La gu?pe rouge (Красная оса)
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Fant^omas n’avait m^eme pas paru sentir l’horrible douleur qui lui 'etait ainsi occasionn'ee. Ayant achev'e, il repartit d’un pas tranquille.
Trois minutes plus tard, le bandit, Fandor et Juve 'etaient dans une sorte de petite salle basse et obscure, meubl'ee d’un simple escabeau de bois blanc, d’une table boiteuse, d’une cruche remplie d’eau. Ce local sommaire 'etait la chambre de force mise `a la disposition des inspecteurs de la S^uret'e ayant besoin d’enfermer quelques instants un individu avant de le faire 'ecrouer d'efinitivement au D'ep^ot.
Juve, en y entrant, avait appel'e plusieurs de ses coll`egues, L'eon et Michel entre autres. Et c’est seulement quand il y eut ces inspecteurs de la S^uret'e dans la petite pi`ece, ces inspecteurs qui, sur un signe, avaient le revolver au poing, que Juve laissa Fant^omas s’asseoir sur l’escabeau, cessant de le maintenir par le cabriolet.
— Je vais chercher M. Havard, d'eclara-t-il.
Et il se tourna vers Fandor, lui faisant de multiples recommandations, s’adressant `a lui comme `a celui en qui il pouvait avoir le plus de confiance.
— Fais attention, Fandor, je te le confie.
Mais ce n’est pas Fandor qui r'epondit, c’est Fant^omas qui 'eleva la voix, Fant^omas qui d'eclara d’un ton calme :
— Allez donc, Juve, et finissons-en. Je vous ai dit que je ne m’en irai pas et vous savez que je suis ici volontairement.
Au moment o`u le policier r'eapparaissait dans la petite salle basse, accompagn'e de M. Havard, Fant^omas se leva. Il 'etait brusquement devenu tr`es p^ale, brusquement sa voix se prenait `a trembler.
— Monsieur le chef de la S^uret'e, d'eclara Fant^omas hautain, saluant M. Havard d’un signe de t^ete qui avait quelque chose de protecteur, monsieur le chef de la S^uret'e, je me suis constitu'e prisonnier aux mains de Juve. Je suis pris parce que j’ai bien voulu ^etre pris.
Il allait sans doute ajouter quelques paroles narquoises. M. Havard, d’un geste, lui imposa silence.
— En quelques mots, Juve vient de me mettre au courant, disait-il. Vous n’avez pas besoin d’essayer de diminuer votre adversaire, Fant^omas, vous n’y r'eussirez pas. C’est devant vous que je tiens `a f'eliciter Juve de votre arrestation. Vous vous ^etes constitu'e prisonnier, dites-vous ? C’est exact, personne ne le nie ici, mais vous vous ^etes livr'e aux mains de Juve, c’est lui-m^eme qui me l’a dit, parce que vous avez besoin que la police officielle s’occupe de ch^atier un crime qui vous a fait souffrir, Juve me l’a dit encore. Ce qu’il ne m’a point dit et que je dis, moi, chef de la S^uret'e, c’est qu’en somme, vous venez d’^etre amen'e `a vous rendre, `a vous rendre `a Juve, parce que vous ^etes oblig'e de convenir que Juve est plus fort que vous.
— Je ne discuterai point de cela avec vous, monsieur Havard, riposta Fant^omas. F'elicitez Juve si bon vous semble, peu m’importe. Je ne lui demande que de se souvenir de la mission que je lui ai donn'ee. Et puis, finissons-en vraiment, messieurs de la S^uret'e. Vous ^etes ridicules de vous mettre `a dix pour me surveiller, alors que je me suis rendu… Vous m’'ecrouez ici ?
— Venez ! dit Juve.
Sur un geste de M. Havard, les inspecteurs entouraient le Roi du Crime et c’est ainsi que, sous la conduite des agents de l’autorit'e, ayant `a sa droite Juve, `a sa gauche, J'er^ome Fandor, pr'ec'ed'e par M. Havard en personne, Fant^omas fut conduit `a la sourici`ere.
Il dut descendre les 'etroits escaliers qui font communiquer les b^atiments de la S^uret'e avec les cellules du D'ep^ot. En franchissant la grille de la prison, le bandit r'eprima un tressaillement.
— Juve, r'ep'eta-t-il, souvenez-vous, souvenez-vous.
Mais c’est M. Havard qui r'epondit. M. Havard n’eut point pour Fant^omas les m'enagements que Juve et Fandor, malgr'e eux, avaient pour le bandit. M. Havard sentait une sourde col`ere l’envahir, l’attitude hautaine et provocante qu’affectait Fant^omas, le mettait malgr'e lui dans tous ses 'etats. Il fut cruel :
— Je me souviens d’une chose, Fant^omas, disait le chef de la S^uret'e, c’est que beaucoup d’autres mis'erables ont suivi comme vous le chemin que nous suivons, beaucoup d’autres ont, comme vous, Fant^omas, descendu cet escalier, cet escalier qui m`ene `a la sourici`ere. Il m`ene plus loin, Fant^omas, et beaucoup d’autres avant vous se sont apercus qu’il conduisait `a la guillotine. Voil`a ce dont je me souviens, Fant^omas. Voil`a ce dont il faut que vous vous souveniez aussi.
`A l’horrible 'evocation qu’il lui faisait, `a la menace qu’il formulait, Fant^omas ne tressaillit pas. Un sourire seulement errait sur ses l`evres.
— Je ne comprends pas, r'epondit froidement Fant^omas, la comparaison que vous tentez, monsieur Havard. Ce que j’ai fait, personne ne l’a fait et ce que les autres font, je ne le fais point. Il est possible que d’autres aient 'et'e conduits par vous vers la guillotine, il est possible que cet escalier m`ene au couperet du bourreau, mais en ce qui me concerne, je puis vous affirmer qu’il m`ene seulement…
— `A quoi, Fant^omas ?
Les l`evres du bandit s’agit`erent. Il parut un instant qu’une r'evolte allait l’obliger `a se d'epartir de son terrible sang-froid. Les veines de son front se gonfl`erent ; ses dents serr'ees criss`erent de rage, un fr'emissement le secoua. Il se domina pourtant :
— Cet escalier m`ene `a la vengeance, dit simplement Fant^omas.
Et, n'egligeant de r'epondre `a M. Havard, le bandit fixa Juve une fois encore.
— Souvenez-vous que ce n’est pas moi qui ai tu'e lady Beltham.
Derri`ere le groupe des policiers, cependant, les portes de fer de la sourici`ere s’'etaient closes ; dans le greffe, les gardiens mand'es d’urgence s’empressaient.
— Inspecteur Juve, ordonna M. Havard, faites votre mandat de d'ep^ot.
— Voici, r'epondit Juve.
Il s’approcha d’une tablette scell'ee dans le mur, tira de son portefeuille une formule dont il remplit les blancs et qu’il tendit au greffier.
— Voil`a ma r'equisition, dit-il.
Et, attirant l’attention de M. Havard, Juve ajouta :
— Voyez, chef, je n’ai eu aujourd’hui qu’`a ajouter la date et la signature. Il y a dix ans que je porte ce papier dans ce portefeuille. Il date de l’assassinat de la marquise de Langrune [1], alors que je m’occupais de Fant^omas pour la premi`ere fois ; alors que je me jurais qu’un jour je le conduirais ici pour le remettre `a ses juges. Je me suis tenu parole, chef.