La main coup?e (Отрезанная рука)
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— Avec nous ? Contre nous, veux-tu dire ? Il m’a rat'e de pr`es, le bougre. Un peu plus, j’'etais bel et bien dans sa ligne de tir.
— Ivan Ivanovitch a tir'e sur vous, Juve ? Mais, mon excellent ami, vous d'eraisonnez compl`etement. J’'etais tout le temps, au cours de l’affaire, `a c^ot'e d’Ivan Ivanovitch, ce n’est pas sur vous qu’il tirait, bon sang, c’'etait sur nos agresseurs.
— Sur nos agresseurs ? Ouiche, tu vas bien, Fandor. Sa balle m’a fr^ol'e et j’ai parfaitement vu qu’il me visait.
— Mais jamais de la vie.
— Je t’en donne ma parole.
— Juve, vous vous trompez.
— Fandor tu es dans la plus compl`ete erreur. Ivan Ivanovitch est une crapule.
… Ils auraient peut-^etre continu'e longtemps `a discuter la nature de l’intervention du commandant du Skobeleffs’ils n’avaient 'et'e interrompus par Bouzille.
Bouzille, d’un geste large, venait de se d'ecouvrir et s’'etant arr^et'e, ordonnait avec une pompeuse dignit'e :
— Si ces messieurs veulent entrer dans mon humble chez moi, qu’ils soient les bienvenus. Toute la maison de Bouzille est `a la disposition de ses amis, Juve et Fandor.
On ne pouvait en v'erit'e, mieux dire.
Malheureusement, si Bouzille usait `a l’'egard de Fandor et de Juve d’une urbanit'e compl`ete, les deux amis devaient convenir qu’un peu d’obscurit'e subsistait dans ses discours…
Bouzille les priait d’entrer
`A sa suite, Fandor et Juve 'etaient sortis de Monaco, se dirigeant vers la campagne. Maintenant, ils venaient d’atteindre une sorte de petite carri`ere abandonn'ee, creus'ee `a m^eme la falaise, et de quelque c^ot'e que les deux amis pussent se retourner, ils n’apercevaient, en v'erit'e, aucune maison, aucune demeure, pas m^eme une cabane.
— Bouzille, d'eclara Fandor d’un ton s'erieux, c’est tr`es gentil de plaisanter, mais il ne faudrait pourtant pas vous amuser `a vous moquer de nous. O`u habitez-vous ? En plein champ ?
Bouzille qui s’'etait recouvert, hochait le chef, avec une imposante gravit'e :
— Pas le moins du monde, ma maison est b^atie en pierres, et m^eme en pierres de taille, car vous pouvez en juger, m’sieur Fandor, la falaise `a l’endroit o`u nous sommes a bien 40 m`etres de haut. En un seul morceau.
— Ce qui veut dire, Bouzille ?
— Ce qui veut dire, monsieur Fandor, que j’habite dans le trou que vous voyez l`a-bas. Tenez, voil`a mon escalier.
Et Bouzille montra une vieille 'echelle :
— Donnez-vous donc la peine de monter, reprenait-il. Mais faites attention aux marches. Il y en a quelques-unes qui branlent.
(Les marches, Bouzille appelait marches les degr'es de l’'echelle dont il se servait pour rentrer dans le trou qu’il habitait).
— Et maintenant, d'eclara le chemineau, vous voici dans mon ch^ateau. Une seconde, je l`eve le pont-levis et je suis `a vous.
Bouzille tira l’'echelle qu’il accrocha `a une saillie du roc, puis il fit les honneurs.
— C’est tellement difficile, disait Bouzille, de trouver de bons domestiques aujourd’hui, que ma foi, je me sers moi-m^eme. Vin blanc, vin rouge, lequel pr'ef'erez-vous ?
— Nous ne sommes pas ici pour boire, d'eclara Juve. Il faut r'epondre `a mes questions.
— Si je peux, monsieur Juve, si je peux.
— Vous le pouvez, Bouzille.
— C’est dans les choses qui n’'etant pas s^ures, sont incertaines, monsieur Fandor.
Juve ayant fait signe `a Fandor de se taire, ouvrit le feu :
— Qu’est-ce que vous faisiez Bouzille, pr`es de la maison des H'eberlauf ?
— J’ob'eissais, monsieur Juve.
— `A qui, Bouzille ?
— `A qui ? je ne sais pas, monsieur Juve. On m’avait dit de venir l`a, avec les copains.
— Les copains, Bouzille ? quels copains ?
— Des aminches, quoi. Des gens que vous ne connaissez pas.
— Et pourquoi 'etiez-vous tous l`a ?
— Dame, monsieur Juve, on 'etait l`a un peu parce qu’on 'etait l`a, et qu’on n’'etait pas ailleurs. Et puis, on avait des ordres.
— Quels ordres ?
— Moi je ne sais pas. Mais tout de m^eme, monsieur Juve, fallait bien les ex'ecuter, n’est-ce pas ? C’est pour cela qu’on 'etait venu et pour rien d’autre.
— Bouzille, d'eclara Juve, je vais me f^acher. Vous vous moquez de moi en ce moment ? prenez garde.
— Mais monsieur Juve…
— Assez Bouzille. T^achez de me r'epondre clairement. Oui ou non, aviez-vous les uns ou les autres un motif de vous trouver pr`es de la maison des H'eberlauf ?
— On avait un motif, monsieur Juve…
— Lequel ?
— Eh bien, monsieur Juve, c’est comme qui dirait qu’on devait veiller `a ce que personne n’approche de la maison, et m^eme qu’on devait s’y opposer.
— Tr`es bien. Qui est-ce qui vous avait donn'e ces ordres ?
— Non, faut pas me demander ca, faut pas, monsieur Juve. Parce que je pourrais pas vous r'epondre. Moi, voil`a tout ce que je sais. Y a des copains qui m’ont dit comme ca : « Bouzille, y a telle consigne `a faire ex'ecuter, c’est quarante sous qu’on sera pay'e chacun s’il n’y a pas de casse, et trente francs s’il y a un coup de tampon… » Naturellement, je me suis pris par la main… Trente francs, m^eme quand on est « mendiant riche », ca peut toujours servir. Et, vrai de vrai, monsieur Juve, je ne les ai pas vol'ees mes trente balles, car ce qu’il faisait froid, l`a-haut.