L'agent secret (Секретный агент)
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— Oh ! moi ! il n’est jamais 'etonnant de me rencontrer dans un train, puisque je voyage toujours et suis toujours par monts et par vaux… Vous avez des nouvelles de M lleWilhelmine ?…
— D’excellentes nouvelles. Vous viendrez `a la maison prochainement, monsieur Henri ?
— Je compte aller saluer M. de Naarboveck ce soir m^eme…
La conversation se poursuivit, banale, quelconque, sans aucun int'er^et…
— Elle ment ! pensa Henri, tout en 'ecoutant Bobinette qui lui donnait des d'etails sur son s'ejour dans sa famille ; elle ment !… Mais je dois feindre d’^etre dupe.
Dans le wagon cahot'e `a chaque virage, le lieutenant et la jeune femme causaient de choses et d’autres, d’insignifiances, de mondanit'es… Mais soudain…
Sous la jupe de taffetas clair, que portait la jeune femme, Henri de Loubersac, tout d’abord, avait distingu'e un vague lis'er'e noir.
Mais, quelques minutes apr`es, comme la jeune femme faisait un mouvement, sa robe s’'etait un peu soulev'ee…
Et cette fois, le lieutenant Henri de Loubersac n’avait pu s’y tromper.
Il avait vu, nettement vu.
Ce qui d'epassait par moments de la robe de Bobinette… le v^etement qu’elle portait sous cette robe, c’'etait… c’'etait une soutane de pr^etre !…
Bobinette, sous sa robe, avait un d'eguisement de pr^etre…
Ah ! parbleu ! Henri de Loubersac comprenait le r^ole jou'e par la perverse cr'eature ! Il se rendait compte pourquoi il la rencontrait dans ce train revenant de Rouen… Bobinette avait jou'e le r^ole du pr^etre aupr`es du caporal Vinson…
Tout autre que le lieutenant Henri de Loubersac se f^ut peut-^etre trahi dans la surprise d’une pareille d'ecouverte… C’'etait, en effet, pour lui, la confirmation douloureuse des paroles de Juve, car il semblait difficile d’admettre que Wilhelmine f^ut compl`etement innocente des compromissions terribles dans lesquelles 'etait engag'ee sa dame de compagnie.
Il fallait arr^eter Bobinette.
Mais comment proc'eder ?
Tout en continuant `a parler de choses et d’autres, Henri de Loubersac se d'ecidait :
— Je ne peux pas, moi, officier, pensait-il, m^eme en un cas aussi grave, appr'ehender cette femme personnellement. Le scandale serait 'enorme. Mes chefs me bl^ameraient… et puis, enfin, ce n’est pas mon m'etier. D`es que nous arriverons `a la gare Saint-Lazare, je m’arrangerai pour faire signe `a l’un des agents de service, je sauterai s’il le faut jusqu’au commissariat de surveillance… deux agents la boucleront avant m^eme qu’elle ait eu le temps de se reconna^itre…
La chose lui semblait d’autant plus facile que Bobinette avait, avec elle, une assez lourde valise.
Avec un grand bruit de ferraille, le convoi s’immobilisa gare Saint-Lazare.
— Je vous dis adieu, mademoiselle Bobinette. Comme je vous l’ai annonc'e, il faut que je me h^ate de regagner le minist`ere, je suis attendu de minute en minute… vous m’excuserez ?…
Le jeune homme sauta sur le quai, bouscula les voyageurs qui se pressaient devant lui pour atteindre plus vite la sortie.
Mais comme il allait donner son billet `a l’employ'e, un brouhaha s’'eleva derri`ere lui, des voyageurs s’arr^etaient, d’autres rebroussaient chemin… des gens couraient, 'evidemment, il se passait quelque chose.
Trop pr'eoccup'e pour s’inqui'eter d’un incident 'etranger `a ses craintes, Henri de Loubersac qui, instinctivement, s’'etait arr^et'e lui aussi, allait continuer son chemin, lorsqu’il entendit un homme d’'equipe lui souffler `a voix basse :
— Ne vous arr^etez pas, monsieur Henri, vous seriez peut-^etre remarqu'e !…
Le lieutenant reconnut l’homme qui venait de lui parler. Ce facteur 'etait employ'e `a titre d’indicateur par la police du Deuxi`eme Bureau…
`A tout hasard, Henri de Loubersac, tendait `a l’agent son paquet de couvertures, feignant, aux yeux des passants, de s’adresser `a un homme d’'equipe ordinaire. Il demandait :
— Qu’est-ce qui se passe donc ?
— Je ne sais pas au juste, r'epondait l’indicateur… mais c’est une arrestation demand'ee par le Deuxi`eme Bureau… il y avait un bonhomme ou une bonne femme dans le train dont vous descendez qui 'etait signal'e…
Henri de Loubersac poussait un large soupir de satisfaction…
— 'Evidemment, se dit-il, Bobinette aura 'et'e reconnue et identifi'ee `a Rouen quand elle est mont'ee dans le train… les policiers de Juve ont t'el'egraphi'e.
Rassur'e sur le sort de celle qu’il ha"issait si profond'ement, maintenant, pour le tort qu’elle pouvait causer `a Wilhelmine, il remercia l’homme d’'equipe et s’appr^eta `a quitter la gare.
Mais, comme il descendait l’escalier menant `a la cour du Havre, le lieutenant Henri de Loubersac s’arr^eta.
Derri`ere lui, entre deux hommes qu’il connaissait fort bien pour ^etre deux agents de la S^uret'e, s’avancait un soldat en uniforme, le caporal Vinson `a n’en pas douter. On l’emmenait tr`es vraisemblablement `a la prison du Cherche-Midi… En un instant, Henri de Loubersac comprit ce qui s’'etait pass'e… Parbleu, la d'ep^eche que Juve avait recue `a Dieppe devait ^etre fausse ! Vinson et Bobinette, s’'etant probablement apercus qu’ils 'etaient 'epi'es, avaient trouv'e moyen de faire adresser `a Juve un t'el'egramme apocryphe, annoncant que Vinson avait 'et'e rencontr'e `a Londres. Ayant attir'e de la sorte Juve en Angleterre, ils 'etaient revenus `a Paris. Bobinette et Vinson avaient d^u se s'eparer pour avoir moins de chances d’^etre reconnus… c’'etait Vinson que l’on arr^etait tout `a l’heure, au moment o`u lui-m^eme descendait du train… Bobinette, devenue m'econnaissable pour la police apr`es avoir d'epouill'e sa soutane, devait s’^etre 'echapp'ee…
Le lieutenant de Loubersac rebroussa chemin en courant comme un fou. Il fouilla la gare Saint-Lazare, sauta dans un taxi, parcourut `a toute allure les rues avoisinantes…
Mais ses recherches demeur`erent vaines. Il avait devin'e : Bobinette n’'etait plus l`a, Bobinette avait eu le temps de dispara^itre…
24 – L’AP'ERITIF AU ROBERT’S BAR
— Encore un petit whiskey, ma vieille branche ?
— Oh ! non ! je n’oserais pas, nous avons d'ej`a tellement bu !…