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L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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La princesse tressaillit. Elle se rejeta au fond de la voiture, cependant qu’Ellis Marshall, par discr'etion, descendait du marchepied sur lequel il 'etait mont'e.

Il y eut un l'eger silence, pendant lequel on entendait les sourds jurons pouss'es par le m'ecanicien, et puis, celui-ci, tout couvert de graisse et de boue, sortit enfin de dessous la voiture :

— On est en panne, madame la princesse.

— Ce sera long ? demanda celle-ci, anxieuse.

— Nous en avons pour deux jours.

Et l’homme s’embarqua dans une explication confuse, compliqu'ee, annoncant qu’il s’agissait d’une rupture de pi`ece, qu’il faudrait remorquer la voiture jusqu’`a l’usine.

Ellis Marshall l’interrompit :

— Je vous emm`ene, madame, dit-il, ma voiture n’est pas confortable comme la v^otre, mais elle est plus rapide, veuillez y accepter une place, demain nous serons arriv'es.

— Demain, savez-vous donc o`u je vais ?

— Parbleu.

Et, comme la princesse esquissait un geste d’incr'edulit'e, l’Anglais prononca tout bas, pour n’^etre entendu que d’elle, ces paroles 'etranges :

— Moi aussi, j’ai des yeux qui savent voir, moi aussi, j’ai des oreilles qui peuvent entendre. Au lieu de marcher l’un contre l’autre, princesse, voulez-vous que nous soyons alli'es ?

La princesse regarda Ellis Marshall franchement :

— Soit, consentit-elle, j’accepte, mais chacun pour soi, n’est-il pas vrai ?

— All right, dit l’Anglais.

2 – L’UNIQUE SOLUTION

Avec un grand fracas m'etallique le train express venant de Paris p'en'etrait en gare d’Angers. Lanc'e `a toute vitesse, le convoi ralentit soudain dans le g'emissement confus des freins bloqu'es.

Ce tapage avait r'eveill'e en sursaut un voyageur 'etendu sur la banquette d’un compartiment de premi`ere classe du wagon `a couloir qui se trouvait en t^ete de l’express de Paris.

Ce voyageur se redressa brusquement, se frotta les yeux et d’une voix 'egar'ee, demanda `a son compagnon de voyage, un homme blond, d’une trentaine d’ann'ees environ, `a la fine moustache, et qui fumait cigarette sur cigarette :

— Fandor, o`u sommes-nous donc ?

— Nous sommes en gare d’Angers, Juve, il est d'ej`a cinq heures du soir et vous dormez comme une souche depuis notre d'epart de Paris… Juve, mon bon ami Juve, je ne suis pas exag'er'ement curieux, mais il n’emp^eche que je voudrais bien ^etre renseign'e sur quelques petits d'etails de nos existences respectives. J’'etais `a peine revenu de Monaco, o`u nous avons v'ecu ensemble des heures qui, pour n’avoir pas 'et'e toujours heureuses, sont n'eanmoins inoubliables. J’esp'erais go^uter un peu de repos. Hier soir, couch'e de bonne heure, je m’endors avec l’intention de me r'eveiller fort tard et de me lever plus tard encore. C’'etait mon droit, pas vrai ? Or, voici qu’au milieu de la nuit, d`es les premi`eres heures du matin, pour mieux dire, vous m’arrachez au sommeil par un de ces coups de t'el'ephone laconiques dont vous avez le secret. Il a fallu me pr'eparer de toute urgence, venir vous joindre `a la gare `a midi vingt-cinq. Entre temps, je devais me munir d’un attirail complet de navigateur : boussole, v^etements imperm'eables, gilets de sauvetage, je ne sais quels accessoires encore, ce que j’ai d’ailleurs fait aux d'epens de ma bourse, entre parenth`eses, s'erieusement 'ecorn'ee. Bien, j’arrive donc `a la gare `a midi un quart, dix minutes avant le d'epart de l’express. Je vous trouve sur le quai, en proie `a une f'ebrile impatience, vous m’agonisez de sottises sous pr'etexte que j’aurais pu manquer le train, vous me poussez dans un compartiment sans que j’aie le temps de prendre le moindre billet, sans m^eme me dire o`u nous allons, et puis, sit^ot que le convoi s’'ebranle, vous vous 'etendez sur la banquette et vous me d'eclarez :

« Maintenant, petit, fiche-moi la paix et laisse-moi dormir, car j’ai pass'e une nuit blanche, et je n’y tiens plus. » Vous reconna^itrez, Juve, que j’ai respect'e votre sommeil, et vous admettrez que, sans ^etre particuli`erement curieux, j’'eprouve un certain d'esir de savoir ce que vous pr'etendez faire de moi et o`u vous me conduisez ? Juve, vous avez la parole.

Lorsque Fandor eut fini, Juve s’'ecria brusquement :

— Angers, m’as-tu dit ? bon, ca va bien.

Et, laissant le journaliste de plus en plus interloqu'e, Juve se pr'ecipita comme un fou par la porti`ere du wagon, descendit sur le quai, traversa la voie qui le s'eparait des b^atiments de la gare, puis se perdit dans l’int'erieur des salles.

Fandor, qui le suivait des yeux, haussa les 'epaules. Puis il murmura simplement :

— Je crois que Juve devient fou.

Le journaliste, r'esign'e `a cette 'eventualit'e, retourna `a sa place, s’enfonca dans son coin, puis il ferma les yeux, jurant d’observer un mutisme absolu jusqu’au moment, proche ou lointain, o`u son compagnon daignerait enfin lui fournir des explications.

L’express de Paris n’allait d’ailleurs par tarder `a repartir en direction de Nantes et de Quimper.

D'ej`a, les employ'es 'emettaient de pressants appels, et Fandor ne voyait toujours pas revenir Juve.

Malgr'e sa r'esolution de demeurer impassible, le journaliste ne pouvait s’emp^echer de redouter que l’inspecteur de la S^uret'e ne manqu^at le train.

— C’est du coup, pensa-t-il, que je n’y comprendrais plus rien.

Et le journaliste n’aurait pas h'esit'e `a descendre de son compartiment si le convoi 'etait parti avant le retour de Juve. Mais, au moment o`u le train allait s’'ebranler, le policier 'emergea du fond de la gare, `a grande allure. Il 'etait temps, l’express roulait d'ej`a.

— Fandor, s’'ecria Juve, dont le visage s’illuminait, lis, mon petit, lis.

Le policier tendait une d'ep^eche au journaliste. Fandor en prit connaissance. Elle 'etait ainsi concue :

Latitude 47,5, longitude 7, 1 1/2. Nord-nord-est, 16 noeuds.

— Eh bien ? fit Fandor.

— Eh bien, r'epliqua Juve, tu ne comprends pas ?

— Ma foi, non.

— C’est vrai, fit-il, en le consid'erant narquoisement, tu ne comprends pas ! D’ailleurs, ce n’est pas ta faute, tu ne peux pas comprendre.

Au surplus, sans plus se pr'eoccuper de fournir des explications, Juve sortit de la poche une carte qu’il 'etalait sur le coussin du wagon. C’'etait une carte des c^otes de la Bretagne. Juve pointait avec un crayon, notait des chiffres dans la marge, faisait des calculs :

— Nous y serons, murmura-t-il, vers une heure du matin.

Puis, il ajouta d’une voix triomphante :

— Nous le prendrons au passage, crois-en ton vieil ami Juve, mon bon Fandor.

— Prendre qui ? quoi ?

Juve, comme s’il sortait d’un r^eve, d'eclarait :

— Prendre le Skobeleff, mon vieux, le prendre d’assaut, ou, pour ^etre plus exact, nous faire admettre `a son bord. Apr`es quoi, nous verrons.

Cette simple d'eclaration 'eclaira subitement l’esprit de Fandor.

— Oui, Fandor, reprenait Juve, tout cela peut para^itre ahurissant, invraisemblable, extraordinaire, et pourtant cela est : nous allons rejoindre le Skobeleff. Le train dans lequel nous nous trouvons nous am`enera `a Quimper, ce soir, vers les onze heures. Une automobile nous attend `a la gare, je l’ai retenue par d'ep^eche. Nous nous rendrons `a la pointe du Raz, l`a, nous aurons une barque `a notre disposition, dans laquelle nous irons au-devant du cuirass'e `a bord duquel se trouve Fant^omas.

Fandor allait r'epondre, mais Juve l’en emp^echa :

— Tu ne sais encore rien, petit, d'eclara-t-il, et nous n’avons pas trop de la fin de la soir'ee pour que je te mette au courant, et que nous discutions aussi de l’attitude qu’il convient d’observer dans l’entreprise folle, je le reconnais, o`u nous nous lancons.

Juve, alors, raconta `a Fandor l’entretien qu’il avait eu la veille avec l’ambassadeur extraordinaire de Russie, le comte Vladimir Saratov.

Fandor, avec la plus grande attention et le plus vif int'er^et, avait 'ecout'e les explications de son ami.

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