L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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Le premier de ces hommes 'etait Jean-Marie.
Jean-Marie, soudain, s’'etait senti empoign'e `a l’'epaule, il n’avait pas autrement r'esist'e. Depuis vingt-quatre heures qu’avait eu lieu le naufrage du Skobeleff, il vivait dans la crainte, redoutant `a chaque instant que sa complicit'e avec les naufrageurs n’e^ut 'et'e soupconn'ee, qu’on ne v^int l’arr^eter.
Mais peu `a peu, apr`es la r'esistance machinale qu’il avait oppos'ee `a l’homme surgi de l’ombre pour se pr'ecipiter sur lui, Jean-Marie l’'etudiait avec une certaine curiosit'e.
Il 'etait envelopp'e dans un grand manteau noir. Sur son front s’abaissait un chapeau mou noir, `a grands bords souples.
— Que fais-tu par ici, Jean-Marie ?
— Vous regarde pas.
— Parle, je veux savoir.
— On m’interrogera plus tard si l’on veut, pour le moment je ne dirai rien, j’aurai bien le temps de causer au poste, fit Jean-Marie.
— Me prends-tu donc pour un gendarme ?
— Non, mais pour un flic en civil.
— Tu te trompes, Jean-Marie. Je suis mieux que cela, tu ne m’as donc pas reconnu ?
— Non.
L’homme se pencha plus pr`es encore de l’oreille du Breton, et, lentement :
— Je suis Fant^omas, dit-il.
— Ah, r'epondit Jean-Marie, tant mieux, ou tant pis pour vous.
— Jean-Marie, poursuivit le bandit, sais-tu qu’il me suffirait d’une seconde de volont'e pour t’abattre imm'ediatement `a mes pieds. Tu n’as pas d’arme.
Jean-Marie haussa les 'epaules :
— `A quoi cela vous servirait ? Vous ^etes donc fou ? ou alors est-ce que vous avez l’intention de tuer pour le plaisir ?
— Je ne tue jamais sans raison. J’ai simplement voulu, Jean-Marie, te faire remarquer que tu 'etais en mon pouvoir.
Le Breton secoua lentement la t^ete :
— Je ne d'epends de personne, on ne peut s’assurer les services de Jean-Marie qu’en lui donnant un peu d’or, le reste me laisse froid, je n’ai qu’un amour au monde, je n’ai qu’une passion.
Fant^omas glissa dans la main velue du Breton quelques louis.
— Quel est donc ton m'etier ?
— Pourquoi me demandez-vous cela ?
— Pour savoir. On pourrait t’employer.
— Je sais tuer comme personne : je suis 'equarrisseur. Voil`a longtemps, tr`es longtemps d'ej`a que je n’ai rien fait. Il faut que je reprenne le m'etier, je regrette Paris, voyez-vous, et j’y retournerai bient^ot.
— C’est l`a, sans doute, Jean-Marie, que tu retrouveras tes amours. J’ai entendu dire qu’une certaine Fleur-de-Rogue…
— Je me moque des femmes, et ne ferais pas un pas pour elles. Je n’ai qu’un amour, vous ai-je dit, qu’une passion.
— Laquelle ?
— Le sang, je veux voir couler du sang.
Fant^omas, qui avait maintes fois entendu parler, dans les milieux d’apaches auxquels il commandait myst'erieusement, de Jean-Marie l’'equarrisseur et de sa cruaut'e proverbiale, se disait qu’il y avait 'evidemment l`a un serviteur pr'ecieux dont il convenait de s’assurer les bonnes gr^aces.
Fant^omas, g'en'ereux, glissa encore dans la main du Breton quelques louis d’or que l’homme accepta avec une satisfaction visible, puis Jean-Marie, peu `a peu, se familiarisa, raconta ses projets :
— Tenez, fit-il, soudain, Fant^omas, vous me plaisez, comme j’ai besoin de vous pour une affaire, je vous propose d’y participer avec moi.
— De quoi s’agit-il ?
— De tuer et de tuer pour voler ensuite.
— Bonne id'ee, le projet ?
— Je suis embauch'e en qualit'e de domestique dans un manoir voisin d’ici, au manoir de Kergollen, chez une certaine dame Brigitte. Elle vit seule, isol'ee, elle est vieille, elle est riche. Je sais qu’elle a de l’or.
— Jean-Marie, dit Fant^omas, il ne faut pas commettre ce crime, je ne le veux pas.
— Bien, fit-il, je le commettrai donc tout seul.
— Non, ordonna Fant^omas, tu ne toucheras pas `a un seul cheveu de la t^ete de cette femme, tu ne lui prendras pas un centime.
— J’agirai comme il me plaira.
— Jean-Marie, il ne faut pas songer un seul instant `a enfreindre ma col`ere, sans quoi tu pourrais t’en repentir.
— Je ne me repens jamais et je n’ai peur de rien.
Jean-Marie 'etait brutal et ent^et'e, mais Fant^omas 'etait habile.
Dominant ses sentiments de col`ere, le g'enie du crime se fit soudain aimable et s'eduisant. Il tendit la main `a l’'equarrisseur :
— Jean-Marie, tu me plais, car tu es brave, j’ai voulu t’'eprouver. Oui j’accepte de m’associer avec toi pour l’affaire dont tu parles et je sais que tu ne la commettras pas sans moi, car nous n’avons l’un et l’autre qu’une parole. Si j’ai voulu t’emp^echer d’agir, c’est pour te prot'eger. Crois-moi, le coup ne peut pas r'eussir en ce moment, mais il sera bon dans trois jours.
— Dans trois jours ?
— Oui. J’ai des raisons que je t’expliquerai.
Fant^omas finit par convaincre Jean-Marie. D’accord, ils allaient se s'eparer, ils se retrouveraient dans trois jours, dix heures et quart pr'ecises du soir, `a l’entr'ee des offices du manoir de Kergollen. Jean-Marie guiderait le g'enie du crime `a travers les couloirs du vieux manoir, et Fant^omas agirait, tuerait la vieille dame, pendant que Jean-Marie s’emparerait des tr'esors.
Ils allaient se s'eparer. Jean-Marie rappela Fant^omas :
— 'Ecoutez, j’ai quelque chose `a vous dire. Une amabilit'e en vaut une autre.
— Parle.
— Tout ce qui concerne le naufrage du Skobeleff vous int'eresse je suppose.
— Exact.
— Eh bien, fit Jean-Marie, j’ai vu…
Le bandit raconta la sc`ene dont il avait 'et'e t'emoin `a la fin de la nuit pr'ec'edente. Il avait vu un officier aller se dissimuler dans une masure, apr`es avoir troqu'e son uniforme contre des v^etements de femme :