Том 10. Былое и думы. Часть 5
Шрифт:
D`es que le mariage sort des domaines de l''eglise, il devient un exp'edient, une simple mesure d'ordre publique. C'est aussi de ce point de vue que l'on envisage les nouveaux Barbe Bleu – l'egislateurs et notaires – ras'es et poudr'es, en perruques d'avocats en soutane de juge – pr^etres du Code Civil et ap^otres de la Chambre des D'eput'es.
Le mariage civil n'est au fond qu'une mesure 'economique, l''emancipation de l'Etat de la lourde charge d''education – et l'asservissement renforc'e de l'homme `a la propri'et'e. Le mariage sans l'intervention de l''eglise devient un engagement pur et simple, engagement `a vie de deux individus qui se livrent mutuellement. Le l'egislateur ne s'inqu`ete pas de leurs croyances, de leur foi, – il n'exige que la fid'elit'e au contrat et s'il est rompu – il trouvera des moyens pour le punir. Et pourquoi pas? En Angleterre, dans ce pays classique du droit individuel – on emploie des punitions inhumaines contre de pauvres enfants de seize ans – enr^ol'es entre deux verres de gin par un vieux d'ebauch'e de soldat – un mucker de caserne – au profit d'un r'egiment de Sa Majest'e. – Pourquoi donc ne pas punir par l'opprobre, la honte, la ruine, la petite fille qui d'eserte – apr`es s'^etre engag'ee, sans bien savoir ce qu'elle fait, `a aimer `a perp'etuit'e un homme qu'elle a `a peine connu – plus encore, on la livre `a son ennemi, `a son propri'etaire, comme le d'eserteur `a son lupanar de sang – le r'egiment, lui, il saura de son c^ot'e la punir pour avoir oubli'e que le mariage comme les season-tickets ne sont pas transf'erables.
Les
Les esclaves `a peine 'emancip'es du mariage se font serfs volontaires de l'amour libre… de cette puissance sans contr^ole – et contre laquelle toutes les armes sont faibles.
Tout contr^ole de l'intelligence est 'elud'e – elle n'a rien a y voir toute domination de soi-m^eme – d'eclar'ee nulle ou impossible. L'asservissement de l'homme `a des puissances fatales, insoumises `a lui – est l'oeuvre toute contraire de l''emancipation de l'homme dans la raison, de l''education de l'homme et de son caract`ere – but vers lequel doit tendre toute doctrine sociale.
Les puissances fictives – si les hommes les acceptent pour des r'eelles – en ont toute l'intensit'e et toute la force – et cela parce que le fond, le substratum que l'homme donne ou apporte est le m^eme. Un homme qui craint les revenants et celui qui craint
in chien enrag'e–ont la m^eme crainte etles deux peuvent mourir par la frayeur. La diff'erence consiste en cela que dans un de ces cas il y a une possibilit'e de prouver que le danger est fictif – tandis que c'est impossible dans l'autre.
Moi je nie compl`etement la place royale que l'on donne `a l'amour. Je nie sa puissance souveraine et illimit'ee, je proteste de toutes mes forces contre l'infaillibilit'e des passions, contre l''eternel acquittement de tous les faits – par des entra^inements au-dessus des forces de l'homme.
Nous nous sommes 'emancip'es de tous les jougs: de Dieu et du diable, du droit romain et du droit criminel, nous avons proclam'e la raison – comme seul guide et r'egulateur de notre conduite – et tout cela pour nous prosterner aux pieds d'Omphale comme Hercule et nous endormir sur les genoux de Dalila en perdant toute l`a force acquise…
Et la femme… est-ce que vraiment elle a passionn'ement cherch'e son affranchissement de l'autorit'e de la famille, de la tutelle 'eternelle, de la tyrannie du p`ere, du mari, du fr`ere… cherch'e ses droits au travail, `a la science, `a une position sociale – pour recommencer une existence de roucoulement d'une colombe et de d'ependre d'une dizaine de L'eons L'eon – au lieu d'un seul?..
Oui, c'est la femme que je plains le plus, le Moloch de l'amour la perd plus irr'evocablement. Elle croit en lui beaucoup plus et elle souffre plus. Elle est plus concentr'ee sur son rapport sexuel que l'homme, elle est plus r'eduite `a l'amour. On lui tou<rne> [425] plus l'esprit qu'`a nous-et on lui diver<tit> [426] moins la raison.
425
Рукопись повреждена. – Ред.
426
Рукопись
C'est la femme que je plains le<plus> [427] .
En g'en'eral, la femme est loin d'^etre fautive de ses pr'ejug'es et de ses exag'erations – qui donc a s'erieusement pens'e de d'etruire, de d'eraciner dans l''education m^eme de la femme – les unestes pr'ejug'es qui se transmettent de g'en'eration en g'en'eration? Ils sont quelquefois bris'es par la vie, par les rencontres, mais le plus souvent c'est le coeur qui se brise et non le pr'ejug'e – quelquefois les deux `a la fois.
427
Рукопись повреждена. – Ред.
Les hommes tournent ces questions ardues comme les vieilles femmes et les enfants tournent les cimeti`eres et les maudits endroits o`u se produisent des crimes de sang. Les uns ont peur des esprits noirs et impurs, les autres – de la clart'e et de la pure v'erit'e.
L'unit'e manque totalement dans notre mani`ere d'envisager les rapports des deux sexes – c'est le m^eme d'esordre, le mеmе dualisme que nous importons de nos th'eories vagues dans toutes les sph`eres pratiques de la vie. L''eternelle tentation de concorder, d'amalgamer la moralit'e chr'etienne, – qui a pour point de d'epart le m'epris du corps, du terrestre, du temporel, qui a pour but de vaincre, de fouiller aux pieds la chair, pour parvenir `a l’autre monde – avec notre moralit'e terrestre, r'ealiste, moralit'e exclusivement de ce monde. D'ennui et de d'epit – que cela ne va pas, et pour ne pas trop se tourmenter – on garde ordinairement – au choix et au go^ut – ce qui nous plait de la doctrine religieuse et on laisse de c^ot'e – ce qui g^ene trop ou n'a pas l'avantage de nous plaire. Les hommes qui ne mangent pas maigre les journ'ees de Car^eme – f^etent avec ferveur les f^etes de P^aques, de No"el. Est-ce que le temps n'est pas arriv'e – d'avoir un peu plus de courage, de cons'equence, de franchise et d'harmonie dans notre conduite?
Que celui qui respecte la loi – reste sous la loi – sans l''etreindre par caprice. Mais aussi que celui qui ne la reconna^it pas – qu'il le dise le front haut, qu'il ne soit pas un fuyard – qui craint la pers'ecution, mais homme libre – le verbe haut.
Apporter cette mani`ere de voir dans la vie priv'ee est extr^emement difficile – et presque insurmontable pour la femme. Les femmes sont beaucoup plus profond'ement tromp'ees par l''education que nous ne le sommes – et connaissent beaucoup moins la vie – et voil`a la raison qu'elles s''emancipent plus rarement qu'elles ne font des faux pas, qu'elles sont en 'etat de mutinerie – et d'esclavage perp'etuel, aspirent passionn'ement `a sortir de la position actuelle – et se cramponnent `a elle avec un conservatisme acharn'e.
Depuis l'enfance la petite fille est effray'ee – d’un myst`ere terrible et impur, d'un monstre qui la gu^ete et contre lequel on la prot`ege, on l'arme, on la pr'evient, on la pr^eche… comme si le monstre 'etait dou'e d'une puissance d'attraction et avait besoin d'exorcisme. Peu `a peu – l''eclairage change – le magnum ignotum – qui fl'etrit tout ce qu'il touche, dont le seul nom est une tache, l'allusion auquel est un acte impudique – fait rougir… il devient le seul but de l'existence de la fille… un soleil levant, vers lequel tout montre du doigt – le p`ere, la m`ere, la famille, la bonne.
Au petit garcon qui commence `a courir on s'empresse de donner une bandouli`ere et un sabre de bois… Va, cher petit, et joue avec l’assassinat fictif, porte des plaies `a tes joujoux… en attendant que tu en porteras `a ton semblable – d`es six ans il ne r^eve aussi qu'^etre soldat, tueur d'hommes en costume de mascarade. Mais la petite fille est berc'ee par des r^eves tout oppos'es `a l'assassinat.
Dors, dors, mon enfant, Jusqu'`a l'^age de quinze ans, A quinze ans faut te r'eveiller, A quinze ans faut te marier.