L'agent secret (Секретный агент)
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— Pardon, les lettres de cr'eance que je poss`ede sont authentiques et nul au monde ne peut me relever de mes fonctions…
— Si ! fit Juve…
— Qui ?
— Le roi, dit Juve.
De Naarboveck hocha la t^ete malicieusement :
— Frederick-Christian, en effet, seul peut m’enlever ma qualit'e d’ambassadeur, mais… qu’il vienne donc…
Juve, `a ce moment, s’arr^eta de parler. Il leva le doigt lentement vers le fond de la biblioth`eque, vers la fen^etre.
Et de Naarboveck qui suivait machinalement ce mouvement ne put retenir un cri de stup'efaction, un cri d’angoisse !
Le rideau dissimulant la fen^etre venait en effet de s’'ecarter et lentement, aux yeux du mis'erable, apparaissait la silhouette majestueuse et digne, du roi de Hesse-Weimar, Frederick-Christian II.
Le souverain 'etait bl^eme et l’on sentait qu’une col`ere sourde bouillonnait dans son coeur.
Le policier s’'etait rapproch'e de lui et Frederick-Christian sortant de sa poche une large enveloppe, la tendit `a Juve :
— Je suis victime, d'eclara-t-il, de l’imposture de ce monstre, mais je sais reconna^itre mes erreurs et aussi les r'eparer, monsieur Juve : voici le d'ecret que vous m’avez demand'e annulant la nomination du baron de Naarboveck !
Fant^omas, au cours de cette br`eve sc`ene, s’'etait peu `a peu recul'e dans un angle de la pi`ece, le visage contract'e.
Mais, aux derniers mots du roi, Fant^omas se redressa. Lui aussi tira de sa poche un document et avec un sourire f'eroce, il le tenait au souverain :
— Sire, d'eclara-t-il, `a mon tour de vous donner ceci… C’est le plan vol'e chez le capitaine Brocq… le plan de mobilisation de toute l’arm'ee francaise, que votre 'Etat-Major…
— Assez, monsieur ! hurla le roi qui, dans un geste d’indignation, jeta `a terre le papier que lui pr'esentait Fant^omas.
Cependant, Juve, sans le moindre souci des attitudes protocolaires, ramassait avec empressement le document.
Le roi qui l’avait vu faire poursuivait, en h^ate, comme pour s’excuser et pr'evenir le soupcon que l’on aurait pu formuler `a son 'egard :
— Ce plan, Juve, d'eclara-t-il, appartient `a votre pays, jamais nous n’avons voulu…
Un instant les deux hommes quitt`erent des yeux Fant^omas, et cet instant suffit au bandit pour soudain se dissimuler… dispara^itre…
Juve, loin de perdre la t^ete, appela :
— Michel !
L’inspecteur de la S^uret'e, post'e dans la galerie toute voisine, entra aussit^ot.
Derri`ere lui parurent quelques messieurs en habit noir, qui n’'etaient autre que des agents de la Pr'efecture.
En deux mots, Juve renseigna Michel :
— Fant^omas est l`a… dissimul'e… mais non pas 'evad'e… Ces murs peut-^etre rec`elent une cachette… mais point un passage, une issue…
« Enlevons tous ces meubles, qui constituent une v'eritable barricade et fortifient le monstre dans sa retraite.
Quelques minutes s’'ecoulaient, angoissantes, silencieuses. Juve avait obtenu, exig'e que le roi quitt^at la pi`ece dont le policier, assist'e de Michel, d'efendait soigneusement l’entr'ee.
Des domestiques arriv`erent, laquais aux faces glabres, qui dispos`erent sur la chemin'ee quelques vases de fleurs qui, ailleurs encombraient sans doute. Puis ils se retir`erent sans se douter du drame qui se d'eroulait, sans soupconner un instant que derri`ere l’amoncellement insolite de meubles qui se trouvaient dans la biblioth`eque, se cachait leur ma^itre, le baron de Naarboveck, et que ce ma^itre n’'etait autre que Fant^omas, d'esormais accul'e par la police, mais sans doute aussi pr^et `a vendre ch`erement sa vie…
Ils eurent un semblant d’h'esitation, puis Juve commanda :
— En avant !
Aid'e de six hommes, le policier et l’inspecteur Michel commenc`erent le bouleversement d'efinitif de la biblioth`eque, remuant les meubles un par un, regardant sous les canap'es, 'ecartant les rideaux, les tentures.
Rien… Pas de Fant^omas !
— Par exemple ! murmura Juve.
Cependant, Juve 'etait 'egalement s^ur de lui : la biblioth`eque ne comportait pas de trappes ni de porte secr`ete, le plancher ne s’ouvrait pas, le plafond n’'etait pas mobile.
Juve prit une d'ecision soudaine :
— Tirez-moi tous ces meubles dans la galerie, ordonna-t-il, nous allons bien voir… Fant^omas n’est ni invisible, ni impond'erable…, il ne peut ^etre sorti d’ici, il faut donc qu’il y soit.
Non sans peine, car il fallait agir en h^ate et sans bruit, les agents d'em'enag`erent par l’'etroite porte de la biblioth`eque les gros meubles qui s’y trouvaient, les menus objets 'egalement.
On avait enlev'e un confortable fauteuil de cuir, quatre chaises, un gu'eridon, deux 'etag`eres, et la pi`ece se d'emeublait de plus en plus, lorsque, soudain, Wilhelmine apparut `a l’entr'ee.
Pendant ces tragiques 'ev'enements, le bal continuait et la f^ete 'etait plus anim'ee que jamais. De temps `a autre les trois personnages qui s’'etaient trouv'es r'eunis dans cette biblioth`eque avaient percu les refrains entra^inants des valses des tziganes et le joyeux murmure des conversations anim'ees.
`A la vue du d'esordre organis'e par Juve, la jeune fille demeura interdite, stup'efaite.
Le policier, nerveux `a l’extr^eme, parut interloqu'e, aussi, par cette apparition soudaine, mais il sembla d'efaillir au premier mot que lui adressait la jeune fille :