L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Laquelle, Juve, grand Dieu ?
— Eh, parbleu, Fandor, nous enfermer dans la cabine o`u 'etait ce document, couler le navire, nous faire noyer dans une pi`ece o`u, fatalement, on nous retrouverait, nous, Francais, `a c^ot'e de ce portefeuille diplomatique. Tu vois ca d’ici ? le scandale qui en r'esultait ? l’accusation qui pesait sur notre pays, d’avoir volontairement coul'e le Skobeleff ?
***
— C’est invraisemblable, dit Fandor.
Atterr'es, les deux amis continuaient `a regarder autour d’eux cette petite chambre dont ils ne s’'etaient absent'es que le temps d’aller au Palais de Justice et d’en revenir, et o`u, maintenant, r'egnait un superbe d'esordre.
— Regarde, dit Juve, on a fouill'e partout, partout, m’entends-tu ? Il n’y a pas besoin d’^etre grand clerc, m^eme, pour s’apercevoir que l’on a pass'e des aiguilles `a travers notre matelas.
— D'emont'e la commode.
— Sond'e les lames du parquet.
— Retourn'e nos oreillers.
— Et nos traversins.
— C’est mieux qu’une fouille, Juve, c’est une perquisition. Bougre de bougre, qui diable a pu ainsi trouver moyen de p'en'etrer dans notre chambre ? qui diable a voulu s’assurer que nous ne cachions rien ? Ne croyez-vous pas qu’Ellis Marshall ou Sonia…
— Non, tu te trompes. Certes, ni Sonia, ni Ellis, pour rattraper le portefeuille, ne se feraient scrupule de s’introduire chez nous, de tout bouleverser. Mais enfin ce sont des agents diplomatiques, ils s’arrangeraient certainement pour ne pas laisser de traces.
— Alors, qui, Juve ?
— Mais Fant^omas, parbleu. Si r'eellement Fant^omas se doute que nous avons le portefeuille, si r'eellement il a eu connaissance de notre sauvetage, ce qui n’'etait pas difficile, et du sauvetage de ce terrible document, dans les quatre jours qui nous restent `a vivre avant que nous remettions le portefeuille rouge au prince Nikita, nous devons nous attendre aux pires catastrophes.
— Eh bien, Juve ? en avant pour les catastrophes. Voil`a dix ans que nous nous d'ebattons dans les luttes les plus insens'ees, au milieu des p'erils les plus caract'eris'es, que diable, nous n’en sommes plus `a 'economiser quatre jours d’aventures ?
***
`A midi et demi, apr`es un bon d'ejeuner qu’ils avaient arros'e d’un vin d’excellente qualit'e, Juve et Fandor se retrouvaient, assis dans le jardinet formant la cour du petit h^otel o`u ils 'etaient descendus.
Mais tandis que Juve, une heure auparavant, 'etait silencieux, un peu sombre, alors que Fandor 'etait de bonne humeur, suivant son habitude, c’'etait exactement tout le contraire aujourd’hui. Juve plaisantait et Fandor boudait.
— Mon petit, expliqua le policier parlant `a haute voix, n’ayant nullement l’air de redouter que l’on entend^it ses paroles, mon petit, il faut se faire une raison. Puisque nous avons 'et'e assez heureux pour sauver le portefeuille rouge du naufrage du Skobeleff, il faut que nous employions tous les moyens possibles pour arriver `a voyager avec lui jusqu’`a Paris sans nous exposer `a ce qu’on nous l’enl`eve. Voyons, que proposes-tu ? O`u cacher le portefeuille ?
— Que diable, vous ^etes fou de parler ainsi Juve ? Voil`a que vous criez maintenant `a tous les 'echos que nous d'etenons le portefeuille ? Ah c`a, vous n’avez donc pas apercu Ellis Marshall et Sonia qui d^inent sous cette tonnelle, `a moins de cinq m`etres de nous et qui certainement ne perdent pas de vue un seul de nos mouvements ? Vous voulez donc que nous ayons tout le monde `a nos trousses ?
— Peu nous importe, va. Nous serons bien assez malins pour d'ejouer leur poursuite, et puis, d’abord, l`a n’est pas la question. Comment proposes-tu de faire voyager le portefeuille rouge ? R'eponds.
— Eh bien que diriez-vous de cette proposition : cacher cette maudite serviette de maroquin dans un train ? Nous prendrions le train suivant.
— On fait d'erailler un train, Fandor.
— Alors, si nous fr'etions une automobile ?
— Encore plus sot, Fandor. Une automobile a des pannes, br^ule. Trouve autre chose.
— C’est difficile. Tiens, au fait, pourquoi n’enverrions-nous pas le document par la poste ?
— Parce que l’on vole `a la poste.
— Vous avez raison. Mais vous ^etes bien difficile. Que proposez-vous, vous ?
Juve d'ecid'ement avait compl`etement perdu ses habitudes de prudence. Ostensiblement et alors qu’il savait les deux agents Sonia et Ellis Marshall embusqu'es `a quelques pas de lui, il tira de sa poche le fameux portefeuille rouge.
— Mon petit Fandor, la meilleure cachette que je connaisse la voici : le portefeuille est dans ma poche. Il y restera jusqu’au moment o`u je le remettrai au lieutenant prince Nikita. J’imagine qu’on ne me le prendra pas `a mon insu. D’ailleurs, pour plus de s^uret'e et pour occuper les quatre jours qui nous s'eparent du moment o`u nous pourrons nous en d'ebarrasser, Fandor : voyageons `a petite journ'ee. Ce soir allons coucher `a Morlaix. Demain nous irons un peu plus loin.
Le policier soudain, 'eclata de rire :
— Ma foi, Fandor, continua Juve, – mais maintenant le policier parlait `a voix basse, – je crois que nous avons merveilleusement jou'e notre com'edie. Tu entends ce ronflement de moteur ? Il y a gros `a parier que c’est la voiture de Sonia et d’Ellis Marshall qui d'emarre. Quand j’ai dit :
— Qu’ils ne nous enl`everont pas.
— Et pour cause.
Puis Juve, amicalement, pressa Fandor :
— Et maintenant, mon petit, allons acheter quelques v^etements de rechange, une valise et filons tout droit sur Morlaix, comme je te le disais tout `a l’heure.
8 – DEUX MONSTRES
Un bruit de pas, un froissement d’herbe, quelques grognements sourds, le bruit d’une lutte rapide dans l’ombre, puis soudain la lueur blafarde d’un rayon de lune percant la dentelure des ruines de la cath'edrale gothique 'edifi'ee jadis sur la pointe Saint-Mathieu.
Deux hommes se trouvaient en pr'esence, ils haletaient l’un et l’autre. Ils venaient de se battre.
Ces deux hommes 'etaient seuls dans la nuit et celle-ci se poursuivait, froide, sombre, silencieuse ; au large, la mer s’'etait calm'ee. On n’entendait plus que le bruit discret et monotone des vagues longues et nonchalantes d'eferlant au loin.
Les deux hommes s’examinaient sans songer `a reculer ou `a avancer d’un pas. Farouches, mais autant l’un d’eux paraissait lourd, vulgaire, robuste, massif, autant l’autre avait une apparence fine, distingu'ee, 'el'egante et majestueuse.