L'agent secret (Секретный агент)
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L’encombrement des voitures, les barrages des agents au passage des rues transversales ralentissaient le mouvement.
Brocq s’exasp'erait v'eritablement, incapable de demeurer immobile au fond de son taxi.
Enfin on arriva place de l’'Etoile. Les v'ehicules se conformant au r`eglement contournaient tous `a droite le monument, ralentissant sensiblement l’allure, vu l’encombrement de plus en plus consid'erable.
Mais le capitaine se rassurait : seul un fiacre attel'e le s'eparait d'esormais du taxi dans lequel se trouvait Bobinette et assur'ement ce v'ehicule et le sien seraient de front, c^ote `a c^ote, d`es l’entr'ee de l’avenue du Bois de Boulogne.
Ah ! Brocq aimait bien sa ma^itresse, mais franchement, il ne lui cacherait pas sa facon de penser, si la jeune femme par plaisanterie ou inadvertance avait emport'e le document. Il lui apprendrait qu’on ne joue pas avec ces choses-l`a…
Une grande angoisse toutefois 'etreignit le coeur de l’officier.
Si Bobinette ne s’'etait apercu de rien, si le document 'etait tomb'e dans la rue ?
Soudain, le capitaine vit que le taxi de Bobinette coupait la file des voitures et, obliquant `a droite, tournait dans l’avenue de la Grande-Arm'ee.
Le m'ecanicien de Brocq qui ne paraissait pas s’en apercevoir continuait vers la direction de l’avenue du Bois de Boulogne :
— Ah ! l’imb'ecile ! s’'ecria l’officier…
Et pour donner des instructions rapides, il se pencha presque enti`erement hors du v'ehicule…
***
Deux secondes `a peine s’'etaient 'ecoul'ees que le m'ecanicien arr^eta net pour regarder dans l’int'erieur de la voiture ce qu’'etait devenu son client…
Celui-ci, au cours des indications qu’il donnait, s’'etait tu subitement. Brocq, brusquement, 'etait retomb'e sur les coussins du taxi, demeurait immobile…
D’autres voitures entouraient l’auto. Des dames qui passaient dans une Victoria remarqu`erent l’officier :
— Regardez donc, ma ch`ere, fit l’une d’elles, comme ce monsieur est p^ale ! on dirait qu’il se trouve mal…
Au m^eme moment, des pi'etons 'etaient frapp'es de l’'etrange posture du voyageur. Brocq, soudainement affaiss'e comme une masse, effondr'e sur le coussin, la t^ete inclin'ee sur l’'epaule, la bouche ouverte, les yeux clos, paraissait 'evanoui.
Un attroupement se forma aussit^ot.
Le m'ecanicien, descendu, secouait son client par le bras, le bras se laissait aller, inerte.
La foule augmenta :
— Un m'edecin ! fit une voix, vous voyez bien que cet homme est souffrant ?
Quelqu’un se d'etacha de la foule : un monsieur `a cheveux blancs, d'ecor'e, qui venait de descendre d’un coup'e de ma^itre.
— Voulez-vous 'eloigner ce monde ? demanda-t-il… je suis le professeur Barrel de l’Acad'emie de M'edecine.
— Probablement qu’il faut conduire ce particulier `a la pharmacie ? dit l’agent.
— `A la pharmacie… mais c’est inutile… ce malheureux est mort, mort subitement.
2 – LE DOCUMENT N° 6
— All^o !… c’est bien `a la Pr'efecture de police que je parle ?… Oui… ? au brigadier de service ?… parfait !… C’est le commissaire du quartier de Wagram qui vous t'el'ephone… on vient d’amener chez moi le corps d’un officier, mort subitement place de l’'Etoile et j’aurais besoin que vous m’envoyiez l’un de vos inspecteurs… cet officier 'etait porteur de documents assez importants pour que je tienne `a le faire remettre directement `a l’Autorit'e Militaire… All^o !… bon ! vous m’adressez quelqu’un imm'ediatement ?… un inspecteur sera au commissariat dans dix minutes ?… parfait !… tr`es bien !…
Le commissaire de police raccrochait les r'ecepteurs du t'el'ephone et se tournait vers l’agent, qui, demeur'e immobile, debout dans son cabinet, attendait ses ordres, l’air visiblement embarrass'e…
Quelques minutes auparavant, le taxi-auto tragique dans lequel le capitaine Brocq avait trouv'e une mort inattendue s’'etait arr^et'e `a la porte de son poste de police et les agents de garde en avaient descendu le corps du malheureux officier…
Appel'e en toute h^ate, le commissaire s’'etait pench'e sur le cadavre et imm'ediatement avait commenc'e une rapide enqu^ete en examinant les documents qui se trouvaient contenus dans la serviette de la victime.
— Bigre ! s’'etait-il alors dit tout bas, des 'etats de ravitaillement en munitions ! des ordres pour les forteresses de l’Est !… Voici des papiers d’importance que je ne me soucie point de garder longtemps en ma possession !…
Et, comme on l’a vu, il avait imm'ediatement t'el'ephon'e `a la Pr'efecture de police pour demander un inspecteur de la S^uret'e `a qui confier ces documents qu’il importait 'evidemment de remettre au plus vite `a l’Autorit'e Militaire afin d’'eviter toute indiscr'etion…
Rassur'e sur ce point, le commissaire se tourna vers l’agent et d’une voix br`eve, l’interrogea :
— Vous avez r'edig'e votre rapport ?
Le brave gardien de la paix touchait son k'epi et perplexe, se grattait le front :
— Pas encore, monsieur le commissaire ! sit^ot l’accident, nous avons ramen'e le corps ici, alors je n’ai pas eu le temps de le faire, mais je vais l’'ecrire imm'ediatement…
L’embarras de l’agent 'etait visible, le commissaire en eut piti'e et souriant, il proposa :
— Voulez-vous que nous le fassions ensemble ? 'Etant donn'e la personnalit'e du d'efunt, je crois que cela pr'esente une certaine importance… Voyons, il s’agit d’un capitaine, n’est-ce pas ? les papiers trouv'es dans son portefeuille et le nom 'ecrit sur sa serviette permettent de savoir qu’il s’appelait Brocq et qu’il 'etait attach'e au minist`ere… voil`a pour son identit'e… ne nous occupons pas du domicile, nous l’aurons `a la Place… ah ! en revanche, pr'ecisons les conditions de l’accident… dites-moi donc, agent, comment s’est exactement produit ce d'ec`es ?