Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— C’est bon, c’est bon…
Bouzille partit en galopant, 'evitant d’ailleurs soigneusement de marcher sur le ballast, ce qui prouvait qu’il 'etait v'eritablement retors, car il ne risquait aucunement, en proc'edant ainsi, d’ab^imer ses 'epais souliers qui, d’ailleurs, en avaient vu bien d’autres.
Bouzille trottait au long de la voie, et bient^ot disparaissait `a l’extr'emit'e de la courbe.
Fandor, qui l’avait suivi des yeux, se prit alors `a soupirer profond'ement :
— Mon Dieu, se demandait le journaliste, arrivera-t-il `a temps ? Pourra-t-il fermer le disque ? Le train ob'eira-t-il `a ce signal d’arr^et, qui, sans doute, surprendra le m'ecanicien.
Fandor s’'etait remis `a genoux. Il 'etait au milieu des rails, il s’'ecorchait les mains `a se tra^iner sur le ballast, il finit par s’arr^eter :
— Bon Dieu, se disait-il, il faudra bien que pour une fois j’aie la bonne veine pour moi et que je retourne les cartes…
`A cet instant, J'er^ome Fandor, immobile, commenca de fixer le disque dont il apercevait l’'eclat rouge au lointain. Fandor calculait par la pens'ee le temps qu’il fallait `a Bouzille pour arriver au signal, et tr`es 'emu, se disait :
— Je vais voir le disque tourner ; je vais le voir se mettre `a l’arr^et… oui, cela ne fait pas de doute, c’est certain, c’est absolu…
Mais le disque ne tournait pas…
Les minutes, `a cet instant, semblaient `a J'er^ome Fandor `a la fois br`eves et interminables. Il lui paraissait que le temps s’'ecoulait effroyablement vite, et que les huit minutes qui s'eparaient th'eoriquement le train de marchandises du rapide 'etaient depuis longtemps 'ecoul'ees. En m^eme temps il lui semblait qu’il y avait un si`ecle que Bouzille 'etait parti et il tressaillait douloureusement, le regard riv'e `a ce disque, ce disque rouge qui aurait d^u se mettre `a l’arr^et et qui ne bougeait aucunement…
Et J'er^ome Fandor, au bout de quelques instants, n’y tenait plus.
— S^urement, grondait-il, Bouzille est encore en train de faire quelque extraordinaire imb'ecillit'e… car il n’est pas possible que le disque ne soit pas depuis longtemps en travers s’il avait su s’y prendre !
Et, plus douloureusement encore, le jeune homme souffrit de sa foulure, de ce stupide accident mat'eriel qui le privait en partie de ses moyens et l’obligeait `a avoir recours aux bons offices de Bouzille, lequel faisait 'evidemment un complice d’int'er^et douteux.
Or, comme il se d'esesp'erait ainsi, Fandor brusquement sursauta :
Une rafale de vent courbant les branchages des arbres venait brusquement de lui souffler au visage. Il lui avait paru que ce vent lui apportait l’'echo d’un sourd grondement, d’un fracas formidable, il aurait jur'e qu’il avait entendu le coup de sifflet d’une locomotive !
— Bon Dieu, le train…
Affol'e, voulant savoir, co^ute que co^ute, s’il ne se trompait pas, si le rapide arrivait bien, s’il se trouvait `a quelques centaines de m`etres, si brusquement il allait surgir, ayant d'epass'e le disque, Fandor se tra^ina jusqu’au rail de la voie.
Il s’'etait soudainement rappel'e que les bandits am'ericains, ceux-l`a qui arr^etent couramment des trains en accumulant des obstacles sur leur voie, dans le but de d'evaliser les voyageurs et de piller les bagages, se servaient d’un moyen fort simple pour deviner l’arriv'ee des convois : tout bonnement, ils collaient leur oreille aux rails de fer. Le rail agissait alors comme un v'eritable conducteur acoustique, il permettait de fort loin d’entendre le vacarme d’un train.
J'er^ome Fandor, `a l’instant o`u il songeait `a cela, essayait de ce proc'ed'e.
'Etendu `a plat ventre, il appuyait son oreille sur le rail, il 'ecoutait de toute son ^ame…
Et certes, J'er^ome Fandor n’avait pas besoin d’avoir l’oreille bien fine pour ^etre renseign'e.
Le rail tout entier vibrait… `A coup s^ur, le train n’'etait pas loin… `A coup s^ur encore il arrivait, lanc'e `a son maximum de vitesse, foncant droit devant lui, dans tout le brutal 'elan des machines l^ach'ees et d'eployant toutes leurs forces…
— Le disque !… le disque !… r^ala Fandor.
Il eut un dernier regard pour le disque : le signal n’avait point boug'e, il 'etait toujours ouvert…
— Fichtre ! grommela Fandor. La partie est perdue !…
Or, `a cet instant, brusquement, le disque tourna sur lui-m^eme.
Certes, Fandor e^ut vu s’'ecrouler le sol, entendu dans les plaines voisines le fracas d’une salve d’artillerie, qu’il e^ut 'et'e moins 'emu.
`A l’instant o`u il croyait tout perdu, la partie 'etait-elle donc gagn'ee ?
`A l’instant o`u il pensait que Bouzille ne mettrait jamais le disque `a l’arr^et, le chemineau r'eussissait-il donc la manoeuvre ordonn'ee ?
Fandor le crut, et son coeur se prit `a battre `a grands coups.
`A l’instant m^eme, d’ailleurs, un coup de sifflet formidable retentissait…
Fandor cessait de consid'erer le signal pour guetter instinctivement l’extr'emit'e de la ligne par o`u devait d'eboucher le train.
Le rapide ne se fit pas attendre.
Soudain, Fandor l’apercut, tout empanach'e de fum'ee, saluant le signal de la sir`ene, et foncant sur lui dans un 'elan formidable.
Le journaliste prit le revolver `a la main.
— Allons, songeait-il. Le m'ecanicien a d^u voir le signal d’arr^et. S^urement, il a renvers'e la vapeur, le train va s’immobiliser, stopper `a quelques pas de moi, il ne faut pas que Fant^omas puisse m’'echapper, cette fois-ci !
Et J'er^ome Fandor connut alors quelques secondes de fi'evreuse anxi'et'e.
Cinq cents m`etres tout ou plus le s'eparait du rapide.
Fandor ne pensait tout d’abord qu’`a l’issue de la lutte engag'ee contre Fant^omas, puis, brusquement une nouvelle crainte le prenait :