L'agent secret (Секретный агент)
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— Non, r'epondit simplement Fandor, j’accepte la conclusion de l’anthropom'etrie…
— Vous reconnaissez donc que ces billets 'etaient en votre possession ?
— Eh bien, oui.
L’officier, s’adressant encore au sergent qui remplissait les fonctions de greffier, ordonna :
— Notez cela au crayon rouge, cet aveu est important, tr`es important…
« Fandor, connaissiez-vous le capitaine Brocq ?
— Non, mon commandant.
— Vous le connaissiez ! insista l’officier.
— Non, mon commandant, r'ep'eta Fandor qui, aussi, t^ot, pris d’une nouvelle inqui'etude, interrogea :
— Pourquoi ?
— Parce que, fit en h'esitant cette fois le commandant Dumoulin, parce que…
Puis s’'etant arr^et'e un instant, il reprit :
— Vous n’ignorez pas que chez le capitaine Brocq, myst'erieusement assassin'e, on a vol'e un document int'eressant le plan de mobilisation ?…
— Je le sais, fit Fandor.
— Ce n’est pas tout, continuait, Dumoulin. On a vol'e 'egalement chez le malheureux officier une certaine quantit'e d’argent. Brocq avait l’habitude de noter sur un carnet les sommes exactes qu’il poss'edait, et notamment de noter les num'eros de ses billets de banque. Or, de son tiroir-caisse, des billets de banque ont disparu ; ceux qui manquaient portaient les num'eros A 4998 ; O 4350 ; U 5108… Ce sont ceux que l’on a retrouv'es dans vos poches.
Il y eut un silence angoissant. Fandor parut atterr'e par cette derni`ere d'ecouverte. Tout se liguait contre lui, d'ecid'ement. Ah ! il 'etait pris, pris comme une souris dans une sourici`ere. D’o`u lui venaient ces billets que le commandant d'eclarait avoir 'et'e retrouv'es dans son paquetage `a Verdun ? Parbleu, c’'etait bien simple, c’'etaient les billets que lui avait tra^itreusement gliss'es dans la main l’un des fr`eres Noret, les imprimeurs, billets dont le journaliste ne pouvait alors soupconner l’origine.
'Evidemment, Fandor, d`es son d'epart de Paris sous l’uniforme du caporal Vinson, avait 'et'e perc'e `a jour par la bande de tra^itres qu’il voulait d'ecouvrir. Sans s’en douter, il avait 'et'e le gibier que l’on chasse alors qu’il pr'etendait ^etre le chasseur, et ce chasseur de pacotille 'etait niaisement tomb'e dans le pi`ege…
Soudain, une inqui'etude terrible.
Un ^etre au monde 'etait capable de cela, et Fandor qui n’avait pas voulu y croire quelques semaines auparavant, lorsqu’il en discutait avec son ami le policier, devait d'esormais en accepter l’hypoth`ese comme certaine, tant par ses actes invisibles, sa personnalit'e s’imposait.
C’'etait sign'e : Fant^omas.
Fandor eut beau faire et se d'ebattre, d'esormais le commandant Dumoulin 'etait convaincu que son instruction avait franchi un pas immense. Il estima que l’interrogatoire devait s’achever sur un dernier mot, une derni`ere phrase, qu’il prof'erait solennellement, donnant ainsi le coup de gr^ace au malheureux Fandor :
— Fandor, s’'ecria-t-il, non seulement vous ^etes accus'e du crime de trahison et d’espionnage, mais eu 'egard aux aveux formels que vous venez de faire, je vous inculpe, d`es `a pr'esent, de l’assassinat du capitaine Brocq et du vol de ses documents ainsi que de son argent.
31 – UN DRAME DANS UNE ROULOTTE
Il pleuvait toujours.
Sur la route de Sceaux, tenant t^ete `a la temp^ete, foncant dans les rafales qui lui jetaient au visage de v'eritables trombes d’eau, faisaient envoler les pans de sa longue mante, collaient ses cheveux `a son front et par moments la suffoquaient au point que pour respirer elle devait mettre la main devant la bouche, une gitane avancait…
Il fallait en v'erit'e que cette jeune femme cour^ut `a un rendez-vous d’importance extr^eme pour avoir os'e se risquer sur la grande route, `a pareille heure, par un tel temps…
`A une 'eglise voisine, l’horloge avait sonn'e onze coups et la temp^ete redoublait de vigueur. Il importait peu `a la malheureuse fille, qui se r'ep'etait :
— Vagualame m’a dit qu’il serait `a la premi`ere borne kilom'etrique, pass'e les hangars d’aviation. Il faut que j’y aille, et j’irai !…
C’'etait en effet Bobinette, cette gitane, Bobinette qui, ob'eissant encore une fois aveugl'ement `a celui qu’elle consid'erait comme son ma^itre, se dirigeait vers le myst'erieux rendez-vous que le bandit lui avait fix'e il y avait cinq jours…
Ce n’'etait pas que la fausse gitane f^ut sans crainte.
Et d’abord, que lui voulait Vagualame ? Bobinette ne s’'etait jamais avou'e qu’elle ignorait `a vrai dire qui 'etait Vagualame…
Mais elle 'etait trop fine, trop intelligente pour avoir pu se d'efendre de noter certaines co"incidences, de remarquer certains d'etails qui lui avaient fait pressentir que le joueur d’accord'eon n’'etait autre que… Fant^omas.
Les trois syllabes r'esonnaient, `a cette heure, dans son cerveau tortur'e, comme un glas, comme une menace impr'ecise, ind'efinissable, terrible.
Vagualame lui avait dit qu’il lui donnait rendez-vous sur la route de Sceaux, pour lui remettre de l’argent, pour l’exp'edier `a l’'etranger, hors d’atteinte de la police… 'etaient-ce bien l`a les intentions du bandit ?
Et tout en avancant, Bobinette fr'emissait en songeant `a la bizarrerie de cette rencontre, la nuit, sur une grande route, l`a o`u il n’y avait ni chemin de fer, ni moyen de communication d’aucune sorte qui p^ut vraiment faire supposer un d'epart `a l’'etranger…