L'agent secret (Секретный агент)
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— Tu n’as pas connu que moi chez M. de Naarboveck, il y a aussi le beau cuirassier Henri de Loubersac…
Bobinette rougit, haussa les 'epaules :
— Tu es stupide, le lieutenant Henri ne pense pas `a moi… tout au contraire, et s’il vient dans la maison…
Brocq, `a son tour, interrompait la jeune femme :
— Je sais, observa-t-il, conciliant, peu d'esireux d’ouvrir la discussion sur ce sujet, je sais qu’il vient pour la blonde Wilhelmine…
De nouveau Brocq attira vers lui Bobinette. Tendrement, il s’efforca de l’asseoir sur ses genoux, mais la jeune femme, de plus en plus r'efractaire semblait-il aux caresses du capitaine, regardait la pendule de la chemin'ee
— Quatre heures, fit-elle, il est grand temps que je file.
— Ma foi, moi aussi, il faut que j’aille faire un tour au Minist`ere.
Tous deux s’'etaient lev'es… Bobinette chercha son chapeau puis une glace. Brocq 'echangea son veston d’appartement contre une jaquette noire.
— Bobinette ? appela-t-il, de son cabinet de travail.
Quand la jeune femme, r'epondant sans empressement `a l’invitation, entra dans la pi`ece o`u l’officier l’avait pr'ec'ed'ee, elle trouva celui-ci install'e devant son bureau, fouillant un vaste tiroir o`u des papiers de toute nature 'etaient entass'es dans un grand d'esordre :
— Tu sais, ma petite Bobinette, que je t’ai institu'ee ma l'egataire universelle, s’'ecria le capitaine. Je voudrais te montrer… c’est au sujet de l’orthographe exacte de ton nom, car en somme tu t’appelles Berthe…
Mais la jeune femme s’'etait avanc'ee et, prestement subtilisait sur le buvard une feuille de papier mauve o`u quelques lignes 'etaient trac'ees :
— Ah ! canaille ! s’'ecria-t-elle, tandis qu’elle parcourait la lettre, simulant une col`ere, je t’y prends, tu 'ecrivais `a une femme ! H'e ! ca commence bien :
« Ma petite ch'erie ador'ee, comme les heures me paraissent longues lorsque j’attends…
— Mais comprends donc, grosse sotte, que c’est `a toi que j’'ecrivais, il y a deux heures de cela… Tu sais, j’ai perp'etuellement peur que tu ne viennes pas `a nos rendez-vous et comme tu arrives toujours en retard…
Bobinette, rassur'ee, aida Brocq `a inventorier son tiroir. D'ecid'ement le capitaine manquait d’ordre. P^ele-m^ele, voisinaient des lettres de famille, des pages enti`eres de chiffres, des documents militaires autographi'es, et m^eme quelques billets de banque.
Mais bient^ot Bobinette remarquait quelques lignes de son 'ecriture sur des feuillets qu’elle connaissait bien !
Elle feignit l’indignation :
— C’est abominable, s’'ecria-t-elle, de me compromettre comme tu le fais… Vois mes lettres… des lettres d’amour… des lettres intimes qui tra^inent… n’importe o`u !… Non, d'ecid'ement…
Brocq rectifiait :
— Tu fais erreur, ma chatte, tes ch`eres 'ep^itres sont pr'ecieusement conserv'ees par moi… r'eunies… tiens, les voil`a toutes ensemble… oh, elles sont peu nombreuses… mais il n’en manque pas une !
— Tu en es certain ?…
— Je te jure…
Cependant le capitaine, poursuivant son id'ee fixe, retournait dans la chambre `a coucher esp'erant y trouver l’acte de donation sur lequel il ne pouvait remettre la main dans son bureau.
— Viens avec moi, Bobe, fit-il.
L’officier, pass'e dans l’autre pi`ece, ouvrait un petit secr'etaire. Il se croyait suivi de sa ma^itresse, mais celle-ci demeura dans le bureau.
— Bobinette ? appela-t-il de nouveau, 'etonn'e d’^etre seul.
Brocq rebroussa chemin.
Il se heurta `a la jeune femme qui d’un geste furtif cachait quelque chose dans son manchon.
— Eh bien ?
— Eh bien ?
Ils se regard`erent un instant silencieux…
— Que faisais-tu donc ? interrogea Brocq, soupconneux.
— Rien ! d'eclara froidement Bobinette.
Mais le capitaine lui prit les mains, inquiet, courrouc'e presque…
— Dis-le moi ?…
La belle rousse bondit en arri`ere et d’un air de d'efi :
— Eh bien oui ! je les ai reprises, mes lettres, elles sont `a moi… je les voulais… Ca me d'ego^ute qu’elles tra^inent partout dans ton appartement… Tu trouves ca dr^ole que ton ordonnance les lise `a sa payse ?… que ta concierge soit au courant… Vraiment, vous autres hommes vous n’avez aucun tact, aucune d'elicatesse…
— Bobinette, supplia le capitaine.
— Non, non et non.
Et comme l’officier p^alissait, pris d’un scrupule, elle ajouta, un peu plus douce :
— Mais grosse b^ete, ca n’a aucune importance… te voil`a troubl'e comme un coll'egien… plus tard… je te les rendrai… quand tu seras sage… allons, embrasse-moi… ! Dis-lui `a ta petite Bobe de ton coeur que tu n’es pas l^ach'e… ou sans cela je pleure…
Le capitaine Brocq, interdit, la consid'era tristement.
L’aimait-elle vraiment, cette femme aux allures fantasques, ind'ependantes, cette femme insaisissable, qui jamais ne s’abandonnait toute ? 'etait-il dupe, lui Brocq, d’une com'edie, consentait-elle par piti'e, sympathie seulement, ou encore habitude ou pis encore, int'er^et, ces rendez-vous trois fois la semaine ?… alors que Brocq aurait tout abandonn'e pour ne point les manquer…
Brocq, sit^ot sa ma^itresse partie, allait `a la fen^etre, la voyait tourner au bout de la rue de Lille, s’engager dans la rue des Saints-P`eres, prendre la direction des quais.
Mais tandis qu’il la regardait il tressaillait.
Du manchon de Bobinette sortait un rouleau de papier… Brocq connaissait ce papier, son aspect, sa couleur lui 'etaient familiers… Si grandes cependant 'etaient alors ses pr'eoccupations amoureuses qu’il oublia aussit^ot ce d'etail.
Les 'ev'enements devaient l’obliger `a y repenser un peu plus tard.