Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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C’'etait Fant^omas.
Le Ma^itre de l’'epouvante, une fois encore, avait su duper Fandor.
Une fois encore, il avait d'epist'e les recherches du journaliste en ayant recours `a un habile grimage.
Fant^omas 'etait m'econnaissable. Fant^omas, qui 'etait apache `a Bruxelles, incarnait d'esormais `a merveille un tr`es riche gentleman.
Alors, en un instant, Fandor jugea la situation.
Si Fant^omas 'etait ainsi grim'e, ce n’'etait 'evidemment pas pour rien.
S’il avait pris la peine de fl^aner sur les quais de Bruxelles, v^etu en pauvre voyou, si d'esormais il portait un complet sorti de chez le bon faiseur, c’'etait sans doute qu’il m'editait l’un quelconque de ces tours dont il 'etait familier.
— Attention ! se jura Fandor. Je flaire une emb^uche…
Et Fandor fit alors ce qu’il n’aurait point fait si telle n’avait pas 'et'e sa pens'ee.
Le journaliste, en effet, avait eu tout d’abord l’intention de laisser Fant^omas tranquillement s’'eloigner. Il comptait faire signe aux agents, organiser une filature, et arr^eter le mis'erable `a l’instant o`u il ne serait plus dans la foule, c’est-`a-dire o`u son arrestation ne serait plus susceptible d’occasionner une panique ou une 'emotion.
Mais, au contraire, Fandor se rendit compte qu’il importait d’agir au plus vite. Toute seconde qui passait 'etait dangereuse, toute minute 'ecoul'ee pouvait laisser `a Fant^omas le loisir de dispara^itre.
Brusquement, Fandor se jeta sur le gentleman, hurlant `a pleins poumons :
— `A moi, la S^uret'e ! hardi ! c’est Fant^omas !
Une panique se produisait imm'ediatement.
Le renom de Fant^omas 'etait trop connu, en effet, causait une terreur trop g'en'erale pour ne point effarer ceux qui l’entendaient prononcer.
Comme Fandor se jetait sur Fant^omas, une bousculade effroyable se produisit.
Le journaliste, qui avait empoign'e par le bras le bandit se vit tout `a coup au centre d’une m^el'ee furieuse.
Des coups de poings au m^eme moment lui 'etaient ass'en'es sur le cr^ane ; des gens hurlaient :
— Au secours…
D’autres, farouches, criaient eux aussi :
— C’est Fant^omas… tuez-le ! Assommez-le !
Le journaliste, qui tenait toujours le bandit, recevait au moins autant de horions que celui-ci. Fant^omas d’ailleurs, se d'ebattait peu, ne semblait pas surpris, feignait, au contraire un calme m'eprisant.
Et soudain, c’'etait une chose inattendue, terrible, effroyable, qui se produisait :
J'er^ome Fandor, qui venait de recevoir sto"iquement un formidable coup de canne, 'evidemment destin'e `a Fant^omas, 'eprouvait une horrible douleur. Quelqu’un, dans la foule, avait eu l’id'ee de se baisser. Le crochet de la poign'ee d’un parapluie l’avait pris par les jambes, une saccade brusque le renversait…
Or, pr'ecis'ement, il se trouvait que Fandor venait d’^etre agripp'e par son pauvre pied malade. La douleur qui en r'esultait pour lui 'etait telle que le courageux jeune homme perdait connaissance…
Il eut le sentiment qu’il tombait `a la renverse, qu’on le pi'etinait, qu’on lui meurtrissait le visage `a coups de talons, puis ses oreilles se ouat`erent, ses yeux se ferm`erent, il s’'evanouit…
— Mais, bon Dieu vous ^etes fou !… Vous ne nous entendiez donc pas ? Vous n’avez pas compris ce qui se passait ? Ah ! c’est `a se jeter `a la Seine… C’est `a se faire sauter la t^ete d’un coup de revolver… Sacr'e bon sang de bonsoir !… Qu’est-ce que dira Juve, d’abord ? Dire que nous le tenions !… Non, j’en ferai une maladie.
Fandor, revenant `a lui, entendait comme dans un r^eve ces extraordinaires paroles.
Au m^eme instant, la sensation d'esagr'eable de quelque chose de violent qu’on lui forcait `a respirer le rappelait `a une r'eelle connaissance des choses.
Le journaliste, ouvrant les yeux, promenait d’abord un vague regard autour de lui. Il se vit dans un petit bureau assez sombre, 'eclair'e par un bec de gaz clignotant, chauff'e par un po^ele qui d'egageait de malsaines odeurs.
Il 'etait 'etendu sur un banc, quelqu’un qu’il ne connaissait pas se penchait sur lui. `A deux pas de lui, en revanche, il reconnaissait L'eon, le d'evou'e sous-ordre de Juve qui, pr'ecis'ement, s’occupait `a gourmander de terrible mani`ere un groupe de pauvres bougres aux mines piteuses, qui n’osaient rien r'epondre.
Fandor vit tout cela, s’assit sur son s'eant, n’'ecouta pas l’interrogation de l’homme qui le soignait, et qui lui demandait comment il allait, interrogea au contraire `a son tour :
— Eh bien, L'eon, demandait Fandor, o`u diable est Fant^omas ?
Or, L'eon, `a ces mots, se retournait tout d’une pi`ece, courait au journaliste.
— Ah ! monsieur Fandor, monsieur Fandor, confessait l’inspecteur de la S^uret'e, jamais je ne me consolerai de ce qui vient d’arriver. Figurez-vous que les agents de la S^uret'e, mes agents, ceux que j’ai pu emmener, car maintenant je suis principal, sont des d'ebutants. Votre d'ep^eche disait que Fant^omas 'etait habill'e comme un voyou. Sauf votre respect, quand ils vous ont vu, vous, monsieur Fandor, v^etu d’une salopette, vous pr'ecipiter sur le Roi du crime, si merveilleusement habill'e, ils ont cru que c’'etait vous Fant^omas, et que Fant^omas, c’'etait Fandor !… Les imb'eciles ! continuait L'eon, c’est sur vous qu’ils ont cogn'e, c’est vous qu’ils ont arr^et'e ; Fant^omas, profitant du tumulte, a trouv'e moyen de dispara^itre !
La voix de L'eon tremblait, cependant qu’il avouait ainsi la maladresse de ses hommes. Il 'etait 'evidemment d'esesp'er'e. C’'etait sur un ton de tristesse infinie qu’il interrogeait Fandor.
— Au moins, vous ne vous sentez pas trop bless'e ? Ils ne vous ont pas d'emoli, les imb'eciles ?
Fandor, pour toute r'eponse, haussa les 'epaules. Le chagrin de L'eon l’apitoyait. Il savait bien que l’inspecteur avait tout fait pour emp^echer l’effroyable m'eprise, il ne pouvait donc pas lui en vouloir.
Et, tranquillement, sur un ton badin, Fandor finissait par d'eclarer :
— Que voulez-vous, mon pauvre L'eon ? On ne l’a pas nomm'e l’insaisissable pour rien… Et puis, tant pis ma foi, nous recommencerons ! Quant `a moi, je vous avouerai une bonne chose, c’est que j’ai une foulure `a la cheville, que j’avais besoin d’un massage, et que la tripot'ee que j’ai recue m’en tiendra lieu. Tout de m^eme, ils y allaient bon jeu bon argent, vos hommes !
Et faisant un peu la grimace, Fandor se frottait les c^otes…