Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
Шрифт:
C’'etait donc l’esprit en 'eveil que Fant^omas arrivait `a Bruxelles et descendait du wagon de seconde classe o`u il 'etait mont'e avec ses habits d’apache, ses vieux habits, sans la moindre vergogne.
Mais Fant^omas n’'etait pas plut^ot descendu sur le quai qu’il se disait, tout naturellement :
— Si j’'etais Fandor, que ferais-je ? `a supposer que Fant^omas se trouve dans ce train ?
Imm'ediatement Fant^omas se r'epondit :
— Je me pr'ecipiterais vers la sortie et j’irais guetter les personnes qui sortent !
Ayant d'ecid'e ce que devait faire Fandor, Fant^omas imm'ediatement tirait parti de sa pens'ee : il examinait de loin la sortie de la gare de Bruxelles, et tout naturellement il apercevait l`a, masqu'e par un tas de bagages, un homme habill'e en bleu qui n’'etait autre que J'er^ome Fandor.
— Tr`es bien, se dit Fant^omas. C’est absolument parfait…
Et tranquillement il revint vers son wagon, `a peine contrari'e par la pens'ee que J'er^ome Fandor, loin d’abandonner sa poursuite, 'etait tout au contraire acharn'e sur sa piste.
Le Ma^itre de l’effroi, quelques instants plus tard, souriait :
— Eh bien, soit, d'ecidait-il, puisque Fandor est l`a, finissons-en…
Loin de se cacher, Fant^omas se promenait ostensiblement le long du train, ne cherchant nullement `a 'eviter Fandor.
C’'etait Fandor, en effet, qui 'evitait le bandit, et Fant^omas, qui le surveillait du coin de l’oeil, sans en avoir l’air regardant dans une glace qui lui permettait de voir derri`ere lui, discernait parfaitement la course rapide du journaliste se pr'ecipitant au t'el'egraphe pour c^abler `a la S^uret'e.
— Allons, pensa Fant^omas `a ce moment, J'er^ome Fandor va encore avoir le dessus ! Il s’appr^ete en tout cas `a me faire prendre plus tard, il donne des instructions pour notre arriv'ee, j’ai toutes les chances du monde de pouvoir voyager tranquillement !
Fant^omas regagna son compartiment, s’enveloppa d’une couverture de laine, baissa la lampe bleue de son wagon, et s’endormit.
Il 'etait difficile au Ma^itre de l’effroi, toutefois, de sommeiller tranquillement alors qu’il connaissait, dans le m^eme train que lui, la pr'esence de cet adversaire acharn'e qu’'etait J'er^ome Fandor.
Fant^omas, bient^ot, renonca `a dormir, et se prit `a songer :
— Que diable a pu t'el'egraphier cet infernal journaliste ?… pensait-il.
Et en d'epit de son flegme, Fant^omas devenait, au fur et `a mesure que les heures passaient, quelque peu nerveux.
— Je suis peut-^etre imprudent ? se demandait-il. Je ne m’occupe pas assez de ce qui se trame contre moi…
`A la fronti`ere, pendant les op'erations de douane, Fant^omas courut au t'el'egraphe.
L`a, avec un toupet infernal, il exp'ediait une d'ep^eche au commissariat sp'ecial de la gare du Nord :
Avez-vous bien recu mon t'el'egramme ?… Pour la bonne r`egle, r'eexp'ediez-le moi en double…
Et il signait : Fandor,et il donnait comme adresse le dernier arr^et du train avant son arriv'ee `a Paris.
Les choses se passaient tout naturellement comme l’avait pr'evu Fant^omas. Au commissariat sp'ecial de la gare du Nord, on imaginait que le journaliste, inquiet de savoir si ses ordres avaient bien 'et'e scrupuleusement ex'ecut'es, demandait une confirmation, on r'epondait fort r'eguli`erement pour le tranquilliser.
Fandor, de son c^ot'e, ne se doutait nullement qu’un t'el'egramme l’attendait au bureau de la gare, ne songeait pas `a y aller. Fant^omas retirait la d'ep^eche, lisait ce qu’avait c^abl'e Fandor et se frottait les mains…
— Tr`es bien, murmurait-il. Je n’ai pas perdu mon temps. D'esormais je puis ^etre sans inqui'etude !
Ayant regagn'e son wagon, Fant^omas en effet prenait sa valise et se rendait au cabinet de toilette pour s’y habiller.
La valise en effet contenait des v^etements de rechange, bient^ot Fant^omas n’'etait plus l’apache que Fandor avait vu `a Bruxelles et qu’il avait signal'e `a Paris, il 'etait au contraire un fort 'el'egant gentleman. La conclusion avait toutes les chances du monde de se produire, elle se produisait en effet.
Fant^omas, au cours de la lutte que les agents de la S^uret'e soutenaient contre Fandor, que, dans leur affolement, ils prenaient quelques secondes pour le G'enie du crime, avait recu de bons horions.
Un coup de poing notamment l’avait atteint en pleine figure, et cela lui avait fait si mal qu’il avait cru un instant d'efaillir. L’incident n’avait pas grande importance, et Fant^omas, descendant la rue La Fayette, s’applaudissait de fort bon coeur des r'esultats de ses ruses.
— 'Evidemment, pensait-il, J'er^ome Fandor ne sera pas longtemps prisonnier ; l’erreur est une question de quelques minutes, et dans quelques minutes Fandor sera libre. Pendant ce temps toutefois, j’aurai eu tout le loisir du monde pour dispara^itre, et, par cons'equent, je n’aurai plus rien `a craindre.
Fant^omas n’'etait pas inquiet de l’attitude de J'er^ome Fandor, mais en revanche se montrait beaucoup moins rassur'e sur les faits et gestes de Juve.
Il n’avait plus de nouvelles du policier, en somme, depuis l’instant o`u il l’avait perdu de vue, debout sur le marche-pied du train de Paris, appelant Fandor, et quelques instants avant qu’il ne f^ut amen'e `a d'ecouvrir tout naturellement le cadavre de Daniel habilement grim'e, de facon `a ressembler au journaliste.
Qu’avait fait Juve depuis lors ? O`u en 'etait-il de ses enqu^etes et de ses recherches ? Soupconnait-il la v'erit'e ?
Fant^omas se le demandait avec anxi'et'e, et par moment froncait les sourcils.
— Moi qui sais qui est Daniel, murmurait-il, moi qui n’ignore pas en raison des papiers que j’ai vol'es dans son portefeuille, ce qu’il 'etait venu faire `a Amsterdam je puis `a bon droit redouter que Juve n’arrive `a conna^itre la v'erit'e !
Le Ma^itre de l’effroi, qui descendait toujours la rue La Fayette, tourna `a la hauteur de Saint-Vincent-de-Paul, prit la rue d’Hauteville, et d'elib'er'ement entra dans un immeuble de vilaine apparence o`u sa pr'esence en homme chic pouvait surprendre.