L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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« Le Skobeleff signal'e quelques heures auparavant au sud de la Bretagne allait 'evidemment passer `a proximit'e de Brest et peut-^etre, s’il n’y faisait pas halte, y demanderait-il du charbon. Il s’agissait de s’en assurer et, dans l’affirmative, de s’efforcer de joindre le vaisseau russe s’il faisait escale.
C’est pourquoi ils 'etaient partis pour Brest.
Leur apr`es-midi se passa `a parcourir les nombreux bureaux maritimes du grand port de guerre. Ellis Marshall, fort au courant des usages de la navigation, se renseignait adroitement : le Skobeleff n’avait fait aucune demande de charbon. Toutefois, on avait signal'e son passage `a la pointe du Raz dans la nuit, puis, dans l’apr`es-midi, au cap de la Ch`evre. Ces deux pointes 'etant tr`es peu distantes l’une de l’autre, il 'etait 'evident que le Skobeleff marchait `a tr`es vive allure et qu’il devait de temps en temps stopper en mer.
Vers six heures du soir, Ellis Marshall et Sonia Danidoff, install'es, en bons touristes qu’ils avaient l’air d’^etre, `a l’int'erieur d’un caf'e, discutaient, la carte sous les yeux, des mouvements probables du Skobeleff.
— Il est 'evident, disait Ellis Marshall, qu’il sera dans quelques heures aux environs de la pointe Saint-Mathieu.
Sonia Danidoff approuvait. Ellis Marshall poursuivit :
— C’est l`a sans doute qu’il faudrait nous rendre, mais comment proc'eder pour atteindre le navire ?
Sonia Danidoff avait un petit sourire myst'erieux :
— Ceci, d'eclara-t-elle, me regarde et je ferai le n'ecessaire, soyez-en certain. Tout ce que je vous demande, mon cher Ellis Marshall, c’est de m’amener `a cette pointe Saint-Mathieu dans le plus bref d'elai.
***
Il 'etait dit que les deux agents myst'erieux de l’Angleterre et de la Russie ne parviendraient pas `a accomplir paisiblement leur voyage.
Apr`es leur conversation au caf'e, Ellis Marshall s’en 'etait all'e d'ecouvrir un loueur de voitures. C’est en vain qu’il avait cherch'e `a se procurer une auto, il n’avait pu y r'eussir. En revanche, on lui avait trouv'e une voiture attel'ee, et le cocher assurait qu’il lui fallait deux heures `a peine pour se rendre `a la pointe Saint-Mathieu.
Apr`es un rapide d^iner, Ellis Marshall et Sonia Danidoff avaient pris place dans ce v'ehicule et on 'etait parti `a travers la r'egion aride et montagneuse qui s'epare Brest de l’extr'emit'e nord du Finist`ere.
Le temps avait chang'e. Aux rafales d’un vent violent succ'edait une pluie lourde et froide, la brume montait.
Depuis trois heures d'ej`a, ils roulaient, cahot'es dans de mauvaises routes lorsque Sonia Danidoff se d'ecida `a interroger le conducteur.
— Ah ca, dit-elle, mon ami, o`u nous conduisez-vous ?
— Mais, madame, `a la pointe Saint-Mathieu ?
— Nous devrions y ^etre arriv'es depuis une heure d'ej`a. ^Etes-vous bien s^ur de votre chemin ?
Le brave homme qui pilotait le v'ehicule courba les 'epaules et, d’un air confus, avoua :
— Eh bien, pour tout vous dire, monsieur, madame, je sais plus tr`es bien o`u j’suis. Avec ce brouillard, j’ai d^u me tromper de parcours.
Sonia Danidoff et Ellis Marshall, `a la lueur falote d’une lanterne, 'echang`erent un regard m'econtent.
Le cocher cependant s’efforcait de leur faire reprendre espoir :
— Je suis, fit-il, sur la mauvaise route et je ne pourrai pas vous conduire `a la pointe, sans faire un grand d'etour, mais si vous ^etes press'es d’arriver, prenez donc le petit sentier `a droite. Une demi-heure de marche et vous arrivez au pied du phare, dont vous voyez la lueur `a travers le brouillard.
Assur'ement, le brave cocher ne tenait pas `a conserver plus longtemps ces 'etranges clients.
Cependant qu’Ellis Marshall bouillait d’impatience et se demandait ce qu’il convenait de faire.
— Eh bien, dit Sonia, puisqu’on ne veut plus nous conduire en voiture, suivons notre chemin `a pied.
La demi-heure de marche annonc'ee s’allongea d’une seconde demi-heure, puis d’une troisi`eme. Il 'etait `a ce moment onze heures du soir et les deux marcheurs acharn'es s’arr^et`erent. Ils arriv`erent `a la lisi`ere d’un bois, dans un champ labour'e, transis par l’humidit'e, tout macul'es de boue. Ils s’'etaient irr'em'ediablement perdus.
La princesse Sonia Danidoff n’avait plus sa belle assurance. Maintenant elle suppliait Ellis Marshall :
— Je vous en prie, mon ami, fit-elle, trouvons un abri quelconque, une chaumi`ere, une cabane, n’importe quoi, je n’en puis plus.
— Et moi, donc, princesse, je suis ext'enu'e.
Le baronnet contournait pendant quelques instants la lisi`ere du bois. Soudain, il poussa une exclamation de surprise :
— Princesse, fit-il, une lumi`ere et une maison.
Les deux malheureux pi'etons, rassemblant leurs derni`eres forces, s’avanc`erent dans la direction indiqu'ee par Ellis Marshall.
Avant de frapper, avant d’essayer de se faire ouvrir, l’un et l’autre jetaient un rapide coup d’oeil sur l’ext'erieur de la maison : une construction importante, comportant un grand corps de b^atiment, des tourelles, des cr'eneaux, de nombreuses fen^etres.
Le bruit de la clochette retentit longuement, se r'epercutant sous les vo^utes lointaines de la demeure en 'echos prolong'es. Puis ce fut un silence, ensuite un bruit de pas furtifs se rapprochant de plus en plus.
Une voix interrogea :
— Qui va l`a. Qui ^etes-vous ?
— Nous sommes 'egar'es dans la nuit. Nous cherchons du secours. Ouvrez-nous, pour l’amour de Dieu.
L’ombre qui avait interrog'e s’'etait recul'ee. On entendit des chuchotements `a l’int'erieur de la maison. Allait-on leur venir en aide ?
Enfin, la porte s’ouvrit. Une petite bonne en costume breton apparut. Elle s’effaca pour laisser entrer les deux voyageurs. Ceux-ci se trouv`erent dans une salle basse, tout en pierre. `A peine y p'en'etraient-ils, qu’ils voyaient tout au fond de la pi`ece se profiler la carrure 'enorme d’un robuste gaillard qui s’'eclipsa aussit^ot.