L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Juve, dit Fandor, si vous voulez vraiment 'etudier la construction de ce viaduc, allons l’admirer par en bas, mais ne me faites pas grimper au sommet.
— Fandor, tu es le dernier des idiots, dit Juve.
Dix minutes plus tard, les deux hommes atteignaient la petite gare de Morlaix, et Fandor ne fut pas m'ediocrement 'etonn'e de voir Juve, le plus gravement du monde, prendre deux billets de troisi`eme pour la station la plus proche.
— Partons-nous donc ? se demandait Fandor.
Pas du tout.
— Mon petit Fandor, dit Juve, nous sommes ici, sur le quai de la gare, `a quelque chose comme `a une vingtaine de m`etres du commencement du viaduc. Attention `a la manoeuvre. Profite du moment o`u les employ'es auront le dos tourn'e, glisse-toi le long de la voie, va-t’en jusqu’au milieu du viaduc, je t’y rejoins…
Peu apr`es, en effet, Juve et Fandor se retrouvaient, perdus dans la nuit au milieu du viaduc, et tous deux s’accotaient `a la balustrade, regardant, saisis d’admiration, le panorama sous leurs yeux.
— Est-ce assez joli, dans la nuit commencante, l’aspect de cette petite ville, mal 'eclair'ee, d’ailleurs, et de ces maisons qui semblent tass'ees les unes sur les autres et o`u clignotent de vagues lueurs.
— Ma foi, Juve, je ne vous connaissais point si po'etique. Bigre de bigre, est-ce vraiment pour admirer Morlaix endormie que vous m’avez fait monter ici ?
— Non, avoua-t-il, nous sommes ici, mon petit, pour examiner notre chambre `a coucher.
— Notre chambre `a coucher, Juve ?
— Parfaitement. Fandor, tu n’es pas surpris que nous soyons arriv'es sans encombre jusqu’ici ?
— Si Juve, j’en suis surpris. Mais je ne vois pas quelles conclusions vous pouvez en tirer ?
— Raisonne un peu, Fandor. Si ni Fant^omas, ni Ellis Marshall, ni Sonia Danidoff n’ont trouv'e bon de nous attaquer sur la route, crois-tu que nous devions en conclure qu’ils ont renonc'e `a s’emparer du portefeuille ?
— Non, certes.
— Eh bien, alors, Fandor, tu devrais te dire ceci : c’est qu’ayant 'evit'e les embuscades de jour, nous avons grande chance de subir des embuscades de nuit. Si je t’ai amen'e ici, au viaduc, c’est parce que de ce viaduc nous voyons parfaitement notre h^otel qui est situ'e juste au-dessous de nous, et que, voyant notre h^otel, tiens, l`a, pr`es de la rivi`ere, nous apercevons aussi les fen^etres de notre chambre, ce qui va nous permettre d’^etre aux premi`eres loges pour voir comment nos affaires vont ^etre fouill'ees tout comme elles l’ont 'et'e `a Brest. Et ils n’ont pas perdu de temps. Regarde sur le toit de notre h^otel…
***
Juve et Fandor avaient `a peine quitt'e l’auberge o`u ils avaient d'epos'e leur valise, qu’une luxueuse automobile s’'etait arr^et'ee devant le petit h^otel.
Deux personnages en descendirent qui, apr`es avoir donn'e leurs instructions `a leur chauffeur, p'en'etr`erent dans la maison.
— Monsieur l’h^otelier, criait avec un fort accent anglais, l’un des voyageurs.
Et comme celui-ci accourait, fort 'emu d’avoir `a loger d’aussi riches clients, le m^eme 'etranger continuait :
— Avez-vous, monsieur l’h^otelier, une chambre disponible pour mo^a ?
— Une chambre `a deux lits ?
— Non, une chambre seulement pour mo^a.
— Et une autre pour moi, alors, s’empressa d’ajouter la jeune femme en souriant.
— Alors, c’est deux chambres qu’il vous faut ? demanda l’aubergiste, je n’en ai plus qu’une. Justement, je viens de recevoir deux pauvres bougres qui m’ont pris l’autre. Si j’avais su que vous veniez.
— Eh bien, mettez-nous tous les deux dans la m^eme chambre, dit la jeune femme, on s’arrangera.
— C’est un peu choquant, commenca l’Anglais.
— Bah, laissez donc, dit la jeune femme, vous ^etes toujours, mon cher Ellis, `a vous pr'eoccuper d’un tas de questions protocolaires qui sont v'eritablement d'eplac'ees dans la situation o`u nous nous trouvons. Prenons une chambre en commun, que diable, vous verrez bien ce qui arrivera.
— Honni soit qui mal y pense, reprit l’Anglais, monsieur l’h^otelier, conduisez madame et mo^a dans la chambre que vous avez.
Le brave homme e^ut 'et'e bien autrement surpris s’il avait pu voir ce que, `a peine la porte referm'ee sur lui, entreprenait la remuante jeune femme, qui, de force, avait conquis droit d’asile dans la chambre de l’Anglais.
— Ellis, ordonnait en effet Sonia Danidoff, tout shocking que cela peut vous sembler, il convient que j’enl`eve ma robe pour ^etre plus libre de mes mouvements. Ne vous inqui'etez pas. J’ai des dessous qui n’offusqueront en rien votre pudeur.
Tout en parlant, la jolie Sonia Danidoff se d'epouillait en h^ate pour appara^itre tr`es sobrement v^etue d’un jupon noir, d’une chemisette noire, v^etements tr`es ajust'es qui ne devait aucunement g^ener ses 'evolutions.
— Ellis, continuait ia jeune femme en frappant sur l’'epaule de son compagnon, qui, de plus en plus pudique, avait trouv'e bon de se mettre lui-m^eme en p'enitence, tournant le dos et regardant fixement le mur, Ellis, il s’agit maintenant de ne plus perdre un instant. Vous avez vu la disposition des lieux et l’endroit o`u se trouve la chambre de Juve et de Fandor ? Croyez-vous qu’ils soient chez eux ?
— Possible, Sonia, ma ch`ere, le contraire aussi.
— Eh bien, Ellis, il faut nous en assurer. Comment, monter sur le toit ? Ah, au fait, prenez donc ca.
Elle venait d’arracher `a la toilette une petite glace ovale.
— Prenez cette glace, r'ep'etait Sonia, tendant le miroir `a l’Anglais 'ebahi, et maintenant, suivez-moi.
'Ebahi, Ellis l’'etait. Il n’en suivit pas moins la princesse. Le couloir de l’auberge 'etait vide.
— Il doit y avoir un grenier.
Sonia trouva une 'echelle accroch'ee `a la muraille, juste au-dessous d’une trappe :
— Dressez ca, commanda-t-elle, allons, d'ep^echez.
— Vous pr'etendez aller sur les toits ? Ce n’est pas sur les toits que se trouve le portefeuille rouge.
Sonia ne r'epondit rien. Elle venait de monter `a l’'echelle, avait soulev'e la petite trappe qui la mettait en communication avec le couloir, et l`a, elle se livrait `a une 'etrange manoeuvre. Sonia accomplissait le tour complet du toit. La jeune femme arriva de la sorte au-dessus de la fen^etre de la chambre de Juve et de Fandor. Se couchant alors sur les tuiles de la toiture, Sonia arracha la petite glace des mains de l’Anglais. `A bout de bras, elle la tendit alors devant la fen^etre et, de la sorte, dans le miroir, elle apercut l’int'erieur de la pi`ece.