans une rue voisine et, d'esormais traversant la chauss'ee, il se dirigeait vers un immeuble d’assez modeste apparence, dont le rez-de-chauss'ee 'etait occup'e par une grande boutique aux fen^etres grillag'ees que surmontait une grande inscription : Poste de police.
— Voici mon affaire, murmura l’inconnu.
Quelques instants plus tard, il abordait avec aisance l’un des deux gardiens de la paix qui, en la capitale belge, imitant `a merveille les moeurs parisiennes, stationnaient sur le seuil en qualit'e de factionnaires :
— Les bureaux du commissariat ?
L’inconnu avait l'eg`erement salu'e le gardien de la paix qui r'epondit, en touchant son k'epi :
— `A quel sujet, savez-vous ?
Un sourire plissa les l`evres du questionneur, qui, tr`es 'evidemment, s’amusait de la pittoresque tournure de ce francais belge que l’on parle commun'ement `a Bruxelles, qui s’en amusait d’autant plus qu’il n’'etait certainement pas Belge lui-m^eme, qu’il devait ^etre tout au contraire Parisien et m^eme Parisien averti, ainsi que cela se devinait `a sa tournure, `a sa d'emarche.
L’inconnu r'epliqua :
— Je d'esirerais entretenir personnellement M. le commissaire de police.
L’agent salua encore, 'evidemment impressionn'e par l’autorit'e du questionneur, qui pr'etendait ainsi, de prime abord, obtenir audience du grand magistrat qu’'etait le commissaire de police aux yeux de son subordonn'e.
— Pour une fois alors, r'epondit l’agent, il faut monter l’escalier qui colimaconne, certes oui, sais-tu ?
L’'etranger sourit encore, amus'e de ce parler belge, puis remercia.
— `A votre disposition, fit l’agent.
Les deux factionnaires recommencaient leur monotone promenade devant le poste de police, l’homme grimpait un petit escalier 'etroit et tortueux, un escalier en colimacon, ainsi qu’on dit en francais, un escalier qui colimaconne, ainsi que le disent avec une exactitude d’expression parfaite, les Belges, nos voisins.
Sur le palier du premier 'etage, le personnage trouva un huissier qui, sans lever la t^ete, le regardant par-dessus ses lunettes, l’interrogea brusquement d’un ton rogue :
— Que voulez-vous ?
— Pourrais-je parler `a M. le commissaire de police ?
Il y avait malheureusement entre l’huissier et le gardien de la paix la diff'erence profonde qui s'epare toujours un homme ordinaire d’un fonctionnaire de l’'Etat. Le gardien de la paix avait 'et'e aimable, et l’huissier, qui n’'etait d’ailleurs qu’un simple garcon de bureau pompeusement titr'e, suivant la mode belge, fut bourru.
— On ne d'erange pas le commissaire, savez-vous ?
`A quel sujet voulez-vous le voir ?
— Pour affaire urgente et grave.
Si l’huissier se faisait d'esagr'eable, le personnage se faisait indiff'erent `a sa brusquerie calcul'ee. Il parlait en homme qui est s^ur de son fait, son ton n’admettait gu`ere la discussion.
L’huissier sentit la menace, eut un instant l’id'ee de se r'evolter, mais n’osa pas.
— Vous avez une carte ?
— Voici.
L’inconnu avait tir'e son portefeuille, il tendait un bristol, dont l’huissier, d’un geste machinal, v'erifiait impoliment la gravure en passant son pouce sur le nom. Le serviteur 'epela les titres et qualit'es du questionneur.
— Vous ^etes M. Jussieu, courtier en parfumerie ?
L’'etranger s’inclina sans r'epondre.
— Attendez, je vais voir…
L’huissier se levait pesamment, en homme que l’on arrache `a une b'eate torpeur, s’en allait frapper `a une porte, p'en'etrait dans un bureau voisin. Quelques secondes plus tard il r'eapparaissait, annoncant :
— M. le commissaire veut bien vous recevoir, entrez…
Un instant plus tard, le personnage qui insistait de la sorte pour parler au commissaire de police, se trouvait dans le cabinet m^eme du magistrat, en face d’un personnage d’une quarantaine d’ann'ees, `a l’air assez infatu'e de lui-m^eme, aux gestes brusques, au ton cassant.
— Vous d'esirez ? s’informait-il.
Le courtier en parfumerie, qui avait salu'e et demeurait d'ecouvert, ne paraissait nullement surpris et moins 'emu encore de la facon un peu s`eche dont on lui adressait la parole. Il prenait une chaise sans qu’on l’y invit^at, et pos'ement d'eclarait :
— Monsieur le commissaire, je vous demande pardon de venir ainsi vous importuner, mais il s’agit d’une affaire grave.
— Laquelle ? interrompit le magistrat.