L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Indiff'erent au bouleversement des choses, Juve atteignit enfin la serviette de maroquin. Ses doigts crisp'es s’incrust`erent dans le cuir, cependant que, pour retenir Fandor, il mordait `a pleines dents le collet du veston du journaliste.
Et alors, avec l’instantan'eit'e des catastrophes, la cabine o`u demeuraient prisonniers les deux amis 'etait d'efonc'ee par une 'enorme lame, une douche d’eau crevait les murailles, enlevait la fragile prison des deux hommes.
Sans m^eme en avoir conscience, tandis que le Skobeleff, 'eventr'e par un r'ecif, coulait, Juve et Fandor, balay'es par la houle 'etaient jet'es `a l’eau, roul'es par le courant, entra^in'es dans la mer disparue sous la brume.
6 – UN CADAVRE MAQUILL'E
Entre la mer et le haut de la falaise, deux ^etres fuyaient la pointe Saint-Mathieu. Jean-Marie l’'equarisseur et Fleur-de-Rogue, la farouche fille d’Ouessant.
— Jean-Marie, disait Fleur-de-Rogue, voici le jour qui se l`eve, c’est l’heure de nous en aller, il ne faut pas rester longtemps dans leur voisinage.
— Penses-tu que les gendarmes oseraient se risquer ici, pour venir nous cueillir ?
— Non, c’est la mer qui m’effraie. Vois-tu par le large, comme elle est grise et moutonneuse, s^ur qu’elle m'edite encore un mauvais coup. L’affaire de cette nuit n’a pas d^u lui plaire, et aussi vrai que je suis ici, je suis certaine qu’elle se vengera. 'Ecoute comme elle gronde, et puis, vois donc, vois donc l`a-bas ?
D’un geste terrifi'e, la farouche Bretonne montrait un paquet lourd qu’une lame agonisante 'etait venue jeter sur un petit rocher : c’'etait un cadavre, encore un, dont l’Oc'ean ne voulait pas, encore une victime du naufrage du Skobeleff, que la mer restituait `a ses auteurs.
— Allons nous-en, dit Fleur-de-Rogue, j’ai peur.
Jean-Marie n’'etait pas rassur'e non plus.
Fleur-de-Rogue savait o`u retrouver les autres membres de la bande qui, apr`es le naufrage, s’'etaient 'eparpill'es comme une vol'ee de corbeaux.
Quant `a Jean-Marie, il s’'etait d'ecid'e `a regagner le manoir de Kergollen.
L’apache-'equarrisseur avait 'et'e embauch'e par Dame Brigitte, en qualit'e de jardinier, il occupait l`a un poste facile, 'etait ignor'e des gens de la ville, passait inapercu aupr`es de la police et cela lui convenait `a merveille.
Dame Brigitte, au surplus, et les deux h^otes qu’elle avait recueillis la veille au soir, avaient d^u passer une nuit pleine d’inqui'etude.
Peut-^etre convenait-il pour Jean-Marie d’aller s’en enqu'erir et de leur fournir, avec la plus parfaite hypocrisie, des renseignements de t'emoin oculaire ?
Mais, soudain, Jean-Marie fit un brusque 'ecart, et se dissimula derri`ere un tronc d’arbre. Il venait de voir sortir de la propri'et'e, un homme en uniforme.
Or, la seule vue de l’uniforme troublait toujours l’'enigmatique jardinier du manoir de Kergollen.
L’uniforme 'etait sombre, orn'e d’un galon d’or, la tenue d’un officier de marine : ce doit ^etre un naufrag'e du Skobeleff, se dit l’amant de Fleur-de-Rogue.
Visiblement, l’officier russe cherchait `a passer inapercu.
C’'etait un tout jeune homme de dix-huit `a vingt ans au plus. Son visage imberbe 'etait d’une beaut'e r'eguli`ere, il avait un teint de p^eche, encore qu’un peu h^al'e par l’air de la mer.
Curieux de sa nature, Jean-Marie remit `a plus tard le moment de rentrer au manoir et suivit des yeux la promenade h'esitante de l’officier. Celui-ci portait sous le bras un gros paquet de linge. Pourquoi ?
Apr`es plusieurs all'ees et venues incertaines, il finit cependant par p'en'etrer dans une chaumi`ere en ruines, isol'ee au milieu de la falaise.
Jean-Marie h'esitait `a s’approcher de cette masure, car il lui aurait fallu traverser un terrain d'enud'e.
Mais, de loin, il attendait, se disant que l’officier, sans doute, ne tarderait pas `a sortir.
Au bout d’un quart d’heure, quelqu’un sortit de la cabane. Mais ce n’'etait plus un officier ni m^eme un homme, c’'etait une femme.
La femme disparut, on ne vit plus d’officier, et Jean-Marie ne conserva que le souvenir d’une jupe, celle de la petite Naick, servante de Dame Brigitte.
Mais il 'etait temps de regagner le manoir.
`A peine, toutefois, Jean-Marie eut-il disparu derri`ere un repli de terrain que du c^ot'e oppos'e `a la falaise arrivait un homme marchant `a grands pas. V^etu de noir, sur ses 'epaules un long manteau drap'e `a l’espagnole. Le visage dissimul'e sous un grand feutre noir, et quiconque aurait vu se profiler sur l’horizon cette silhouette imposante, n’aurait pu retenir un cri d’effroi. Cet homme ne pouvait ^etre que Fant^omas.
L’insaisissable bandit s’'etait-il donc 'echapp'e du naufrage du Skobeleff ?
Ses v^etements 'etaient secs et propres. Le monstre avait donc dans le voisinage un asile secret, un domicile ignor'e de tous, o`u il avait pu, alors que ses compagnons se d'ebattaient dans les flots, prendre quelque repos et r'econfort ?
Fant^omas, sans souci de se faire apercevoir ou remarquer, longea le bord de la falaise, souriant. C’est que Fant^omas pensait que parmi ces morts, ainsi ballott'es au gr'e des flots, se trouvaient ses deux implacables ennemis : Juve et J'er^ome Fandor.
Fant^omas, cependant ramassait quelque chose et le consid'erait avec anxi'et'e. C’'etait une casquette d’officier, la coiffure d’un aspirant de marine.
Qu’'etait-il donc advenu d’H'el`ene ? La malheureuse jeune fille dont Fant^omas n’avait plus de nouvelles depuis l’explosion du navire avait-elle p'eri dans les flots ?
— Ah, si cela 'etait, gronda Fant^omas.
Et le bandit serrait le poing, menacant de sa terrible vengeance quelque invisible ennemi. Mais non, et il poussa un cri de joie. Il venait de retrouver les restes de l’uniforme, et d`es lors la lumi`ere avait jailli : sa fille 'etait sauv'ee. C’'etait elle qui avait volontairement abandonn'e ce costume compromettant pour son sexe, elle avait d^u trouver d’autres v^etements, puis, toujours d'esireuse de fuir son p`ere, elle avait disparu encore. Mais que lui importait ? Le bandit songeait :