L'agent secret (Секретный агент)
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— Bien, Juve, je m’en rapporte `a vous… quoi qu’il arrive, j’aurai soin d’^etre continuellement `a vos c^ot'es… si vous avez besoin de moi…
— Merci, Fandor !…
« Tu sais, ajouta Juve, qu’une fois encore nous risquons notre peau ?… Je suis s^ur de la victoire finale, sauf si la balle stupide d’un revolver…
— Ca va bien ! Juve, vous voulez me faire peur.
La voiture tournait `a l’extr'emit'e du pont Alexandre.
***
L’h^otel du baron de Naarboveck 'etait brillamment illumin'e.
Le bal battait son plein dans les salons du premier 'etage.
Un orchestre de tziganes dissimul'e derri`ere un massif de plantes vertes dans un angle de la principale pi`ece ex'ecutait ses valses les plus entra^inantes, et joyeusement la foule tourbillonnait, foule nombreuse, 'el'egante, compos'ee de tout ce qui compte `a Paris.
M meParadel, la d'elicieuse femme du Ministre des Affaires 'Etrang`eres, s’entretenait cordialement avec le ma^itre de maison. Consid'erant Wilhelmine, qui passait affair'ee devant elle, sans toutefois omettre de la saluer d’un gracieux signe de t^ete, elle murmura :
— Charmante jeune fille !
Puis, se tournant vers de Naarboveck et affectant une mine inqui`ete :
— Mais vous devez ^etre d'esol'e, mon cher baron ! N’ai-je pas entendu dire que vos jeunes mari'es allaient partir pour le centre de l’Afrique ?…
— Oh ! riposta en riant le diplomate, on a beaucoup exag'er'e, madame. Mon futur gendre, Henri de Loubersac, quitte en effet l’'Etat-Major, mais c’est avec le grade de capitaine, et ses chefs l’envoient, non pas, comme vous le croyez, au milieu des n`egres, mais tout simplement `a Alger… excellente garnison…
— J’aime `a croire, reprit la ministresse, que vous irez bient^ot leur rendre visite.
Le baron s’inclina comme son interlocutrice s’'ecartait de lui, il en profita pour se diriger vers l’entr'ee des salons.
Deux visiteurs dont la silhouette n’avait pas 'echapp'e aux regards perspicaces du ma^itre de maison s’avancaient lentement vers lui.
Naarboveck r'eprima un tressaillement et, interrogea les nouveaux venus :
— Vous ^etes, messieurs, de mes invit'es ?…
— Cela va sans dire, r'epliqua l’un des arrivants… Vous pouvez ^etre assur'e, baron, que mon ami Fandor et moi-m^eme, nous ne nous serions pas permis…
— Mais je sais, je sais, monsieur Juve, dit le baron. D’ailleurs, je vous attendais…
— Nous nous en serions voulu aussi de ne point venir vous apporter d`es ce soir les f'elicitations auxquelles vous avez droit !
— Vraiment, s’'ecria de Naarboveck, vous parlez du mariage de Wilhelmine ?
Juve secoua la t^ete :
— Non, baron, je r'eserve ces compliments `a M. de Loubersac et `a M lleTh'er`ese… pardon, M lleWilhelmine.
— Que voulez-vous donc dire, monsieur Juve ?
— Je veux dire… Je veux dire, mon cher baron, que j’ai r'ecemment appris votre nouvelle fonction. Vous voici donc, d`es ce soir, repr'esentant du royaume de Hesse-Weimar ?… J’imagine, monsieur l’ambassadeur, que vous ^etes satisfait de cette nomination ?
— Elle comporte, en effet, quelques avantages…
— Comment donc ! Vous n’ignorez pas que vous voil`a de la sorte d'efinitivement accr'edit'e dans les milieux officiels… de plus vous jouissez de l’inviolabilit'e.
— En effet, monsieur, je jouis de l’inviolabilit'e. Avantage appr'eciable, n’est-ce pas ?
— Tr`es appr'eciable ! reconnut Juve.
Mais le flot des arrivants s'epara les interlocuteurs. Le ma^itre de maison s’'echappa, regagnant le fond du salon, tandis que Fandor tirait le policier par la manche et dans l’angle d’une fen^etre, le questionnait `a voix basse :
— Juve ! Juve ! que signifie cette com'edie ?
— H'elas, Fandor, ce n’est pas une com'edie !…
— De Naarboveck est ambassadeur ?
— … Du royaume de Hesse-Weimar, oui, Fandor ; il l’est depuis huit jours, depuis le soir o`u nous avons failli l’arr^eter dans l’atelier de la rue Lepic… o`u tu as failli toi-m^eme rester sur le carreau…
— Et il est inviolable ?
— Naturellement. Conform'ement aux conventions internationales, tout repr'esentant accr'edit'e est inviolable… quel que soit l’endroit o`u il se trouve. `A plus forte raison dans l’immeuble de l’ambassade… mais tout n’est pas fini… excuse-moi, j’ai `a faire !
Brusquement, le policier quitta Fandor, se faufila au milieu des innombrables habits noirs et des femmes d'ecollet'ees.
Juve s’approcha d’un invit'e isol'e dans l’assistance. C’'etait un homme fort distingu'e, jeune encore, de trente-cinq ans environ, il portait une moustache blonde soigneusement fris'ee, avec les pointes retrouss'ees `a l’allemande. Juve s’inclina devant lui, murmurait avec une profonde d'ef'erence :
— Ah ! merci d’^etre venu, merci, Majest'e !…
— Je suis ici, monsieur, le prince Louis de Kalbach, respectez mon incognito et faites vite, je vous prie. Ma pr'esence `a Paris est ignor'ee de tous, je d'esire qu’il en soit ainsi, j’ai comme vous savez l’heureuse chance de n’^etre point connu de mon… de cet… individu…
Juve allait r'epondre mais quelqu’un le tirait par le bras. Le policier se retourna.
Il vit le lieutenant de Loubersac qui, le visage radieux :
— Ah ! monsieur Juve, que je suis heureux de vous rencontrer !… mais j’allais oublier !… pr'ecis'ement M. L'epine vous cherchait tout `a l’heure…