Семь я
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Все мое счастье и мой истинный успех, вся суть моего бытия, вся моя любовь к жизни, Господи, зависят от этого важнейшего прозрения, от способности видеть Твое единство со Вселенной. Пусть другие, верные своему более высокому призванию, несут весть о величии Твоего бесплотного Духа! А я верен предназначению, исходящему от тончайших струн моей души, и не желаю и не могу благовествовать ни о чем ином, кроме бесчисленных проявлений Твоей воплощенной сути в материи, я ничего иного никогда не буду способен возвещать, кроме тайны Твоего Тела, о Душа, видимая во всем окружающем нас.
Твоему Телу во всей его безмерности, т.е. миру, ставшему
Ордос , 1923- Омск , 2010.
Pierre TEILHARD DE CHARDIN
LA MESSE SUR LE MONDE
L'offrande
Puisque, une fois encore Seigneur, non plus dans les forets de l'Aisne, mais dans les steppes d'Asie, je n'ai ni pain, ni vin, ni autel, je m'eleverai par-dessus les symboles jusqu'a la pure majeste du Reel, et je vous offrirai, moi votre pretre, sur l'autel de la Terre entiere, le travail et la peine du Monde.
Le soleil vient d'illuminer, la-bas, la frange extreme du premier Orient.
Une fois de plus, sous la nappe mouvante de ses feux, la surface vivante de la Terre s'eveille, fremit, et recommence son effrayant labeur.
Je placerai sur ma patene, o mon Dieu, la moisson attendue de ce nouvel effort. Je verserai dans mon calice la seve de tous les fruits qui seront aujourd'hui broyes. Mon calice et ma patene, ce sont les profondeurs d'une ame largement ouverte a toutes les forces qui, dans un instant, vont s'elever de tous les points du Globe et converger vers l'Esprit.
– - Qu'ils viennent donc a moi, le souvenir et la mystique presence de ceux que la lumiere eveille pour une nouvelle journee !
Un a un. Seigneur, je les vois et les aime, ceux que vous m'avez donnes comme soutien et comme charme naturel de mon existence. Un a un, aussi, je les compte, les membres de cette autre et si chere famille qu'ont rassemblee peu a peu, autour de moi, a partir des elements les plus disparates, les affinites du coeur, de la recherche scientifique et de la pensee. Plus confusement, mais tous sans exception, je les evoque, ceux dont la troupe anonyme forme la masse innombrable des vivants : ceux
qui m'entourent et me supportent sans que je les connaisse; ceux qui viennent et ceux qui s'en vont ; ceux-la surtout qui, dans la verite ou a travers l'erreur, a leur bureau, a leur laboratoire ou a l'usine, croient au progres des Choses, et poursuivront passionnement aujourd'hui la lumiere.
Cette multitude agitee, trouble ou distincte, dont l'immensite nous epouvante, -- cet Ocean humain, dont les lentes et monotones oscillations jettent le trouble dans les coeurs les plus croyants, je veux qu'en ce moment mon etre resonne a son murmure profond. Tout ce qui va augmenter dans le Monde, au cours de cette journee, tout ce qui va diminuer, -- tout ce qui va mourir, aussi, -- voila. Seigneur, ce que je m'efforce de ramasser en moi pour vous le tendre; voila la matiere de mon sacrifice, le seul don't vous ayez envie.
Jadis, on trainait dans votre temple les premices des recoltes et la fleur des troupeaux. L'offrande que vous attendez vraiment, celle dont vous avez mysterieusement besoin chaque jour pour apaiser votre faim, pour etancher votre soif, ce n'est rien moins que l'accroissement du Monde emporte par l'universel devenir.
Recevez, Seigneur, cette Hostie totale que la Creation, mue par votre attrait, vous presente a l'aube nouvelle. Ce pain, notre effort, il n'est de lui-meme, je le sais, qu'une desagregation immense. Ce vin, notre douleur, il n'est encore, helas qu'un dissolvant breuvage. Mais, au fond de cette masse informe, vous avez mis -- j'en suis sur, parce que je le sens -- un irresistible et sanctifiant desir qui nous fait tous crier, depuis l'impie jusqu'au fidele : "Seigneur, faites-nous un ! "
Parce que, a defaut du zele spirituel et de la sublime purete de vos Saints, vous m'avez donne, mon Dieu, une sympathie irresistible pour tout ce qui se meut dans la matiere obscure, -- parce que, irremediablement, je reconnais en moi, bien plus qu'un enfant du Ciel, un fils de la Terre, -- je monterai, ce matin, en pensee, sur les hauts lieux, charge des esperances et des miseres de ma mere; et la, -- fort d'un sacerdoce que vous seul, je le crois, m'avez donne, -- sur tout ce qui, dans la Chair humaine, s'apprete a naitre ou a perir sous le soleil qui monte, j'appellerai le Feu.
Le feu au-dessus du monde
Le Feu, ce principe de l'etre, nous sommes domines par l'illusion tenace qu'il sort des profondeurs de la Terre, et que sa flamme s'allume progressivement le long du brillant sillage de la Vie. Vous m'avez fait la grace, Seigneur, de comprendre que cette vision etait fausse, et que, pour vous apercevoir, je devais la renverser.
Au commencement, il y avait la puissance intelligente, aimante et active.
Au commencement, il y avait le Verbe souverainement capable de s'assujettir et de petrir toute Matiere qui naitrait.
Au commencement, il n'y avait pas le froid et les tenebres; il y avait le Feu.
Voila la Verite. Ainsi donc, bien loin que de notre nuit jaillisse graduellement la lumiere, c'est la lumierе preexistante qui, patiemment et infailliblement, elimine nos ombres. Nous autres, creatures, nous sommes, par nous-memes, le Sombre et le Vide. Vous etes, mon Dieu, le fond meme et la stabilite du Milieu eternel, sans duree ni espace, en qui, graduellement, notre Univers emerge et s'acheve, en perdant les limites par ou il nous parait si grand. Tout est etre, il n'y a que de l'etre partout, hors de la fragmentation des creatures, et de l'opposition de leurs atomes.