L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Juve et Fandor, cependant, parvenaient au pied de la falaise que battaient avec une pr'ecipitation rageuse les lames courtes, toutes couronn'ees de mousse jaune.
Juve poussa un cri de triomphe.
`A demi `a sec sur la gr`eve, une barque `a l’int'erieur de laquelle 'etaient deux avirons. Sur l’ordre formel de la pr'efecture, les douaniers de la c^ote avaient d^u la disposer, ignorant compl`etement `a quel usage les autorit'es la destinaient.
De leurs yeux qui s’'etaient accoutum'es `a l’obscurit'e, Juve et Fandor consid'eraient, un peu interloqu'es, l’ensemble des obstacles qui les entouraient.
De part et d’autre, d’immenses falaises dentel'ees, dans lesquelles le vent qui s’engouffrait r'esonnait avec un bruit sinistre. Puis, c’'etaient par moments des clapotements, comme des cris humains, comme des soupirs que pousseraient des g'eants oppress'es, cependant que de temps `a autre leur succ'edaient des sifflements doux et plaintifs, g'emissements du vent peut-^etre, mais que dans le pays on prend pour le chant des sir`enes.
— Tout cela, fit Fandor, rompant enfin le silence impressionnant, est tr`es pittoresque, mais vraiment ca manque de gaiet'e, et j’estime, Juve, que l’on a bien nomm'e cet endroit en le baptisant du nom d’ « Enfer ». Dante n’aurait pas trouv'e mieux.
— Fandor, interrogea Juve, c’est ici que commence la partie la plus p'erilleuse de notre entreprise, j’ai des scrupules de t’entra^iner, es-tu bien d'ecid'e `a venir ?
— Ah ca ! Juve, fit Fandor de sa bonne voix gouailleuse, est-ce que vous vous fichez de moi ? Vous avez l’intention de faire une promenade en bateau tout seul ?
— Nous risquons le tout pour le tout, dit Juve, tu le sais, Fandor, si nous ne passons pas `a travers ces rochers sans encombre, c’est la noyade assur'ee.
— Mais nous passerons, Juve.
Les deux hommes se turent, mirent la barque `a l’eau. Juve y monta le premier. Fandor s’'elanca ensuite.
`A peine l’embarcation avait-elle pris contact avec l’eau, qu’elle 'etait entra^in'ee par le courant qui la fit tournoyer avec une merveilleuse rapidit'e :
— Luna-Park s’'ecria Fandor.
Mais Juve, cependant, poussait un soupir de satisfaction. Les rochers, que peut-^etre ils n’auraient pas pu 'eviter si, marins inhabiles qu’ils 'etaient, ils avaient dirig'e leur barque, 'etaient d'esormais franchis.
— Vous savez, fit Fandor, que nous l’avons 'echapp'e belle.
— J’te crois, mon petit, d'eclara Juve.
Le policier poussa un
Au risque de la faire chavirer, il s’'etait mis debout dans l’embarcation et d'esignait au loin un point lumineux, 'emergeant d’une masse sombre qui faisait tache sur l’horizon.
— Le Skobeleff, s’'ecria-t-il. Nous sommes exacts au rendez-vous.
Les deux hommes se pr'ecipit`erent sur les avirons pour se rapprocher de la direction dans laquelle venait un grand navire.
— Et alors, Juve ? interrogea Fandor, quel doit ^etre d’apr`es vous, le d'enouement de notre entreprise ?
— Oh, c’est bien simple, conclut le policier. Quand nous serons `a courte distance du Skobeleff, nous nous jetterons `a l’eau, nous chavirerons notre barque et, sur celle-ci renvers'ee, nous nous maintiendrons tant bien que mal, en criant de toutes nos forces pour attirer l’attention de l’homme de vigie. On nous entendra, on nous verra, on nous recueillera comme des naufrag'es que nous serons. Une fois `a bord, on s’expliquera.
— Bravo, Juve, c’est magnifique, s’'ecria Fandor, voil`a un plan superbe et qui ne m’'etonne pas de vous. Permettez-moi une petite objection toutefois : si l’homme de vigie ne nous apercoit pas, si le Skobeleff passe `a c^ot'e des pauvres naufrag'es que nous serons sans leur porter secours, qu’adviendra-t-il alors de nous ?
— Ma foi, fit Juve, je t’avoue n’avoir point envisag'e cette possibilit'e.
3 – LE « NOUVEAU » COMMANDANT
— Beau temps, lieutenant Alexis.
— Vous avez raison, docteur, un tr`es beau temps. Et j’ajoute que c’est de la chance. Dans ces parages, une simple brume serait inqui'etante.
Le jeune officier de marine s’interrompit quelques secondes, puis reprit :
— Vous savez que nous passons par le raz de Sein et la baie des Tr'epass'es.
— Ah.
— Ceci n’a pas l’air de vous impressionner ?
— Ma foi, non, lieutenant, pourquoi, d’ailleurs, voudriez-vous que je m’occupe de la route que nous suivons ? C’est votre affaire, et non la mienne.
— D’accord, mon cher docteur, mais…
— Mais, quoi ?
— Ainsi, mon cher ami, vous n’avez nulle 'emotion `a penser que nous c^otoyons la baie des Tr'epass'es ?
— Mais non, encore une fois. Pourquoi ?
— Vous ne trouvez pas ce chemin dangereux ?
— Ah c`a, lieutenant Alexis, depuis ce matin, vous parlez tout le temps de chemins dangereux, de r'ecifs, de courants ? Le Skobeleff n’est-il pas un bon et solide navire, et notre commandant…
— Notre nouveau commandant, docteur…
— Sans doute. Notre nouveau commandant n’est-il pas s^ur de sa manoeuvre ?
Mais l’attitude du jeune lieutenant, comme le docteur r'ep'etait ces mots : « Notre nouveau commandant » 'etait si 'etrange, que le m'edecin s’interrompit puis ajouta :
— Lieutenant Alexis, vous ^etes, ce matin, bien nerveux. Allons, vous n’allez pas me faire croire que vous ajoutez foi aux stupides racontars qui circulent `a bord, depuis notre d'epart de Monaco ?
Peut-^etre le lieutenant Alexis aurait-il, tout au contraire, r'epondu qu’il ajoutait grande confiance `a ce que le m'edecin du bord appelait des « racontars », si un troisi`eme interlocuteur n’'etait venu rejoindre les deux amis.