L'agent secret (Секретный агент)
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Mais Vinson craignait que le faux eccl'esiastique ne le livr^at `a l’autorit'e militaire. Pour parer au danger, il n’avait point voulu permettre `a son compagnon de route d’aller coucher `a la cure…
Force avait bien 'et'e `a Bobinette de partager sa chambre avec Fandor-Vinson.
Si bien qu’au petit matin, alors que Fandor proposait de descendre pour pr'eparer la voiture, Bobinette s’'etait h^at'ee d’accepter et, perdant la t^ete, litt'eralement affol'ee, s’'etait enfuie, `a pied vers Rouen, tandis que Fandor s’'echappait vers Motteville…
Ils laissaient l’un et l’autre dans la chambre le d'ebouchoir qui, quelques heures plus tard, devait occasionner l’arrestation du m'ecanicien, arrestation qui d’ailleurs, Bobinette l’avait appris par les journaux, n’avait pas 'et'e maintenue…
Bobinette rencontrant au cours de sa fuite le lieutenant Henri, et de plus assistant `a la gare Saint-Lazare `a l’arrestation du faux caporal Vinson, arrestation qui l’ahurissait, avait d'efinitivement compris que les choses se g^ataient pour elle…
Et c’est pourquoi elle avait 'ecrit au baron qu’elle 'etait souffrante. Sans ressources, Bobinette avait mis au Mont-de-Pi'et'e les quelques bijoux qu’elle poss'edait puis, subitement, avait recu une nouvelle lettre sign'ee
Bobinette avait naturellement ob'ei aux instructions qu’on lui donnait dans cette lettre, plus inqui`ete de savoir Vagualame libre que de la facon dont il avait pu se procurer son adresse. Elle avait, en effet, eu maintes preuves de la puissance du bandit et n’ignorait pas que celui-ci ne perdait jamais de vue ceux dont il avait int'er^et `a suivre la piste… Quelques jours avant, s’ennuyant, d'esireuse aussi de s’assurer une protection qui pouvait, `a un moment donn'e, lui ^etre utile, elle avait 'ecrit `a son fr`ere Geoffroy pour lui donner rendez-vous au Veau-qui-Pleure…, histoire de renouer connaissance.
***
— Mets-toi l`a… proposait Geoffroy-la-Barrique, faisant asseoir Bobinette `a ses c^ot'es.
Il ajoutait imm'ediatement :
— Qu’est-ce que lu prends ?
Bobinette commanda une « consommation de dame », ainsi que le remarqua plaisamment le patron du Veau-qui-Pleure : un sirop de groseille. Puis le fr`ere et la soeur s’interrog`erent sur ce qu’ils 'etaient devenus. Le brave Geoffroy, avec une na"ive franchise, contait ses histoires embrouill'ees de places prises et abandonn'ees, de coups de poing donn'es et recus… Pour Bobinette, plus myst'erieuse, elle se borna `a affirmer `a son fr`ere qu’elle 'etait heureuse et tranquille.
— Figure-toi, lui disait-elle, que je suis maintenant demoiselle de compagnie chez une vieille dame, une Russe qui, je crois bien, a eu dans le temps des ennuis avec la police de son pays…
— La police, interrompit le grand colosse ; je n’aime pas beaucoup la police…
— Il vient beaucoup de monde chez elle ! le suis de tous les d^iners et de toutes les parties…
— Alors, tu vas payer la douloureuse, si tu es dans une situation prosp`ere ?
— Je vais payer, Geoffroy…
« Cette vieille dame, ma patronne, je crois bien qu’elle s’occupe de…
Mais soudain Bobinette s’interrompit, p^alissant `a devenir blanche comme un linge…
Un homme venait d’entrer, un vieillard qui marchait `a pas h'esitants, le dos vo^ut'e sous le poids d’un accord'eon…
29 – JE SUIS TROKOFF
— Tu connais ce bonhomme-l`a ? Qu’est-ce qu’il te veut ? S’il t’emb^ete, tu sais que je suis un peu l`a pour le sortir ?…
L’offre de son fr`ere terrifiait la jeune femme.
Ah ! ce serait vraiment du beau. Comme cela simplifierait la situation si Geoffroy-la-Barrique provoquait Vagualame et jetait le vieillard `a la porte…
Il fallait `a tout prix 'eviter une semblable complication. Bobinette, d’ailleurs, n’'etait venue voir Geoffroy-la-Barrique que pour se d'esennuyer. Elle n’avait pas grand-chose `a lui dire, peu importait qu’elle abr'ege^at sa visite, d’autant qu’elle imaginait bien que Vagualame n’'etait point entr'e par hasard, qu’il avait `a lui parler, qu’il fallait se mettre `a sa disposition…
— Tiens-toi donc tranquille, Geoffroy, fit-elle, je ne connais pas ce bonhomme, et tu te trompes tout `a fait si tu t’imagines qu’il m’emb^ete… D’ailleurs, mon cher Geoffroy, je vais m’en aller…
— T’en aller ? Qu’est-ce qui te prend, Bobinette ?
— Il me prend que j’ai affaire ailleurs, et que maintenant que je te sais en bonne sant'e, Geoffroy, je continue ma promenade.
— Vrai, tu caltes d'ej`a ?
— Appelle le patron. Voil`a un louis. Paye tes consommations et garde le reste…
C’'etait l`a un argument d'ecisif qui calmait imm'ediatement le chagrin que Geoffroy-la-Barrique pouvait avoir du d'epart de sa soeur.
— Bon ! je n’ai rien `a dire, du moment que tu paies. Mais, tout de m^eme, tu as des id'ees qui ne sont pas ordinaires…
Bobinette s’inqui'eta peu de la remarque, et, rapidement, ayant serr'e la main de son fr`ere, gagna la porte du Veau-qui-Pleure, tournant rue Monge, marchant `a petits pas, bien persuad'ee que Vagualame allait la rejoindre. `A cette heure avanc'ee, la chauss'ee 'etait enti`erement d'eserte. Nul passant ne croisait la jeune femme qui, s’enfoncant dans l’obscurit'e de la voie silencieuse, 'evitait avec soin de traverser les taches de lumi`ere que jetaient, de loin en loin, les devantures encore 'eclair'ees de bouges analogues au Veau-qui-Pleure. Il y avait d'ej`a cinq minutes que la jeune femme marchait. Bobinette avait pris soin de ne point tourner la t^ete pour ne pas risquer d’'eveiller l’attention d’un observateur, d’ailleurs probl'ematique, lorsqu’elle sentit que quelqu’un qui pressait le pas et venait derri`ere elle allait la rejoindre. Une main s`eche sur son 'epaule : Vagualame 'etait aux c^ot'es de sa complice. Le bandit ne perdit point de temps en formules de politesse :
— Cette esp`ece de g'eant, c’est ton fr`ere ?
Bobinette fit
— Vous ^etes donc libre ?
— Probable !
— On vous a donc rel^ach'e ?…
Vagualame parut h'esiter quelques secondes… Devait-il dire `a la jeune femme, ce qu’il savait pertinemment, qu’il n’avait jamais 'et'e arr^et'e ? qu’il y avait deux Vagualame ? Devait-il ruser, au contraire ? Le bandit essaya de tergiverser.