L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Dans dix minutes, mon bon ami, va passer le rapide de Paris. J’y monterai tout bonnement, sans m^eme prendre de billet. Pour regagner la capitale. Et toi, Fandor, tu vas retourner `a l’h^otel, puis revenir `a petites journ'ees, par la route, en musant, en t’amusant si tu le peux. Cela te va-t-il ?
Fandor ne pouvait, bien entendu, qu’approuver son ami.
En se s'eparant, ils devaient g^ener Fant^omas. Le bandit ne saurait plus lequel d’entre eux 'etait en possession du portefeuille rouge, et de toutes mani`eres, Fandor y songeait, – si lui ou Juve devait tomber sous les coups du tortionnaire, l’un d’eux au moins r'eussirait `a rentrer dans la capitale, `a y attendre le Prince Nikita, `a lui donner les instructions qu’ils avaient `a lui donner pour lui permettre d’entrer en possession de l’inestimable document.
— S'eparons-nous donc, mon vieux Juve, et Dieu nous aide.
Mais, apr`es quelques instants de silence, Fandor ajoutait :
— Juve, je ne sais pourquoi, mais j’imagine que nous n’allons pas ^etre seulement l’un sans l’autre durant quatre jours. Eh bien, voulez-vous que nous convenions d’une chose ?
— De laquelle, Fandor ?
— De celle-ci : Juve, si dans trois mois, jour pour jour, nous ne sommes pas r'eunis, toute affaire cessante, l’un et l’autre, nous nous mettrons `a la recherche l’un de l’autre.
— Tu as raison, Fandor, prenons rendez-vous ici, ici, o`u, vraisemblablement, nul ne songerait dans l’avenir, `a supposer que nous pouvons nous rejoindre. Dans trois mois, jour pour jour, si nous ne nous sommes pas retrouv'es, nous viendrons nous chercher ici, et `a bient^ot.
— `A bient^ot, Juve, oui, `a bient^ot.
Et, apr`es une cordiale 'etreinte, Fandor quitta le policier, revint vers la gare d’o`u il sortit sans encombre, tandis que Juve prenait la direction des quais, o`u d'ej`a les voyageurs attendaient le rapide de Paris.
***
Trois jours avant le moment o`u Juve et Fandor se quittaient sur le viaduc de Morlaix, une sc`ene 'etrange se d'eroulait pr`es du manoir de Kergollen, au bas de la colline toute sem'ee d’ajoncs et de ronces sur laquelle s’'elevait le ch^ateau de dame Brigitte.
L`a se trouvait une roulotte de romanichels, dont les h^otes, le p`ere et la m`ere Zizi, incarnaient merveilleusement les types de la race errante par excellence.
Le p`ere Zizi, vannier de profession, 'etait un homme d’une soixantaine d’ann'ees, rest'e 'etrangement mince et souple et dont le type tzigane, brun `a en ^etre presque mul^atre, n’'etait pas d'epourvu de beaut'e. Il s’'etait mari'e jeune, avec celle qui 'etait devenue la m`ere Zizi.
`A force d’'economies, ils avaient pu acheter la roulotte, et depuis pr`es de trente ans, ils couraient au hasard des routes.
La m`ere Zizi, plus jeune que son mari d’une dizaine d’ann'ees 'etait, elle aussi, de la plus pure race boh'emienne. Ses cheveux bruns, cr'epus et boucl'es, entouraient un visage d’un ovale r'egulier. Elle avait les yeux profonds et doux et la voix m'elodieuse.
***
D’une foire `a l’autre, le p`ere Zizi conduisait la roulotte marron attel'ee de son vieux cheval blanc. On campait `a l’abri de quelque baraque plus importante, le p`ere Zizi dressait les tr'eteaux, et la m`ere Zizi, alors costum'ee en chasseresse, 'emerveillait les badauds par un exercice de tir `a la carabine. Le public affluait `a l’entr'ee de la petite tente du couple.
H'elas, le malheur est vite venu. Ce jour-l`a, pr'ecis'ement, le p`ere et la m`ere Zizi venaient de faire connaissance avec ce d'etestable visiteur. La m`ere Zizi qui n’'etait jamais malade, avait voulu cueillir le long d’une haie un fruit dont la bonne apparence l’avait s'eduite. En 'etendant le bras, elle s’'etait 'ecorch'ee `a une ronce de fer, si bien 'ecorch'ee qu’elle en avait maintenant le bas enfl'e, ce qui laissait `a pr'evoir que, de longtemps, il lui serait impossible de se livrer `a aucun exercice.
— Sang de Dieu, jurait de temps `a autre le p`ere Zizi, qui s’'etait tout juste assez civilis'e au cours de ses voyages pour apprendre quelques jurons bien francais, sang de Dieu, comment allons-nous faire, la m`ere ? Jamais tu ne pourras ces jours-ci tenir la carabine.
La m`ere Zizi, qui regardait son bras enfl'e, et qui, de plus, ressentait de vives douleurs dans toute l’'epaule, hocha tristement la t^ete :
— Parbleu, le p`ere, tu as raison. Il faudrait que tu me fasses remplacer par quelqu’un. Plus facile `a dire qu’`a faire.
Le
Or, le hasard allait bien faire les choses.
Alors que le p`ere Zizi se lamentait et criait `a tous les 'echos sa douleur de voir la m`ere Zizi hors d’'etat de tenir son r^ole, il eut la surprise de voir d'eboucher brusquement d’un sentier voisin une jeune fille qui, tout naturellement, – et ayant certainement entendu les plaintes des deux Boh'emiens – s’offrit `a remplacer la m`ere Zizi, si toutefois on voulait lui assurer le vivre et le coucher.
Le p`ere Zizi s’empressa d’accepter.
M^eme, il voulut que la jeune fille prit tout de suite ses premi`eres lecons de tir, et ce n’est pas sans surprise qu’il s’apercut que sa nouvelle recrue maniait expertement la carabine de tir qu’il lui avait confi'ee.
Le Boh'emien, d`es lors vit l’avenir en rose.
Ce n’'etait que le commencement de ses ennuis.
12 – LA BELLE HOMICIDE
Fandor venait `a peine de quitter Juve que, descendant les rues de Morlaix, il tombait `a l’improviste sur une petite place transform'ee en champ de foire.
De toutes part, des bateleurs faisaient leur boniment, brutalement 'eclair'es par des lampes `a ac'etyl`ene.
— Entrez, entrez, messieurs, dames, criait sur une estrade transform'ee en tribune, une sorte de gentleman comiquement habill'e d’une redingote trop longue. Entrez, il n’y a pas de premi`eres, et pas de secondes, et pas de troisi`emes. Ici, toutes les places sont au m^eme prix. On voit aussi bien d’un bout `a l’autre de la salle. Et le spectacle en vaut la peine, messieurs et dames. Entrez, Les artistes de la troupe vont avoir l’honneur de repr'esenter devant vous les c'er'emonies du mariage telles qu’elles s’effectuent dans les diff'erents peuples du monde, et cela, d’apr`es les documents rapport'es par les plus c'el`ebres explorateurs. Entrez, on ne paye qu’en sortant. Si l’on est content. Le prix des places est `a la port'ee de tous les membres de l’honorable soci'et'e qui m’'ecoute.