L'agent secret (Секретный агент)
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Le policier n’'etait pas sceptique comme le militaire et ne parut point 'etonn'e lorsque celui-ci lui d'eclara que celle que l’on consid'erait comme la fille du baron de Naarboveck se nommait en r'ealit'e Th'er`ese Auvernois.
Cela co"incidait, en effet, avec les pronostics de Juve ; cela expliquait au policier pourquoi la jeune fille allait si r'eguli`erement prier sur la tombe de lady Beltham, car Juve imaginait combien Th'er`ese Auvernois devait avoir de reconnaissance pour la grande dame anglaise qui l’avait recueillie et 'elev'ee.
Cela compl'etait 'egalement les pr'evisions de Juve et si l’inspecteur de la S^uret'e ne l’avouait pas au lieutenant de Loubersac, il ne pouvait s’emp^echer de faire dans son esprit un rapprochement entre ce baron de Naarboveck `a la personnalit'e somme toute 'etrange et l’^etre redoutable, terrifiant `a la poursuite duquel Juve s’acharnait depuis de longues ann'ees : Fant^omas.
Avant son voyage `a Londres, Juve n’avait pas craint d’accuser Wilhelmine d’avoir 'et'e la ma^itresse du capitaine Brocq. Il agissait ainsi dans le but de provoquer une explication, dont il esp'erait tirer quelque lumi`ere, entre la jeune fille et son futur fianc'e. L’explication 'etait survenue. D`es lors, Juve, renseign'e et auquel r'epugnait son odieuse et indigne calomnie, s’empressa de rassurer le lieutenant de Loubersac. Lorsque celui-ci vint l’interroger, il eut plaisir `a lui garantir que Th'er`ese Auvernois 'etait assur'ement la plus honn^ete fille du monde.
L’officier avait 'et'e assez surpris du brusque changement d’opinion de Juve, mais le policier avait envelopp'e cette volte-face de tant d’arguments probants que l’amoureux, qui ne demandait qu’`a avoir confiance, fut vite convaincu.
Toutefois il lui restait `a se r'ehabiliter aupr`es de celle dont il voulait plus que jamais d'esormais faire sa femme, et c’est pour cela, qu’Henri de Loubersac avait sollicit'e une entrevue avec M llede Naarboveck. Les circonstances le servaient. Il arrivait `a un moment o`u la jeune fille 'etait seule, en proie aux plus sombres pens'ees, pr^ete `a d'efaillir de tristesse. Henri de Loubersac, embarrass'e devant elle, sollicitait encore son pardon.
— Ah ! que je regrette, murmura-t-il, les propos brutaux et blessants que je vous ai tenus, Wilhelmine !
La jeune fille, qui rougissait encore d’indignation `a l’id'ee du soupcon dont elle avait 'et'e l’objet, ne cacha point sa col`ere, et sur un ton glacial r'epondit :
— Il se peut, monsieur, que je vous pardonne, mais c’est tout ce qu’il faut esp'erer…
— Ne pourrez-vous donc plus m’aimer jamais ? supplia Henri de Loubersac.
— Non, fit durement Wilhelmine.
— D’ici peu, dit Loubersac, je quitterai Paris : j’ai demand'e mon changement et l’on me fait pr'evoir au minist`ere que je vais ^etre envoy'e en Afrique, aux avant-postes du Maroc. J’emporterai avec moi, Wilhelmine, le souvenir ador'e de votre ch`ere image, et le conserverai vivant dans mon coeur jusqu’au jour o`u le ciel me fera tomber en brave `a la t^ete de mes troupes…
L’officier, en achevant ces paroles, traversait lentement la biblioth`eque et gagnait la porte, accabl'e.
Mais, comme il allait partir, un appel 'etouff'e s’'echappa des l`evres de Wilhelmine :
— Henri.
— Wilhelmine.
Ils tomb`erent dans les bras l’un de l’autre.
***
R'econcili'es pour toujours, les deux jeunes gens faisaient les plus tendres et les plus s'eduisants projets d’avenir. Il 'etait d'ej`a une heure fort avanc'ee de la nuit et les bruits familiers de l’h^otel s’'etaient att'enu'es.
Wilhelmine interrompit soudain la conversation :
— Henri, observa-t-elle sur un ton de reproche, savez-vous qu’il est minuit pass'e ?
— Il me semble que je viens d’arriver.
— Vous allez compromettre votre fianc'ee, cher lieutenant… Imagine-t-on de rester aussi tard chez elle ?
— D’autant qu’elle est toute seule !
— C’est vrai, le baron de Naarboveck n’est pas encore rentr'e…
— Sauvez-vous, sauvez-vous.
— Wilhelmine.
— Henri.
Un long baiser les unit.
34 – UN TOUR DE FANT^OMAS
Fandor songea :
— Soit, je suis pris et je suis condamn'e `a mort. Puisqu’il faut mourir, sachons au moins mourir courageusement.
L’espace d’une seconde il rev'ecut encore les heures de joie, de lutte, d’'energie qu’il avait connues.
Il se rappela son enfance, les sombres myst`eres de sa vie tout enti`ere domin'ee par l’ombre de Fant^omas. Il se souvint, avec une intensit'e plus grande encore que dans son cachot du Cherche-Midi, des incidents de son existence, parce qu’il se souvenait avec cette clart'e d’esprit, cette 'etrange acuit'e que prend la pens'ee des mourants…
— C’est logique, d'eclara-t-il froidement, j’ai lutt'e contre Fant^omas, je suis parfois arriv'e `a mettre ce bandit en 'echec, il fallait bien qu’un beau jour il pr^it sa revanche. C’est lui, je n’en doute pas, qui me tient `a merci en ce moment… j’ai perdu la partie, je paie, je n’ai pas `a me plaindre…
Le journaliste ne voulait pas se rebeller contre le sort cruel. Ce n’'etait pas fanfaronnade de sa part, il lui plaisait d’accepter la mort comme un simple incident de lutte, comme une cons'equence naturelle de la vie qu’il s’'etait faite, volontairement, en engageant la bataille contre Fant^omas…
Et c’'etait avec un sentiment de r'esignation impassible, presque curieuse, que Fandor attendait…
Il attendait la mort ; il attendait ce qui devait arriver fatalement, f'erocement. Il comptait les secondes ; il 'ecoutait le silence lugubre de l’atelier ; il se disait :
— Pourquoi n’est-il pas l`a ? est-ce qu’il esp`ere que je vais avoir peur ? que je vais crier ? que je vais me d'ebattre ? ou bien a-t-il invent'e un long supplice et dois-je agoniser seul ici, dans quelque torture que je n’imagine pas encore ?