L'agent secret (Секретный агент)
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Le train s’arr^etait `a une gare.
— Je meurs de soif, avait balbuti'e Vinson d’une voix `a peine perceptible.
Quelques instants apr`es, il remerciait Juve d’un signe de t^ete.
Le policier, `a la plainte du caporal, avait r'epondu en envoyant son second chercher une bouteille d’eau.
D'esalt'er'e, Vinson rassemblait peu `a peu ses esprits, et Juve le voyant en meilleures dispositions, apr`es l’avoir laiss'e quelque temps r'efl'echir en silence, commenca `a l’interroger, lui promettant de le traiter aussi bien que possible, s’il voulait parler en confiance, et l’assurant de l’indulgence des juges s’il consentait `a d'enoncer ses complices.
Vinson ne fut pas difficile `a convaincre :
— Ah ! murmura-t-il, monsieur, tandis que de grosses larmes coulaient le long de ses joues, maudit soit le jour o`u, pour la premi`ere fois, j’ai accept'e d’entrer en relations avec la bande de criminels qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui, un coupable que l’on m`ene en prison.
Vinson, malgr'e sa fatigue, fit tout d’une traite `a Juve, le r'ecit de ses entra^inements et de ses fautes, tel qu’il l’avait fait quelques semaines auparavant au journaliste Fandor. Toutefois, il tut ses relations avec le reporter de La Capitale, auquel il avait promis le secret absolu.
Juve, au surplus, 'etait `a cent lieues de soupconner la substitution qui s’'etait faite `a son insu…
Vinson affirmait ne rien savoir du
Au surplus, il ne manquait pas de questions `a poser au coupable.
Vinson ne connaissait pas Vagualame, Vagualame le vrai, et en l’interrogeant sur ce myst'erieux personnage, peut-^etre Juve pourrait-il pr'eciser la personnalit'e de l’insaisissable Fant^omas qui, comme il l’avait d'ej`a d'ecouvert, s’'etait longtemps dissimul'e derri`ere la barbe blanche du joueur d’accord'eon.
Vinson raconta bien des choses sur Vagualame, que Juve connaissait d'ej`a. N'eanmoins, un propos frappa son esprit :
— C’est 'egal, avait murmur'e Vinson, si la police connaissait tout ce qui se passe dans l’h^otel de la rue Monge…
Juve s’'etait dit :
— D`es que j’aurai remis mon caporal entre les mains des ge^oliers militaires, je sais bien de quel c^ot'e je m’en irai fumer une cigarette.
26 – LE SECRET DE WILHELMINE
— Vous ^etes seule, Wilhelmine ?
La jeune fille, qui sortait de l’h^otel de la rue Fabert, eut une agr'eable surprise. Devant elle, au coin de la rue de l’Universit'e, se dressait la sympathique silhouette du lieutenant de Loubersac.
Ce dernier, dont l’esprit 'etait perp'etuellement tortur'e, dont les inqui'etudes augmentaient d’heure en heure, avait en effet d'ecid'e d’avoir ce jour-l`a, co^ute que co^ute, une explication d'efinitive avec la jeune fille.
— Je suis seule, en effet, avait r'epondu la jeune fille, et m^eme… plus que jamais…
— Votre p`ere ?
— Parti depuis ce matin. J’ai d'ejeun'e sans lui…
— Et M lleBerthe ?
— Pas de nouvelles depuis quelques jours. Berthe semble avoir disparu.
L’officier n’ajouta rien. Machinalement, il r'egla son pas sur celui de la jeune fille. Apr`es un silence, il demanda encore :
— O`u comptez-vous aller, Wilhelmine ?
M llede Naarboveck expliquait qu’elle avait des courses `a faire, mais que celles-ci ne comportaient aucun caract`ere d’urgence.
— Voulez-vous que nous marchions un peu, tout en causant ?
Machinalement, les jeunes gens avaient travers'e l’esplanade des Invalides, remont'e le boulevard Saint-Germain, qu’ils atteignaient en suivant la rue Saint-Dominique, puis ils avaient pris la rue Bonaparte, se disant que les jardins du Luxembourg pourraient leur offrir un lieu convenable et agr'eable pour l’explication supr^eme qu’ils avaient d'ecid'e d’avoir.
— Il y a, ma ch`ere amie, dit le lieutenant, dans votre existence une s'erie de myst`eres qui me pr'eoccupent et m’inqui`etent. Vous savez les sentiments que j’'eprouve `a votre 'egard, ils sont sinc`eres et s'erieux. Mon amour pour vous est profond, et je n’ai qu’un d'esir au monde, c’est d’unir ma destin'ee `a la v^otre. Mais auparavant, nous avons certainement l’un et l’autre des choses `a nous dire, des choses graves, peut-^etre des choses, en tout cas, qu’il est n'ecessaire que nous 'elucidions…
Wilhelmine d'ecida de parler.
Les jeunes gens 'etaient `a ce moment-l`a sur la place Saint-Sulpice, et soudain du ciel, qui s’'etait rembruni, tomb`erent de larges gouttes d’eau.
— Entrons `a l’'eglise, dit-elle. Nous serons plus tranquilles et j’ai comme l’impression que mes paroles, sous les vo^utes de ce saint lieu, auront `a vos yeux un caract`ere de plus exacte v'erit'e. C’est presque une confession…
Henri de Loubersac, 'emu par ce pr'eambule, redoutait de plus en plus des r'ev'elations 'epouvantables. Il acquiesca sans mot dire. Le couple p'en'etra sous le porche.
Comme il faisait passer Wilhelmine devant lui, de Loubersac se retourna soudain, consid'era curieusement un fiacre aux stores ferm'es qui venait de s’arr^eter non loin du parvis.
— Qu’avez-vous ?
— J’avais comme l’impression d’^etre suivi… que nous 'etions fil'es… Cela n’a pas grande importance, nous devons nous attendre, lorsqu’on appartient comme moi au service des renseignements…
— Oui, observa la jeune fille, vous aussi vous avez des secrets…
— Oh ! fit l’officier, ne se m'eprenant pas sur la na"ivet'e de cette insinuation, ils n’ont rien que de professionnel. Ma personnalit'e est nette. Ma vie peut se raconter au grand jour…
Ils 'etaient install'es depuis quelque temps sur de modestes chaises, derri`ere un pilier et dans l’obscurit'e ; `a mi-voix, Wilhelmine parlait toujours.
Tr`es franchement d’abord, elle avait dit `a Henri de Loubersac qu’elle n’'etait pas la fille du baron de Naarboveck, qu’elle ne portait ni le nom du baron, ni le pr'enom de Wilhelmine, mais qu’elle s’appelait Th'er`ese Auvernois.
Ceci n’apprit rien `a l’officier…
Wilhelmine, ou Th'er`ese Auvernois, lui raconta ses premi`eres ann'ees pass'ees dans un vieux ch^ateau des bords de la Dordogne, en t^ete `a t^ete avec sa grand-m`ere, la marquise de Langrune. Et puis, un sinistre jour de d'ecembre, un malheur effroyable s’'etait abattu sur les deux pauvres femmes. La marquise de Langrune avait 'et'e myst'erieusement assassin'ee par un jeune homme, fils d’un ami de la famille, et qui s’appelait Charles Rambert. On le croyait du moins. Orpheline d`es lors, elle se vit prot'eg'ee par le p`ere, pr'ecis'ement, de celui qu’on supposait ^etre le meurtrier de sa grand-m`ere, Etienne Rambert. Celui-ci avait recommand'e la jeune fille `a lady Beltham, dont le mari avait 'et'e lui-m^eme, quelques mois auparavant, myst'erieusement assassin'e. Th'er`ese avait v'ecu alors chez cette lady. Mais quelques mois apr`es, son protecteur, M. 'Etienne Rambert, disparaissait dans un naufrage. Wilhelmine partait en Angleterre avec lady Beltham pour habiter un ch^ateau d’'Ecosse. Deux ans s’'ecoul`erent, paisibles, au cours desquels Th'er`ese avait fait la connaissance, chez cette m`ere d’adoption, d’un diplomate 'etranger, le baron de Naarboveck. Puis lady Beltham partit pour la France, et un jour, Th'er`ese devait apprendre que la malheureuse y 'etait morte.