La gu?pe rouge (Красная оса)
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Quelques instants apr`es les derni`eres paroles de M. de Keyrolles, Jacques prit cong'e de son oncle et de sa tante.
Le jeune homme, toutefois, au lieu de se diriger vers la gare, apr`es avoir fait quelques pas dans l’avenue d'eserte qui devait le conduire `a la station, rebroussait chemin. Puis, marchant avec pr'ecaution, il revenait tout `a c^ot'e vers la maison de son oncle, la d'epassait cependant et s’introduisait, par la grille entreb^aill'ee, dans le jardin de la villa voisine.
Ce jardin faisait contraste avec celui de l’habitation des Keyrolles. Le jardin de ces derniers 'etait soign'e, ratiss'e, tir'e `a quatre 'epingles. Au contraire, celui dans lequel Jacques Faramont venait de s’introduire 'etait envahi par les mauvaises herbes, rempli de broussailles. Les pelouses se confondaient avec les all'ees, et des arbres trop feuillus, enchev^etr'es les uns dans les autres, r'ev'elaient par cet inextricable chaos qu’il y avait bien longtemps qu’on ne s’'etait occup'e d’eux.
Le jeune homme, 'etouffant le bruit de ses pas, se rapprocha de la maison d’habitation qui se trouvait au fond du jardin et il attendit quelques instants.
On ne sentait aucun souffle d’air. Il faisait une chaleur d’orage que la nuit n’avait point att'enu'ee. Par moments, de grands 'eclairs illuminaient d’une lueur blafarde le pays entier.
Jacques Faramont pr^eta l’oreille. Au bout de quelques minutes, il percut un bruit de pas l'egers, et son coeur d’adolescent battit `a rompre.
— C’est elle, murmura-t-il.
Quelques instants plus tard, se glissant le long d’une haie, puis parvenant jusqu’au pied de la maison devant lequel s’'etait assis Jacques Faramont, une silhouette f'eminine se pr'ecisait. Le jeune homme ne s’'etait pas tromp'e, c’'etait elle en effet, et elle, n’'etait autre que Brigitte, la gentille femme de chambre des Keyrolles.
La soubrette s’'etait rapidement 'eclips'ee de chez ses ma^itres, une fois son service termin'e. Elle arrivait en cheveux, avec son petit tablier brod'e `a l’anglaise, dont le lacet blanc nou'e au-dessus des hanches dessinait ses formes gracieuses, moul'ees dans une robe noire toute simple.
Brigitte se rapprocha du jeune homme, se serra contre lui.
— Monsieur Jacques, souffla-t-elle tout bas, qu’est-ce que je fais l`a ? Comment allez-vous me juger ?
Pour toute r'eponse, le jeune homme 'etreignit Brigitte.
— Merci, Brigitte, murmura-t-il, merci d’^etre venue. Si vous saviez comme je vous aime. Vous ^etes si jolie !
— Si monsieur et madame me voyaient ?
— Ils ne vous verront pas, poursuivit Jacques qui couvrait de baisers la nuque et les joues de la gentille personne et cherchait ses l`evres.
— Monsieur est trop entreprenant.
— Ne me parlez donc pas `a la troisi`eme personne, je vous en prie. Quand nous sommes seuls, Brigitte, je te tutoie, fais donc de m^eme.
— Je n’oserai jamais, dit la petite bonne qui, cependant, peu `a peu s’enhardit `a rendre ses caresses `a son amoureux.
Ils s’'etaient assis sur les marches du perron de la maison o`u ils s’'etaient donn'e rendez-vous. Ils se sentaient l`a tranquilles et ignor'es. Le lieu de leur rencontre avait 'et'e bien choisi. Les amoureux, en effet, se trouvaient dans le parc assez vaste, tr`es touffu, d’une villa toute voisine de celle des Keyrolles, inhabit'ee depuis des ann'ees. On ignorait dans le pays le nom des propri'etaires.
Sur les marches, comme sur les bordures des fen^etres, poussaient des herbes et de la mousse ; le toit se d'et'eriorait petit `a petit et des fissures s’ouvraient entre les tuiles d'eplac'ees par le vent ou les intemp'eries.
— Brigitte, Brigitte, d'eclarait tendrement Jacques Faramont qui avait pris la soubrette sur ses genoux et l’'etreignait de toutes ses forces, je vous aime de tout mon coeur, et vous aimerai toute ma vie.
— Monsieur exag`ere, fit-elle. Vous exag'erez, monsieur Jacques. Je sais bien que ca n’est pas vrai. Tu ne peux pas m’aimer toujours. Il faudra bien que tu te maries un jour. Et on n’'epouse pas la bonne de son oncle. Mais je n’en demande pas tant, je t’aime aussi, ne pensons plus qu’au pr'esent !
Les deux amoureux 'echangeaient des baisers passionn'es, lorsque brusquement ils s’'ecart`erent l’un de l’autre, contrari'es :
— Bon, murmura Jacques, voil`a la pluie.
De grosses gouttes d’eau lourdes et froides tombaient autour d’eux, en effet, lentement d’abord, avec pr'ecipitation ensuite. Elles transpercaient la vo^ute 'epaisse des arbres 'etendue au-dessus de leurs t^etes et l’on pressentait, `a la chaleur torride qu’il faisait ainsi qu’`a l’obscurit'e profonde qui r'egnait, qu’il s’agissait l`a d’un orage, d’un gros orage, comme on en voit au mois de mai, orage qui allait 'eclater avec une effroyable violence et tout d'etremper autour de lui.
Brigitte et Jacques avaient remont'e les quelques marches du perron et venaient s’accoter `a la porte de la maison, abrit'es sous la petite marquise qui surplombait l’entr'ee. Mais soudain, alors qu’ils s’appuyaient sur cette porte comme pour se faire plus minces, plus inaccessibles `a la pluie, le battant c'eda.
Jacques Faramont tr'ebucha, manqua tomber en arri`ere. De m^eme pour Brigitte, mais tous deux s’accrochaient l’un `a l’autre, rattrapaient leur 'equilibre et profitaient de la circonstance pour s’embrasser une fois de plus.
Ils pouss`erent un grand cri de joie :
— Ah par exemple, s’'ecria Jacques Faramont, c’est de la veine ! La porte 'etait mal ferm'ee, et voici qu’elle s’ouvre pour nous. Entrons dans cette maison.
Il attira Brigitte dans le couloir obscur :
— Monsieur Jacques, protestait la petite bonne, n’allez pas plus loin. Si l’on nous d'ecouvrait…
— Tu es sotte, ma pauvre Brigitte, poursuivait le jeune homme. Tu sais bien que cette maison est abandonn'ee.
La pluie faisait rage au-dehors. Les nuages avaient 'eclat'e avec une force incroyable et la temp'erature brusquement s’abaissait.