La main coup?e (Отрезанная рука)
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Lorsqu’ils furent arriv'es `a l’entr'ee du trou noir, Ivan Ivanovitch eut un sursaut d’'epouvante : il crut son heure derni`ere arriv'ee :
— Est-ce `a la mort que vous me menez ? demanda-t-il `a Fandor.
Le journaliste 'eclatait de rire :
— N’ayez aucune crainte, commandant, je vous m`ene chez notre ami Bouzille. Cela ne vaut 'evidemment pas l’ Imp'erial Palace, mais par ces mauvais temps et cette brume qui r`egnent sur la mer, on est encore mieux l`a que sur l’eau.
Fandor ajouta `a l’oreille de Bouzille :
— Et maintenant, Bouzille, je te passe le client en consigne. Que sous aucun pr'etexte il ne s’en aille. Ne le quitte pas d’une semelle jusqu’`a ce que je sois revenu.
La rencontre et la capture de l’officier avaient dur'e vingt-cinq minutes `a peine, il 'etait deux heures et demie du matin et Fandor remont'e sur la falaise se h^atait.
Il voulait retrouver Juve, l’amener `a la grotte de Bouzille et d’accord avec lui d'eterminer l’officier `a d'efinir la myst'erieuse puissance qui lui donnait ces fameux ordres auxquels il semblait si d'esireux d’ob'eir.
20 – LA MORT LENTE
Bien qu’ind'ependante, entour'ee de jardins et construite `a l’extr'emit'e d’un nouveau boulevard, la villa qu’habitait Isabelle de Guerray ne pouvait pas ^etre consid'er'ee comme isol'ee 'etant donn'e surtout que l’isolement ne saurait exister dans une r'egion aussi fr'equent'ee et aussi populeuse que la C^ote d’Azur, notamment dans la partie qui s’'etend de Nice `a Monte-Carlo.
La villa d’Isabelle de Guerray 'etait somptueusement am'enag'ee.
Les appartements du rez-de-chauss'ee sur'elev'e au-dessus des caves et auquel on acc'edait par un perron de quelques marches, constituaient les appartements de r'eception proprement dits. Ceux-ci comportaient plusieurs salons en enfilade, une vaste salle `a manger, un fumoir, puis une v'eranda, – la fameuse v'eranda o`u le malheureux d'eput'e Laurans avait trouv'e une mort aussi inattendue qu’affreuse.
L’ameublement de ces appartements 'etait concu avec un grand souci de confort et de luxe, sinon avec un go^ut parfait dans tous ses d'etails. N'eanmoins, il donnait l’impression que cette installation avait 'et'e minutieusement assur'ee par une femme 'el'egante que pr'eoccupait tout particuli`erement le souci des apparences ext'erieures. Mais le premier 'etage de la villa 'etait, sans contredit, d’un caract`ere beaucoup plus luxueux encore que le rez-de-chauss'ee.
C’'etaient pourtant l`a que se trouvaient les pi`eces plus intimes, les boudoirs et les chambres o`u n’'etaient pas admis tous les invit'es, toutes les relations qu’Isabelle de Guerray, pendant la saison hivernale, attirait ou recevait chez elle, sans grand souci de l’origine, ni de la qualit'e de ses h^otes.
`A c^ot'e de la chambre d’Isabelle de Guerray, toute tendue d’une 'etoffe superbe de brocart au milieu de laquelle se trouvait un grand lit bas `a baldaquin 'etait une pi`ece aussi grande qui constituait le plus merveilleux cabinet de toilette que l’on p^ut imaginer.
Lorsque venait le soir et qu’Isabelle de Guerray, pour proc'eder aux soins minutieux de sa toilette, allumait toutes les lampes 'electriques, la lumi`ere qui se r'epandait `a profusion 'etait `a la fois si intense et si douce que l’on se serait cru dans une loge d’artiste.
Du c^ot'e oppos'e `a la fen^etre qui donnait sur le parc se trouvait un vaste lavabo d’onyx dans lequel les robinets argent'es amenaient `a volont'e l’eau chaude et l’eau froide. La garniture de toilette se composait d’innombrables flacons de toutes tailles, en verre, surmont'ee de capuchons d’or cisel'e.
Sur une petite coiffeuse 'etaient rang'es, dans une sym'etrie 'el'egante, les peignes, les limes, les brosses, Dans une vitrine fix'ee au mur 'etait l’assortiment des parfums, des pommades, des fards.
Un angle de la pi`ece comportait une grande baignoire en marbre rose dans laquelle on descendait par trois marches, que remplissaient instantan'ement deux prises d’eau invisibles, cependant qu’en face de cette baignoire, dans un renfoncement, s’'edifiait encore un appareil `a douche du mod`ele le plus complet et le plus compliqu'e permettant `a la personne qui s’en servait de s’adonner aux ablutions les plus diverses, de recevoir la douche en jet, en pluie, en cercle, ou simplement de s’asperger de l'egers filets d’eau.
Enfin, `a proximit'e de cet appareil 'etait une grande psych'e, ou pour mieux dire un miroir `a trois faces, dont deux panneaux mobiles permettaient `a la personne qui s’y regardait de s’y voir de tous les c^ot'es.
C’'etait assur'ement l’installation la plus 'el'egante et la plus confortable, la plus d'elicate aussi que l’on p^ut imaginer.
Elle convenait de facon absolue `a sa propri'etaire : Isabelle de Guerray, demi-mondaine lanc'ee, astreinte `a de nombreuses obligations que l’on pouvait qualifier de
La domesticit'e d’Isabelle de Guerray 'etait trop pr'etentieuse et trop habitu'ee `a ses aises pour consentir `a habiter dans les mansardes qui constituaient le deuxi`eme 'etage de la villa.
Le personnel habitait donc une conciergerie b^atie `a l’entr'ee de la propri'et'e.
***
Ce soir-l`a, le soir qui succ'edait `a l’apr`es-midi qu’Isabelle de Guerray avait pass'e en compagnie de Louis Meynan sur la route de la Turbie, la demi-mondaine avait d^in'e seule, rapidement, puis 'etait remont'ee de bonne heure dans ses appartements, renvoyant ses gens dont elle n’avait que faire.
Mais au lieu de se coucher, Isabelle de Guerray 'etait pass'ee dans son cabinet de toilette.
La porte close et rideaux tir'es, ayant allum'e toutes les ampoules 'electriques de la pi`ece, elle s’'etait paisiblement d'ev^etue, puis livr'ee `a une toilette minutieuse. En jupon simplement, n’ayant sur le haut du corps qu’une chemise aux dentelles largement 'echancr'ees, Isabelle de Guerray consid'erait sans indulgence dans la vive lumi`ere de l’'electricit'e, les cruels ravages du temps. Face `a face avec son miroir, elle se rendait compte de la v'erit'e.