L'agent secret (Секретный агент)
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« Qu’est-ce que vous faites ici, Paul ? Il m’a r'epondu : Je cherche un artiste !
« Bien entendu, je me suis propos'e d’abord. Toutefois, Paul m’a expliqu'e qu’il n’avait pas besoin d’un clown, mais simplement d’un professeur. J’ai promis de m’en occuper, de lui trouver quelqu’un. Veux-tu ^etre ce professeur ?
— Professeur de quoi ?
Celui-ci 'eclata de rire :
— Cela n’a aucune importance, et d’ailleurs, tu ne pourrais jamais imaginer quels seront tes 'el`eves, si je ne te le disais pas. Il s’agit d’apprendre `a siffler `a des serins japonais…
Butler, bien que gris, haussa les 'epaules, croyant `a une plaisanterie.
Mais le clown insistait, d'emontrait que si la profession 'etait d'elicate, elle n’avait rien de ridicule, qu’il suffisait d’avoir de la pers'ev'erance et de la bonne volont'e. Enfin, argument supr^eme, on 'etait pay'e tout de suite.
Tandis que Butler, singuli`erement impressionn'e, – car il commencait `a se persuader que son compagnon parlait s'erieusement, – r'efl'echit, le clown, incapable de demeurer en place, s’agitait sur son tabouret et fredonnait d’une voix de fausset, sur l’air des Vieillards de Faust, que pr'ecis'ement `a ce moment jouait l’orchestre de tziganes :
—
« Pour amuser la galerie… »
Le clown interrompit sa chanson :
— Allons, interrogea-t-il, est-ce d'ecid'e ?
— Ma foi, h'esita encore Butler, je ne sais pas trop si je dois…
— Mais oui, tu dois.
Butler eut encore un scrupule, son compagnon poursuivait :
— Justement j’ai rendez-vous avec l’impr'esario pour d^iner ; il doit ^etre dans la salle du bas… veux-tu que j’aille le chercher ?… nous nous r'eunirons tous les trois et l’on causera de l’affaire ?
Paraissant faire un r'eel effort de volont'e, Butler posa soudain cette 'etrange question :
— O`u faudrait-il aller ? dans quel pays ?
Le plus simplement du monde, Tommy r'epliqua :
— Mais en Belgique, naturellement ! L’impr'esario est belge, comme moi…, nous sommes compatriotes.
Le clown ayant jug'e son compagnon enfin d'ecid'e, l’abandonnait pour descendre au rez-de-chauss'ee, retrouver l’impr'esario.
Butler, demeur'e seul, poussait un soupir et vida encore un verre de whiskey.
***
Se faufilant `a travers les tables encombr'ees de la salle du bas, allant aussi vite que possible, et multipliant les excuses, s’inclinant obs'equieusement aupr`es des gens qu’il d'erangeait, le gros homme pr'esent'e `a Butler, sous la d'esignation du clown Tommy, se dirigea droit au fond de la pi`ece.
Il avisait un homme ras'e, qui, seul dans ce coin obscur, m'editait devant sa consommation.
S’approchant de lui, il interrogea :
— Monsieur Juve, n’est-ce pas ?
— Monsieur le capitaine Loreuil, si je ne me trompe ?
Les deux hommes 'echang`erent une poign'ee de mains machinale.
Le personnage que Juve avait appel'e capitaine Loreuil r'epondait `a mots pr'ecipit'es :
— C’est moi, en effet, mais dans les circonstances actuelles, je suis Tommy, clown musical belge, et vous ^etes M. Paul, impr'esario. Ce sont, n’est-ce pas nos conventions ?
— En effet ! d'eclara Juve `a mi-voix, puis il demanda :
— Avez-vous du nouveau ?
L’officier sourit :
— Je tiens votre homme…
— Vous en ^etes s^ur ?
Le capitaine, qui s’'etait assis sur la banquette, `a c^ot'e du policier, se pencha `a son oreille :
— Il se fait appeler Butler et pr'etend ^etre canadien ; il assure 'egalement se trouver `a Londres depuis quelque temps, mais il ment. Je l’ai parfaitement reconnu pour l’avoir d'ej`a vu `a Ch^alons, alors qu’il entretenait la chanteuse Nichoune et que nous le soupconnions d’^etre l’auteur des fuites qui se produisaient dans les bureaux de l’'etat-major. C’est bien le caporal Vinson. En cons'equence, vous pouvez intervenir.
— Intervenir ? Comme vous y allez, mon capitaine ! Songez que nous sommes en pays 'etranger et qu’il ne s’agit point d’un crime de droit commun ; Vinson n’est pas inculp'e d’assassinat, mais simplement de trahison !
— J’aime ce mot :
— Ne le prenez pas en mauvaise part, mais il a son importance au point de vue du droit international. Je ne puis, sous pr'etexte d’espionnage, arr^eter Vinson en Angleterre.
— … Heureusement, poursuivit le capitaine, que nous avons d'ej`a pr'evu cette difficult'e.
L’officier raconta alors `a Juve le stratag`eme imagin'e par lui pour convaincre le faux Butler qu’on allait lui procurer une situation.
— Nous sommes, donc bien d’accord, je vais vous pr'esenter l’individu, vous passerez `a ses yeux pour ^etre l’impr'esario Paul qui veut l’engager comme dresseur de serins et puis, dame… vous vous d'ebrouillerez…
— Il serait urgent de le d'ecider `a partir ce soir avec moi…
— Vous m’aiderez, mon capitaine, deux valent mieux qu’un dans une semblable circonstance…
25 – L’ARRESTATION
Dans la vaste gare de Charing Cross, la locomotive haletait.
Le claquement des porti`eres que l’on ferme retentit soudain en une succession de bruits secs et au coup de sifflet du « guard » `a l’uniforme chamarr'e, le train s’'ebranla lentement, sortit du hall vitr'e, s’engagea sur le pont qui traverse la Tamise.
C’'etait l’express de Douvres, le « Continental Mail ».
Dans un compartiment de premi`ere classe, trois voyageurs 'etaient install'es ; ils fumaient de majestueux cigares et avaient les yeux anim'es, les pommettes rouges, la face luisante de gens qui viennent de faire un excellent repas.