L'agent secret (Секретный агент)
Шрифт:
— Eh bien ? interrogea-t-il…
— Eh bien, reprit Juve, comparez les documents qui sont mentionn'es sur cette liste, monsieur le commissaire, avec ceux qui se trouvent dans cette serviette… ce sont les m^emes…
— Naturellement ! ce sont les m^emes ! je le pense bien… cela prouve tout simplement, j’imagine, que cet officier est mort au moment o`u il se rendait `a son bureau pour restituer les papiers et documents qui lui avaient 'et'e confi'es ? Que voyez-vous de surprenant `a cela ?
Juve hocha la t^ete :
— Je vois, fit-il, – il donnait ainsi sans s’en douter une extraordinaire preuve du flair merveilleux dont il 'etait dou'e, – je vois, monsieur le commissaire, que ce que je craignais est vrai… oui, cette liste est bien celle des documents qui sont contenus dans cette serviette, mais…
— Mais quoi ?…
— Mais il en manque un…
Les deux hommes, f'ebrilement, compuls`erent les papiers du capitaine Brocq. Juve avait dit vrai : il manquait en effet un plan, le document N° 6…
— Sapristi… murmura le commissaire, pourvu que cela ne fasse pas encore un scandale d'esagr'eable… Comment savoir si ce document a 'et'e perdu en voiture, s’il a d'ej`a 'et'e restitu'e par le capitaine, ou bien si…
— Ou bien s’il a 'et'e vol'e, ponctua la voix de Juve.
Et la supposition que le policier formulait ainsi – lui qui ne pouvait se douter cependant des craintes que le capitaine Brocq avait eues pendant ses derni`eres minutes de vie, – 'etait si grave, si terrible, si lourde de cons'equences, que le commissaire de police, a son tour, se prit `a trembler :
— Vol'e ! r'ep'eta-t-il, vol'e, mais par qui ? O`u ? Comment ? dans le trajet de la place de l’'Etoile, ici ? pendant qu’on amenait le mort au commissariat ?… Juve, c’est invraisemblable…
Le policier, se promenait toujours dans le cabinet du commissaire de police, le front soucieux, la mine inqui`ete :
— Je n’aime pas ces histoires-l`a, d'eclara-t-il, toutes les affaires o`u sont m^el'ees des officiers et surtout des officiers du Deuxi`eme Bureau, sont terriblement d'elicates… On ne sait jamais o`u elles peuvent vous conduire… ces officiers-l`a, voyez-vous, monsieur le commissaire, ce sont, en v'erit'e, de par leurs fonctions, les ma^itres de toute la d'efense militaire de la France… et dame !…
Juve s’interrompit brusquement, puis questionna :
— Dites-moi, je pourrais voir le corps de ce pauvre homme ?
— Certes… mais que voulez-vous chercher ?
Le commissaire de police guida Juve vers une des salles du commissariat o`u le cadavre du capitaine Brocq gisait 'etendu sur le sol. Des mains pieuses avaient allum'e une bougie et, 'etant donn'e la qualit'e du disparu, deux gardiens de la paix veillaient, attendant que l’on v^int r'eclamer le d'efunt…
— Vous me disiez tout `a l’heure que le professeur Barrel, de l’Acad'emie de M'edecine, s’'etait trouv'e par hasard pr'esent au moment du d'ec`es ?… demanda Juve.
— En effet…
— `A quelle cause attribue-t-il la mort ?
— Tiens, c’est vrai, je n’y pensais plus, vous allez peut-^etre me renseigner, mon cher Juve. Le professeur pr'etend que la mort est due `a un ph'enom`ene d’inhibition… qu’est-ce que cela signifie inhibition ?
— Inhibition… dit-il, peuh !… c’est un mot savant, un mot tr`es savant…
— Qui veut dire ?
— Qui ne veut rien dire… Parfaitement ! ca ne veut rien dire, dit-il… inhibition, c’est l’'etiquette dont on catalogue toutes les morts que l’on ne peut pas expliquer… Rigoureusement, cela se traduirait :
— De sorte, Juve, que vous concluez que M. le professeur Barrel a d'eclar'e que cet officier 'etait mort par inhibition, parce qu’en fait il ignorait de quoi il 'etait mort ?
— Exactement…
Juve s’'etait agenouill'e sur le sol et pench'e sur le cadavre, il l’examinait.
— Que cherchez-vous donc, Juve ?
— La cause de cette inhibition…
— Vous ne trouvez rien ?
Juve soudain se releva, et, se tournant vers les agents commanda :
— D'eshabillez-moi ce mort !
— Pour quoi faire ?
— C’est utile pour votre rapport.
— Allons donc ! en quoi ?
— Pour ca, fit-il, d'esignant du doigt la jaquette de l’officier…
— Ca ? quoi ca ?… Je ne vois rien !
— Vous ne voyez rien, d'eclara-t-il, parce que vous regardez mal… tenez, monsieur le commissaire, penchez-vous et consid'erez de pr`es cette petite 'eraflure du drap…
— Oui, eh bien ?
— Eh bien, cela ne vous dit rien ?
— Non, ma foi !
— D'eshabillez-moi ce cadavre !
Puis, se tournant vers le commissaire, il ajouta :
— Cela me dit, `a moi, que cet homme a 'et'e tu'e d’un coup de fusil ou d’un coup de revolver !…
— Allons donc !
— Vous allez voir…
— Le v^etement n’est pas trou'e…
Juve se prit `a sourire :
— Monsieur le commissaire, dit-il, vous ne devriez pas ignorer que les armes `a grande p'en'etration, tirant des projectiles de faible diam`etre, des projectiles ray'es, occasionnent, dans les 'etoffes que leurs balles traversent, des d'eg^ats presque imperceptibles. Maintes exp'eriences l’ont montr'e : un v^etement de drap peut ^etre, dans certaines conditions, travers'e par trois ou quatre balles d’un diam`etre inf'erieur `a six millim`etres sans que cependant il semble seulement avoir 'et'e effleur'e… le passage du projectile, voyez-vous, est si rapide, son mouvement giratoire si acc'el'er'e, que les fils du tissu sont en quelque sorte, non pas rompus, mais 'ecart'es… ils se resserrent apr`es le passage de la balle et l’on peut parfaitement ignorer, `a moins d’un examen tr`es attentif, comme celui auquel je viens de me livrer, qu’un projectile les a trou'es… d’ailleurs…