La main coup?e (Отрезанная рука)
Шрифт:
Mais Fant^omas domptait sa col`ere. Il esp'erait encore que sous la menace, Isabelle de Guerray reviendrait sur sa d'ecision et qu’elle parlerait enfin.
Allait-il seulement la tuer ou se contenter de lui faire une 'emotion suffisante pour qu’elle se d'ecid^at `a tout dire ?
— Fant^omas, Fant^omas, demandait Isabelle de Guerray d’une voix `a peine perceptible, qu’allez-vous faire de moi ?
— Un cadavre.
Puis, comme la malheureuse avait marqu'e un sursaut d’'epouvante, Fant^omas plus cruel qu’il n’'etait possible de l’imaginer ajoutait :
— Mais, Isabelle de Guerray, par 'egard pour votre sexe, je ferai de vous un joli cadavre : vous mourrez en beaut'e.
Du doigt, Fant^omas d'esignait `a Isabelle l’une des grosses veines bleues qui courait `a la partie interne de son poignet et allait se perdre sous la paume de la main.
— Je vais vous ouvrir les veines, d'eclara-t-il, dans une seconde, dans un instant.
Avec une d'elicatesse infinie, une douceur exquise de gestes et de mouvements, Fant^omas avait attir'e Isabelle de Guerray, toujours ligot'ee sur sa chaise dans l’angle du cabinet de toilette. Puis, prenant un foulard de soie il l’enroula soigneusement sur le front et les yeux de la malheureuse.
Fant^omas avait pour elle des attentions.
— La vue du sang 'emeut parfois, dit-il, je veux vous 'eviter le moindre trouble.
Isabelle de Guerray ne parla plus, ne se plaignit plus, elle n’osa plus supplier.
Un r^ale persistant et monotone s’'echappait par hoquets de sa poitrine, les mots sortaient inintelligibles de ses l`eves glac'ees par la terreur.
Fant^omas s’interrompit encore dans ses pr'eparatifs d’autant plus horribles que les accessoires qu’il employait 'etaient plus d'elicats et charmants, et il insista :
— Voyons, madame, finissons-en. Le secret ? et vous serez libre.
Isabelle de Guerray fit un effort surhumain pour retrouver ce mot, ce simple mot auquel elle devrait la vie.
Ah, peu lui importait ce que Fant^omas en ferait… elle 'etait bien convaincue que ce n’'etait pas Louis Meynan qui avait envoy'e le monstre aupr`es d’elle, que ce r'ecit primitif n’'etait qu’une com'edie, elle 'etait certaine qu’en possession du secret, du moment qu’il avait aussi la clef des coffres, Fant^omas s’empresserait d’aller voler le Casino.
Mais que faisaient `a Isabelle de Guerray le Casino et ses richesses. La vie ne valait-elle pas cent fois plus que tous les tr'esors accumul'es dans les caves de la maison de jeu ?
H'elas, impossible de se rappeler le mot :
— Finissons-en, r'ep'eta Fant^omas.
Sa voix redevint menacante et dure.
Isabelle de Guerray `a demi 'evanouie 'eprouva soudain une sensation atroce.
`A l’int'erieur de son poignet, sur sa peau fine et d'elicate elle avait froid, mal de froid.
On aurait dit qu’une lame appuy'ee sur sa peau s’y tra^inait pendant quelques centim`etres tracant une ligne droite du milieu de l’avant-bras jusqu’`a la naissance du poignet.
Isabelle de Guerray fr'emit de tout son corps, une fois encore la respiration lui manquait.
Un instant apr`es, de son poignet, coulait quelque chose de ti`ede, qui coulait goutte `a goutte sur ses genoux : Isabelle de Guerray se rendait compte que Fant^omas venait de lui ouvrir une veine du bras.
Le monstre tenait promesse.
Isabelle de Guerray essaya de crier, sa voix s’'etrangla dans sa gorge et d'ej`a elle se sentait affaiblie. Et l’id'ee de ce sang qui coulait toujours dont elle 'eprouvait d'esormais la chaude humidit'e sur toute sa jambe la faisait d'efaillir.
— Fant^omas, gr^ace, balbutia-t-elle.
Mais le bandit ne r'epondait plus.
Combien de temps allait durer l’agonie ?
`A vrai dire Isabelle de Guerray ne souffrait pas, `a peine 'eprouvait-elle une imperceptible br^ulure `a l’avant-bras.
Fant^omas d'ecidemment 'etait expert en l’art de distiller la mort, il avait promis `a Isabelle qu’elle n’aurait pas mal et Isabelle mourait sans douleur.
Elle mourait longuement, elle mourait interminablement.
La malheureuse parvint `a briser un de ses liens. `A genoux elle se tra^inait, chancelante.
Isabelle heurta quelque chose de froid et de r'esistant : la psych'e, le miroir `a trois faces devant lequel si souvent elle avait admir'e sa beaut'e triomphante.
L’infortun'ee avait r'eussi `a arracher de ses yeux le foulard qui l’aveuglait, mais elle 'etait plong'ee dans l’obscurit'e compl`ete et elle ne pouvait pas voir se refl'eter dans la glace les traits 'evidemment affreux de son visage d'ecompos'e par la mort imminente.
Isabelle de Guerray sentait perler au bout de ses doigts le sang qui d'esormais paraissait couler `a flots de sa veine ouverte. Alors l’infortun'ee r'eunissant ses derni`eres forces traca sur le miroir, avec son sang, le nom de celui auquel elle devait une fin si affreuse.
Puis, 'epuis'ee, Isabelle de Guerray retomba en arri`ere.
Mais `a ce moment, sa t^ete et ses deux mains touchant le sol plongeaient dans une mare ti`ede : son sang. Etait-il possible qu’elle en e^ut tant perdu et qu’elle fut encore en vie ?
H'elas, son existence ne devait plus durer que quelques instants.
Il y avait quelque temps d'ej`a qu’une trompe d’automobile avait retenti, joyeuse, devant le jardin de la villa. Fant^omas avait 'eteint.
Isabelle de Guerray sentit soudain son coeur s’arr^eter.
Un ultime hoquet lui monta jusqu’aux l`evres, puis son corps s’abandonna :
Elle 'etait morte.
Quelques instants apr`es, l’automobile, lass'ee d’appeler en vain, parut vouloir s’'eloigner. On s’en rendait compte aux ronflements de plus en plus 'eloign'es du moteur. Lorsqu’il fut certain que le v'ehicule 'etait parti, quelqu’un rentra dans le cabinet de toilette d’Isabelle de Guerray et fit jaillir la lumi`ere.