L'agent secret (Секретный агент)
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Au moment o`u Vagualame terminait, on frappait `a la devanture. Une voix :
— Police, ouvrez.
Le bandit, cependant, ne semblait nullement 'emu…
— Tiens, fit-il simplement et d’un ton quelque peu narquois, voil`a que vous avez 'et'e encore une fois signal'ee comme n’ob'eissant pas aux prescriptions de la loi sur le travail.
Et, tout en parlant, Vagualame, qui menacait du doigt la femme qu’il avait appel'ee Sophie, se dirigea vers la porte de la boutique, o`u, collant son oeil `a la serrure, il regarda ceux qui se pr'esentaient chez la libraire `a cette heure indue.
Mais Vagualame avait `a peine appuy'e son visage `a ce trou de serrure que l’accord'eoniste se prenait `a p^alir.
— Bougre, ce n’est pas ce que je croyais… c’est la brigade des recherches… L’inspecteur Juve ! l’agent Michel !… Du sang-froid, Sophie, ils ne peuvent conna^itre votre maison… Si ils agissent en vertu d’une d'enonciation, ils en seront pour leurs frais.
En deux enjamb'ees, Vagualame rejoignit alors Bobinette, interdite et bl^eme de frayeur. Il prit la jeune femme par le bras, l’attira violemment vers le fond de la salle, gagna un recoin de la boutique, dont le sol, par exception, n’'etait pas encombr'e de piles de livres… Et, une fois l`a, Vagualame ordonna `a Bobinette :
— Serre tes jupes entre tes jambes… N’aie pas peur !…
Le bandit ne se trompait pas : c’'etait bien la brigade des recherches qui cernait l’entr'ee de la boutique.
Sans bruit, glissant au long des maisons comme de v'eritables ombres, sur la pointe des pieds, le revolver d’une main, une lanterne sourde de l’autre, une quinzaine de bourgeois s’'etaient group'es.
Juve, qui les commandait, donnait ses derniers ordres :
— Faites attention, Michel, nous avons vu entrer les oiseaux, donc ils sont l`a… Il ne faut pas qu’ils nous 'echappent… D`es que je vais ^etre entr'e dans la boutique, ne quittez plus cette porte… Il n’y a pas d’autre issue… ne laissez sortir personne.
— Soyez tranquille, Juve, personne ne sortira.
`A peine s’'etait-il 'ecoul'e trois minutes entre la premi`ere sommation de Juve et le moment o`u la libraire ouvrait sa porte… Mais ces trois minutes, le bandit les avait mises `a profit.
— Ne crie pas ! n’aie pas peur ! souffla Vagualame en poussant Bobinette… Ce n’est pas encore ce coup-ci qu’ils nous prendront !…
Bobinette se sentit bouscul'ee, entra^in'ee dans un coin de la pi`ece… et soudain le sol se d'eroba sous ses pas. Elle roula sur une sorte de plan inclin'e, un v'eritable toboggan…
Bobinette, glissant dans le vide, cramponn'ee `a Vagualame, entendit au-dessus de sa t^ete le claquement sourd d’une trappe qui se refermait…
— Silence, r'ep'etait le bandit, tandis que la jeune femme, parvenue `a l’extr'emit'e de la glissi`ere, roulait sur le plancher d’une sorte de cave o`u s’entassaient encore des piles de volumes…
D'ej`a Vagualame avait tir'e de sa poche une bo^ite d’allumettes. `A la lueur clignotante de la brindille de bois, il faisait signe `a sa compagne d’'ecouter.
— C’est bien cela, dit-il, les agents perquisitionnent dans la boutique et, en ce moment, bousculent les piles de livres en s’imaginant que nous sommes cach'es derri`ere eux… Quels imb'eciles… Tel que je connais Juve, d’ailleurs, dans trois minutes au maximum, il aura trouv'e la trappe secr`ete et descendra ici par le chemin que nous avons pris… car il ne sera jamais assez b^ete pour imaginer que nous avons fui tout bonnement par l’escalier qui d'ebouche dans la boutique.
— Mon Dieu ! g'emit Bobinette, si vous croyez qu’il trouve la trappe, qu’allons-nous faire ?
Vagualame ne semblait nullement 'emu. Il haussa les 'epaules et, ayant tir'e de sa poche un rat-de-cave, l’alluma.
— Dame, dit-il, en haussant la lumi`ere, il y a plusieurs partis `a prendre : tu peux, si tu le veux, Bobinette, choisir un volume dans tous ces livres et attendre tranquillement… Tu peux, si tu le pr'ef`eres… mais assez !
Vagualame soudain s’approchait du tas que formait dans un angle de la r'eserve o`u il se trouvait une importante collection de journaux illustr'es… Du poing, il frappa trois coups sur le dos des brochures, disant `a voix basse :
— Ouvrez ! ce sont des fr`eres !…
Et Bobinette, stup'efaite, vit l’'enorme pile de volumes osciller sur sa base, puis, sans bruit, se diviser en deux, se s'eparer… Les journaux d'emasquaient une porte secr`ete… Mais la jeune femme n’eut pas le temps de r'efl'echir `a ce nouveau myst`ere. Vagualame d'ej`a l’entra^inait.
— Tu vois, ma ch`ere amie, railla-t-il, qu’il n’est point inutile d’avoir des relations dans tous les mondes, et que ton excellente patronne, Olga Dimitroff, a 'et'e fort bien inspir'ee en me racontant jadis o`u et comment se r'eunissaient `a Paris les tch'ekistes qui complotaient contre l’'Etat.
Bobinette croyait r^ever. Vagualame venait de la faire passer dans une sorte de grande salle 'eclair'ee par des torches de r'esine, et dans cette salle une vingtaine de jeunes gens, debout, salu`erent avec v'en'eration Vagualame, s’avancant vers eux la main tendue…
***
`A peine Juve avait-il p'en'etr'e dans la librairie qu’il s’'etait convaincu qu’`a part
— Parbleu, dit-il `a mi-voix, je sais o`u les prendre…
Il s’appr^etait d'ej`a `a traverser la boutique lorsqu’il revint sur ses pas :
— Ne laissez sortir personne ! r'ep'eta-t-il aux agents demeur'es sur le seuil de la porte, sauf moi, bien entendu… Ah ! autre chose : d'em'enagez-moi toutes ces piles de volumes, derri`ere lesquelles il est possible, `a la rigueur, que mes lascars se soient dissimul'es… surveillez aussi l’orifice du petit escalier qui d'ebouche ici, c’est le seul chemin par o`u une 'evasion puisse ^etre tent'ee… Pour moi, je vais faire le tour des caves et je rabattrai le gibier par cet escalier…