L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Jean-Marie, tout en ayant l’air furieux, 'etait en r'ealit'e au comble de la satisfaction.
— Voil`a, songeait l’ignoble apache, j’ai tenu ma promesse. Le Ma^itre sera content. J’ai retrouv'e sa fille. Je l’ai fait arr^eter. Il la reprendra quand il voudra. Et puis j’ai vu du sang, du beau sang rouge. Le sang de cet imb'ecile de journaliste.
13 – MYST`ERES ET PR'ECAUTIONS
Le train n’avait qu’une demi-heure de retard, et lorsqu’il vint se ranger le long du quai d’arriv'ee, `a la gare Montparnasse, un homme en descendit pr'ecipitamment. Bien qu’il par^ut tr`es pr'eoccup'e de regarder fixement devant lui l’employ'e portant sa valise, il jetait n'eanmoins de furtifs coups d’oeil, `a droite et `a gauche, sur les voyageurs qui comme lui descendaient de ce train, lequel pour arriver de Rennes `a Paris avait roul'e pendant une bonne partie de la nuit.
Descendu, le voyageur sortit place de Rennes, h'ela un taxi-auto, et d’une voix claire et nette, bien timbr'ee qui pouvait ^etre entendue des passants, il jeta au conducteur une adresse :
— Rue de la Banque.
Le v'ehicule d'emarrait aussit^ot, et conduisait son client `a l’endroit indiqu'e.
Le voyageur, alors descendit sa valise, mais garda le v'ehicule : il alla d'eposer son colis sous la vo^ute d’un immeuble, puis revint parler au m'ecanicien et cependant qu’il lui glissait le prix de sa course, augment'ee d’un bon pourboire, dans la main, il lui ordonnait `a voix basse :
— Vous allez rester ici m’attendre pendant dix bonnes minutes, apr`es quoi vous serez libre de vous en aller.
Le voyageur, alors, entra sous la vo^ute, traversa la cour int'erieure de la maison, s’introduisit dans un petit couloir et comme quelqu’un qui est fort au courant de la disposition des lieux, il ne tardait pas `a gagner la cour int'erieure d’une maison mitoyenne dont la facade donnait sur la rue Notre-Dame-des-Victoires.
Sous la vo^ute de cette deuxi`eme maison, dans laquelle personne ne se trouvait, le voyageur `a la valise profita de sa solitude pour, d’un geste brusque et certainement inattendu, arracher la barbe qui encadrait son visage ; et les traits d’un homme glabre alors apparurent, au visage 'energique.
Ce voyageur n’'etait autre que Juve.
Si le policier prenait de telles pr'ecautions pour dissimuler son itin'eraire, c’est qu’il redoutait 'evidemment d’^etre suivi, fil'e et peut-^etre m^eme attaqu'e.
Juve, lorsque la veille au soir, il avait quitt'e Fandor `a la gare de Morlaix pour prendre l’express de Paris, s’'etait bien gard'e de fermer l’oeil pendant toute la nuit. Il avait ses raisons pour redouter une agression, si audacieuse f^ut-elle, dans le cas, vraisemblable d’ailleurs, o`u Fant^omas aurait suivi sa trace.
Le policier savait qu’il fallait s’attendre `a tout de la part du bandit.
Et, s’il avait agi avec une semblable prudence, se faisant conduire rue de la Banque, `a un immeuble qu’il connaissait pour avoir deux issues, s’il avait dit au m'ecanicien du taxi de l’attendre dix minutes pour faire croire `a son poursuivant 'eventuel qu’il allait revenir, c’'etait afin de couper la filature que peut-^etre Fant^omas avait organis'ee autour de lui.
Sans perdre une minute, Juve fit signe `a une voiture de place qui descendait la rue Notre-Dame-des-Victoires et, s’'etant assur'e d’un rapide coup d’oeil circulaire que nul cette fois n’'etait `a ses trousses, il donna sa v'eritable adresse au cocher et d'ecida enfin de se faire conduire `a son domicile, rue Bonaparte.
Dix minutes plus tard, Juve arrivait chez lui sans encombre.
Certes, il y avait eu des changements chez Juve et encore que l’on n’e^ut gu`ere renouvel'e le mobilier depuis que le c'el`ebre inspecteur s’'etait install'e rue Bonaparte, au moment o`u il commencait `a se faire une situation `a la Pr'efecture de Police, le personnel, lui, avait chang'e.
Et c’est ainsi que Juve, lorsqu’il rentrait, ne trouvait plus dans son appartement la vieille silhouette famili`ere de son domestique Jean, mort depuis quelques mois, mais bien la silhouette plus grave et un peu solennelle de son nouveau serviteur, brave homme ventripotent et chauve, un certain Joseph, ancien huissier de la Pr'efecture de Police que Juve avait pris `a son service au lendemain du jour o`u ce fonctionnaire avait 'et'e mis `a la retraite.
Juve pouvait entrer, dans son appartement, entre sept heures du matin et huit heures du soir, il 'etait `a peu pr`es certain de d'ecouvrir dans un angle obscur de l’appartement, le fameux Joseph, immobile, la main sur la crosse de son revolver, qui attendait les 'ev'enements. Joseph, en outre, 'etait muet comme la tombe et lorsqu’il avait prof'er'e :
— Salut, chef, ou : Au revoir, chef, il n’aurait pas annonc'e le moindre 'ev'enement, quelle que f^ut son importance, avant qu’on ne l’e^ut pri'e de parler.
Juve, en rentrant chez lui, avait donn'e son bagage `a d'efaire `a son domestique puis, il se fit pr'eparer un bain, et en se d'eshabillant, le policier posait quelques questions `a son serviteur :
— Il n’est venu personne, Joseph ?
— Si, chef. L’homme du gaz. J’ai pay'e la note.
— Pas de courrier ? Pas de communications t'el'ephoniques ?
— Pardon, chef, quelqu’un a t'el'ephon'e ce matin qu’il viendrait vous voir vers les onze heures.
— Quelle est cette personne ?
— Elle ne s’est pas nomm'ee.
Quelques instant apr`es, Juve s’allongeait dans sa baignoire, 'eprouvait un bien-^etre extr^eme `a la douce caresse de l’eau ti`ede. Peu `a peu, il sentit une torpeur exquise, un d'elicieux engourdissement l’envahir lentement.
Juve, alors qu’il prenait son bain, aurait vu surgir Fant^omas, qu’il n’aurait pas 'et'e autrement 'etonn'e. N’avait-il pas eu jadis, l’occasion de se trouver dans la pi`ece toute voisine de sa salle de bain, dans son cabinet de travail, en t^ete `a t^ete avec le bandit, alors que Juve tout en soupconnant ce visiteur, 'etait `a cent lieues de se douter, qu’il avait en sa pr'esence et `a sa merci l’insaisissable Roi du Crime.
C’est qu’alors, en effet, Juve ignorait l’extraordinaire facult'e de transformations, que poss'edait Fant^omas, et qui lui permettait de se d'eguiser si habilement que les plus avertis s’y trompaient.
C’'etait l`a aussi, dans cet appartement, que Juve arrachant au bouge dans lequel il menacait de se corrompre et de se perdre, le petit Fandor, l’avait pris sous sa protection, pr'epar'e pour les luttes de la vie, d'ebrouill'e et fait de lui ce qu’il 'etait.
Et enfin Juve n’oubliait pas non plus que si ces murs, qui avaient 'et'e t'emoins de tant de sc`enes, devaient en conserver une empreinte d’horreur, ils renfermaient aussi des souvenirs plus doux et plus paisibles.