L'agent secret (Секретный агент)
Шрифт:
Comme Wilhelmine de Naarboveck paraissait h'esitante, la vendeuse du Paradis des Dansesqui, ce soir-l`a, soumettait `a la jeune fille une s'erie d’'echantillons, poursuivit :
— Les cocardes aux tons vari'es font tr`es bien, mais les noeuds de rubans produisent aussi un effet excellent.
— Mettez-en la moiti'e de chaque…
— Et, quelle quantit'e ? interrogea la vendeuse.
— Oh ! trois cents suffiront, je suppose.
Devant la jeune fille la vendeuse du Paradis des Danses'etalait le reste de son assortiment d’objets de cotillon…
— Nous lancons en ce moment, dit-elle, des bonnets de papier comiques, envelopp'es dans des papillotes ; c’est tout `a fait nouveau et tr`es amusant… Nous avons aussi des petits sachets de poudre de riz…
Wilhelmine de Naarboveck, que semblaient pr'eoccuper bien d’autres soucis que ceux qui consistaient `a choisir des accessoires de cotillon, avec des paroles br`eves et des gestes saccad'es, acceptait ou refusait les offres de la vendeuse. Celle-ci 'etait de plus en plus stup'efaite.
Elle estimait que si on ex'ecutait `a la lettre les ordres de sa cliente, on lui livrerait une s'erie d’objets des plus h'et'eroclites.
La vendeuse, adroitement, en fit l’observation `a Wilhelmine et celle-ci se rendant compte soudain qu’elle avait command'e `a tort et `a travers, se ravisa, r'efl'echit un instant, puis, prenant une derni`ere d'ecision :
— Mon Dieu, madame, d'eclara-t-elle, vous connaissez le cr'edit que mon p`ere, le baron de Naarboveck accorde `a votre maison pour nous fournir un cotillon complet. Or, vous savez mieux que moi ce qu’il faut. Je m’en remets donc `a vous.
La vendeuse d'ecid'ement, semblait devoir ne jamais en finir, l’interrogea encore :
— Bien entendu, mademoiselle, nous faisons des flots de rubans semblables pour vous et votre conducteur de cotillon ? Toutefois, pourriez-vous me dire si ce monsieur est grand ou petit… car il est pr'ef'erable de proportionner la longueur des rubans `a sa taille ?
Wilhelmine, qui jusqu’alors n’avait pr^et'e qu’une attention m'ediocre aux propos de la vendeuse, soudain parut troubl'ee.
H'elas ! le conducteur de cotillon, ce devrait ^etre Henri de Loubersac !
Jusqu’`a ces derniers jours, la jeune fille avait escompt'e l’extr^eme bonheur de pouvoir, au cours de ce bal donn'e par son p`ere, pr'esenter dans son entourage le brillant officier, comme son futur fianc'e.
Mais dans l’intervalle 'etait survenu leur p'enible entretien `a Saint-Sulpice… et le surlendemain, Henri de Loubersac ne conduirait pas le cotillon avec Wilhelmine de Naarboveck, ainsi qu’il avait 'et'e convenu pr'ec'edemment…
— Ma foi, madame, j’ignore la taille de mon danseur, pour cette bonne raison que je ne le connais pas. Pr'evoyez donc un flot de rubans qui puisse aller `a n’importe qui.
La repr'esentante du Paradis des Dansess’'etait retir'ee depuis quelques instants d'ej`a que Wilhelmine de Naarboveck, remont'ee dans la biblioth`eque de l’h^otel, demeurait songeuse.
Wilhelmine qui ne prenait plus d'esormais qu’un int'er^et tr`es relatif `a l’organisation de ce bal dont elle avait attendu tant de joies, se disait, en t^ete `a t^ete avec ses pens'ees, que rien n’est plus d'ecevant au monde que les pr'eparatifs d’une f^ete.
L’h^otel de Naarboveck 'etait r'evolutionn'e de fond en comble par les d'ecorateurs et les 'electriciens : toute l’apr`es-midi on avait entendu frapper des coups de marteau. Les meubles, les objets familiers de la maison 'etalent d'eplac'es, bouscul'es. On avait d'emeubl'e le hall, d'etruit l’intimit'e de la biblioth`eque pour pr'eparer ce bal du surlendemain, ce maudit bal auquel le baron de Naarboveck avait convi'e le Tout Paris.
Wilhelmine de Naarboveck s’'etait tout d’abord vivement int'eress'ee `a cette f^ete.
Le baron la donnait pour consacrer sa situation de diplomate, jusqu’alors en disponibilit'e, mais qui d'esormais rev^etait un caract`ere officiel : le baron de Naarboveck venait d’^etre accr'edit'e en qualit'e d’ambassadeur.
De Naarboveck voulait profiter de la f^ete pour annoncer les fiancailles de Wilhelmine avec le lieutenant de Loubersac. H'elas, ce dernier projet…
Wilhelmine r'efl'echissait, seule dans la biblioth`eque, les yeux fix'es sur une grande enveloppe scell'ee de rouge qui contenait les lettres de cr'eance accr'editant le baron aupr`es du Pr'esident de la R'epublique, lequel devrait, d’ailleurs, ^etre repr'esent'e au bal. Ah ! si les espoirs du diplomate se r'ealisaient, il n’en 'etait pas de m^eme de ceux de la pauvre jeune fille qui voyait un avenir lugubre s’ouvrir devant elle.
Non seulement son coeur avait 'et'e d'echir'e par la brusque rupture avec Henri de Loubersac, mais encore tout semblait craquer autour d’elle. L’intimit'e familiale dont Naarboveck lui avait un moment donn'e l’illusion s’'evanouissait. Sans doute le diplomate, pour ses affaires, 'etait perp'etuellement oblig'e de sortir et Wilhelmine souffrait de cet abandon. Et Bobinette avait disparu.
Wilhelmine fut soudain arrach'ee `a ses r^everies par l’irruption dans la pi`ece d’un domestique qui annonca :
— Monsieur de Loubersac demande si Mademoiselle peut le recevoir ?
— Faites entrer.
Quelques secondes apr`es l’officier se pr'esentait devant la jeune fille. Il p'en'etrait dans la pi`ece la t^ete basse, l’air embarrass'e :
— Vous ici, monsieur ? interrogea Wilhelmine indign'ee.
— Pardonnez-moi.
— Que voulez-vous ?
Le jeune officier avait r'efl'echi. Puis, le coeur tortur'e, il 'etait all'e trouver Juve et tr`es franchement l’avait mis au courant des propos de Wilhelmine.