L'agent secret (Секретный агент)
Шрифт:
Et au surplus, que risquait-il ?
N’avait-il pas maintes fois, au cours de ses crises de d'esespoir, caress'e en pens'ee l’irr'ealisable d'esir de profiter d’un moment d’inattention pour s’enfuir, m^eme en employant la force, de l’odieux cachot dans lequel on l’avait enferm'e ?
— Le plus dur, murmura Naarboveck `a l’oreille du journaliste, sera de nous faire ouvrir la porte de la prison. Heureusement, j’ai pr'evenu le ge^olier que j’attendais mon secr'etaire… Esp'erons qu’en vous voyant, il vous prendra pour lui et que nous b'en'eficierons de la confusion.
***
La prison militaire du conseil de guerre de Paris n’est pas une prison comme les autres et c’est pourquoi le plan de Naarboveck pouvait avoir des chances de r'eussir, tandis qu’il aurait certainement 'echou'e si on l’avait tent'e `a la Sant'e.
Le rez-de-chauss'ee o`u se trouvaient 'evidemment, au si`ecle dernier, les cuisines et les communs, constitue `a proprement dire la prison, car dans ces locaux sont am'enag'ees les cellules o`u les inculp'es attendent leur comparution devant les juges.
Nul, `a moins d’^etre au courant de ces dispositions immobili`eres, ne se douterait que la porte basse que l’on remarque `a peine dans le vestibule d’entr'ee, juste en face de l’escalier qui acc`ede au premier 'etage, n’est autre que l’entr'ee de la prison. En effet, sit^ot cette porte basse franchie, on est dans le couloir sur lequel donnent les cellules.
`A la porte de la prison se tient d’ordinaire un gardien, dont le r^ole est moins de surveiller les prisonniers et de pr'evenir leurs tentatives d’'evasion que d’ouvrir aux personnes qui ont besoin d’entrer dans le sinistre local.
Lorsque arrive la nuit, la surveillance se rel^ache souvent. Le gardien est en m^eme temps charg'e de l’entretien des bureaux et lorsqu’il a sa cl'e dans sa poche, certain que nul n’enfoncera la lourde fermeture, il va et vient dans la maison.
De Naarboveck qui, 'evidemment, s’'etait renseign'e au pr'ealable, 'etait non seulement au courant de ces d'etails, mais savait que ce jour-l`a, comme les jours pr'ec'edents d’ailleurs, comme les jours `a venir jusqu’`a la date du proc`es Fandor, vu l’affluence de curieux, d’avocats, etc., on avait d'ecid'e de donner au gardien un aide et que celui-ci prenait son service `a partir de six heures. Il 'etait six heures pass'ees.
Selon toutes probabilit'es, lorsque les faux avocats frapperaient de l’int'erieur de la prison pour se faire ouvrir la porte communiquant avec l’ext'erieur, ce serait le gardien suppl'ementaire qui viendrait leur livrer passage !
Non sans 'emotion, Naarboveck tapa de son index au judas m'enag'e dans la lourde cl^oture.
Un bruit de verrous retentit, la prison s’entrouvrait, la silhouette du gardien apparut et Fandor r'eprima un soupir de satisfaction : c’'etait un ge^olier qui ne le connaissait pas, c’'etait le remplacant pr'evu, escompt'e !
— Tiens ! s’'ecria celui-ci, en saluant militairement les gens de robe, vous 'etiez donc deux ?…
— Naturellement mon brave, r'epliqua Naarboveck d’un ton prodigieusement calme, votre coll`egue ne voua a-t-il pas pr'evenu que mon secr'etaire m’avait rejoint ?
— J’avais compris qu’il allait venir, fit l’homme, je ne savais pas qu’il 'etait d'ej`a l`a.
Mais le baron de Naarboveck l’interrompait et, avec un gros rire :
— Nous partons ensemble…, quoi de plus naturel ?
— C’est votre droit, grommela l’homme, vous avez fini d’interroger le pr'evenu Fandor ?
Le ge^olier allait entrer dans la prison pour v'erifier si la cellule du prisonnier 'etait bien ferm'ee… Naarboveck l’arr^eta par le bras.
— Mon brave, dit-il en lui glissant une pi`ece d’argent dans la main, nous ne sommes pas en tenue convenable pour sortir dans la rue, et nos v^etements civils sont rest'es au Palais de Justice, faites-nous donc le plaisir d’arr^eter un fiacre que nous prendrons devant l’entr'ee de la cour.
Le ge^olier pr'ec'eda les deux avocats dans la cour et, sur le pas de la porte coch`ere, attendit le passage d’un v'ehicule : Un taxim`etre flaira le client. L’automobile vint se ranger le long du trottoir. En moins d’une seconde, le baron de Naarboveck s’y 'etait pr'ecipit'e avec J'er^ome Fandor, p^ale d’'emotion, et tout en saluant de la main le gardien respectueux qui s’inclinait profond'ement, il jeta au m'ecanicien cette adresse :
— Au Palais de Justice.
***
— Monsieur Fandor, que dites-vous de cela ?
— Ah baron ! comment pourrai-je jamais vous exprimer toute ma reconnaissance, mais, d'esormais, m’expliquerez-vous ?…
De Naarboveck sourit d’un sourire 'etrange et myst'erieux. Prolongeant son silence `a plaisir, il s’amusait `a consid'erer le journaliste dont la stup'efaction ne cessait de cro^itre.
'Echapp'es du Cherche-Midi, le baron et Fandor s’'etaient gard'e d’aller au Palais de Justice. Le taxi-auto d'erout'e avait gagn'e la rue Lepic et s’'etait arr^et'e dans une petite rue d'eserte, devant une maison en ruine, 'eclair'ee de tr`es loin par un bec de gaz vacillant.
Naarboveck avait r'egl'e la course, puis les deux hommes en toges avaient travers'e un petit jardinet inculte et bourbeux.
Ils arrivaient devant un pavillon. De Naarboveck s’y introduisait suivi de Fandor.
Par un escalier en colimacon les deux hommes gravirent un 'etage, puis le diplomate ayant tourn'e un commutateur, le journaliste s’apercut qu’il 'etait avec son sauveur dans un atelier de peintre, vaste et assez 'el'egamment meubl'e. Des rideaux 'epais cachaient une large baie vitr'ee ; le plafond tr`es 'elev'e 'etait `a peine mansard'e. Pour cr'eer cet atelier, on avait d^u r'eunir l’une `a l’autre trois ou quatre pi`eces, car plusieurs colonnes de fer, grosses colonnes de sout`enement, traversaient par le milieu l’atelier, rompant ainsi, assez malheureusement d’ailleurs, l’harmonie de la vaste salle.