L'agent secret (Секретный агент)
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— Parfait, mon lieutenant, r'epliqua l’inspecteur de la S^uret'e, je vais le voir `a l’instant, mais j’en profite pour vous f'eliciter…
Le policier rejoignit le populaire pr'efet de police qui se tenait `a l’'ecart, sur la galerie dominant le hall.
M. L'epine, en d'epit du sourire aimable qu’il affectait, 'etait soucieux.
— Juve, interrogea-t-il, ^etes-vous de service ici ?…
— Oui et non, monsieur le pr'efet…
M. L'epine ouvrit de grands yeux.
Mais Wilhelmine de Naarboveck surgit soudain : Rayonnante de beaut'e, de bonheur, elle apercut le policier et, l’attirant dans le salon :
— Monsieur, fit-elle, en bonne ma^itresse de maison je m’apercois que vous ne dansez pas, voulez-vous me permettre de vous pr'esenter `a quelques charmantes jeunes filles ?
— Sapristi, pensa Juve, ca n’est ni le moment… ni de mon ^age…
Cependant, le pr'efet se tiraillait la barbiche, signe pr'ecurseur d’une certaine nervosit'e. Il attira de nouveau le policier dans un coin 'ecart'e et sans pr'eambule, demanda :
— Juve, `a quoi pense donc la S^uret'e ?
— Je l’ignore, monsieur le pr'efet…
— Comment ! poursuivit celui-ci ; il y a dans ces salons un visiteur qui ne m’a pas 'et'e signal'e et cependant… Ignorez-vous donc, vous aussi, Juve, que le baron de Naarboveck recoit ce soir un roi ?…
— Ca, d'eclara Juve, je le sais…, Frederick-Christian II…
— Vous le savez, vous le savez, grommela-t-il, et l’administration l’ignore… enfin ! Mais puisque vous savez tant de choses, que vient-il faire ici, ce roi ?…
— Il vient me voir ! d'eclara Juve…
— Juve, vous ^etes fou…
— Non, monsieur le pr'efet, voyez plut^ot…
Le policier rompant soudain l’entretien s’'ecarta de M. L'epine, s’approcha du souverain et lui dit quelques mots `a voix basse…
Or, le pr'efet de police vit, non sans un indescriptible 'etonnement, le roi 'ecouter attentivement les propos du policier, puis hocher la t^ete, sortir du salon et gagner la galerie sur laquelle s’ouvraient diff'erentes pi`eces dont la deuxi`eme, la plus 'eloign'ee, 'etait la biblioth`eque.
Mais Juve qui avait discr`etement regard'e l’heure `a sa montre, eut un tressaillement. Le policier se composa un visage s'ev`ere et avec l’allure d’un homme qui prend une d'ecision irr'evocable, chercha des yeux le baron de Naarboveck. Lorsqu’il l’eut d'ecouvert, il alla `a lui et proposa :
— Monsieur de Naarboveck, voulez-vous que nous causions un instant ? non pas ici…
— Dans ma biblioth`eque ? proposa de Naarboveck. Vous y tenez, monsieur ?
— Immens'ement ! dit Juve.
— Et, poursuivit de Naarboveck, que pr'etendez-vous dire ou faire au cours de cet entretien ?
— D'emasquer Fant^omas et l’arr^eter ensuite.
— Comme il vous plaira.
***
Dans la biblioth`eque, encombr'ee d’un exc`es de meubles n’appartenant pas `a cette pi`ece et qu’on avait rel'egu'es l`a pour d'ebarrasser les salons `a l’occasion du bal, Juve et le baron de Naarboveck engag`erent un duel oratoire des plus 'emouvants.
Ils 'etaient seuls, bien seuls, et Juve, qui avait fait passer devant lui le baron, savait que cette pi`ece n’avait qu’une seule issue. Si jamais de Naarboveck voulait employer la force ou la ruse pour en sortir, il lui faudrait d’abord 'eloigner Juve de la porte devant laquelle il se trouvait.
Certes, il y avait bien, `a l’autre extr'emit'e de la biblioth`eque, la fen^etre donnant sur l’Esplanade des Invalides, mais cette fen^etre 'etait dissimul'ee par les rideaux que l’on avait ferm'es, et Juve ne craignait pas de voir son adversaire s’'echapper par l`a : il savait – il 'etait le seul `a le savoir – qu’entre cette fen^etre et ces rideaux, se trouvait quelque chose… quelqu’un…
— Vous souvient-il, monsieur de Naarboveck, de cette soir'ee au cours de laquelle la police vint ici chez vous, pour proc'eder `a l’arrestation de Vagualame ?
— Oui, r'epliqua de Naarboveck… et c’est vous, monsieur Juve, qui vous ^etes fait prendre sous ce d'eguisement…
— En effet… Est-ce que vous vous souvenez, monsieur de Naarboveck, d’une certaine conversation qui eut lieu entre le policier Juve et le vrai Vagualame au domicile de J'er^ome Fandor ?
— Non, d'eclara le baron, pour cette bonne raison que la conversation 'etait un dialogue entre deux personnes : Juve et Vagualame.
— Pourtant ce Vagualame n’'etait autre que Fant^omas.
— Eh bien ?
Juve, apr`es un silence d’une seconde, br^ula ses vaisseaux :
— Naarboveck, s’'ecria-t-il, inutile de ruser plus longtemps : Vagualame, c’est Fant^omas, Vagualame c’est vous, Fant^omas, c’est vous ! Nous le savons, nous vous avons identifi'e et demain matin l’anthropom'etrie prouvera, aux yeux de tous, ce qui est aujourd’hui une conviction, une certitude pour certains seulement. Depuis longtemps, vous vous voyez poursuivi, traqu'e, vous avez remarqu'e que le cercle ferm'e autour de vous se resserrait chaque jour et, jouant votre dernier atout, tentant l’impossible m^eme, vous avez m'edit'e cette abominable com'edie qui consistait `a duper un souverain et `a vous faire nommer son ambassadeur, afin de b'en'eficier pour un temps plus ou moins long de l’inviolabilit'e diplomatique… ah ! 'evidemment, ca n’est pas mal trouv'e…
— N’est-ce pas ?…
— Vous avouez donc ?…
— Et quand ca serait ?… d'eclara le myst'erieux personnage. Puisque vous avez d'ecouvert la v'erit'e… sans doute, monsieur Juve, avez-vous l’intention de me d'enoncer, de prouver que le baron de Naarboveck n’est autre que Fant^omas ? Ah ! je reconnais votre adresse, j’avoue m^eme qu’il se peut fort bien que vous obteniez l’autorisation de m’arr^eter d’ici quelques jours.
— Non ! pas dans quelques jours, interrompit Juve, brusquement, mais imm'ediatement.