L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Vous allez le savoir. `A ce moment, Juve, je me souviens fort bien que nous jou^ames certaine partie de cartes int'eressante au plus haut point. Je vois `a votre air que vous ne l’avez pas oubli'ee non plus ? Mais vous rappelez-vous tout sp'ecialement mon cher Juve, la facon dont nous jou^ames cette partie ?
— Je ne vous comprends pas.
— Eh bien, vous allez me comprendre : Nous jou^ames, alors, cartes sur table. Voulez-vous que nous recommencions `a jouer ainsi ?
Il fallait en v'erit'e que Fant^omas e^ut une belle impudence pour oser parler sur ce ton `a Juve.
Ce n’'etait pas, toutefois, le moment de discuter avec lui, d’user de formalisme.
Juve, brusquement, se leva :
— Soit, d'eclara le policier, cartes sur table. Jouons franc jeu, Fant^omas. Dites-moi quel but vous poursuivez, dites-moi ce que vous comptez faire, je vous dirai ce que je vais tenter.
Mais pour toute r'eponse, nouvel 'eclat de rire de Fant^omas.
— Franchement, d'eclara le bandit, votre ami, monsieur Fandor, est d'econcertant. Cartes sur table me dit-il, mais quelles cartes a-t-il donc dans la main `a retourner contre moi ? Juve, vous me dites :
— Donc, vous estimez, Fant^omas, que je ne puis rien contre vous ? Parfait. Mais que pouvez-vous vous contre Fandor et moi ? Pouvez-vous donner un ordre quelconque qui nous porte pr'ejudice ? Vous le savez aussi bien que moi, cela vous est impossible. Nous sommes des naufrag'es, des rescap'es. Aux termes des r`eglements maritimes vous devez, vous, Fant^omas, au premier navire que nous croiserons, `a la premi`ere escale que vous ferez, nous d'ebarquer. Par cons'equent…
— Permettez, fit le bandit. Voulez-vous que nous r'esumions la situation ? Je vous d'efie Juve, de tenter quoi que ce soit contre moi et vous me d'efiez, vous de tenter quoi que ce soit contre vous ou contre Fandor, c’est bien ca ?
— Parfaitement Fant^omas. `A votre d'efi, je r'eponds par un autre d'efi.
— De sorte que la situation vous para^it inextricable ? Eh bien, mon cher Juve, laissez-moi vous dire que vous vous trompez. Voyons, quelle heure est-il ?
— Dix heures et demi, dit Fandor.
— Merci. Et maintenant, savez-vous, messieurs, exactement o`u nous sommes ?
— Comment o`u nous sommes ?
— Je veux dire : o`u se trouve le Skobeleff.
— Mais sur les c^otes de Bretagne ?
— Exactement, `a quelques kilom`etres de la pointe Saint-Mathieu. Nous y parviendrons, si je suis bien renseign'e par les officiers du bord, par mes officiers, mon cher Juve, d’ici `a vingt minutes au plus tard. Or, `a la pointe Saint-Mathieu…
La plainte d’une sir`ene lui coupa la parole.
D’un m^eme mouvement Juve et Fandor s’'etaient lev'es.
Fant^omas, nonchalamment, s’'etait lev'e, lui aussi :
— Oh oh, gouailla-t-il vous n’^etes pas habitu'e aux choses de mer, mon cher Juve, ni vous non plus, Fandor ? Ce qui se passe ? Mais rien du tout. Le brouillard est 'epais, nous naviguons en des mers assez fr'equent'ees, par des bateaux de p^eche, le Skobeleff donne de la sir`ene pour signaler son passage. Voil`a tout.
On frappait `a la porte de la petite cabine. C’'etait le comte Piotrowski qui venait aux ordres :
— Mon Commandant, je tiens `a vous signaler que nous sommes enti`erement gagn'es par la brume. D’apr`es le point fait `a midi et l’estimation du loch nous devons ^etre juste `a la hauteur de la pointe Saint-Mathieu. J’ai fait allumer les feux de position, je viens d’ordonner `a la sir`ene de siffler toutes les deux minutes. Je gouverne, d’apr`es la carte, nord-nord-ouest. Est-ce bien ?
— C’est bien, monsieur, mais gouvernez au plus pr`es, vous allez apercevoir, j’imagine, le phare de la pointe.
Il n’avait pas fini de parler que derri`ere le comte Piotrowski apparaissait le lieutenant Alexis.
— Mon Commandant, demanda le jeune officier, comment dois-je piloter ? J’ai deux feux par tribord, ce doit ^etre la passe, et cependant `a b^abord j’apercois encore deux autres feux dans la brume, deux feux qui sont certainement les feux de position de deux barques, car ces feux se balancent au rythme de la houle.
Le comte Piotrowski demeura muet, d'ef'erent. Fant^omas ordonna :
— Il faut ^etre prudent, messieurs, ces parages sont dangereux. Puisque vous apercevez `a b^abord deux navires, gouvernez droit dessus, nous sommes certains, d’avoir la mer ouverte et, dans une heure, si la brume ne s’est pas lev'ee, nous mettrons en panne.
Les deux officiers se retir`erent. Fant^omas, semblait d'ej`a vouloir reprendre la conversation interrompue lorsque soudain il bondit en avant. Il ne laissa m^eme pas `a Juve et Fandor le temps de se mettre en garde. D'ej`a ils 'etaient violemment frapp'es au visage par l’extraordinaire bandit.
— L’heure de la vengeance sonne, hurlait Fant^omas.
Atteints en plein visage, Fandor gisait sur le canap'e.
Juve, assomm'e, se cramponnait `a la muraille, la face couverte de sang.
Les 'ev'enements se pr'ecipitaient.
Fant^omas, d’un bond, avait laiss'e la cabine. Un effroyable vacarme avait retenti. Le plancher se d'erobait sous Juve et Fandor jet'es l’un sur l’autre sous les meubles qui s’'ecroulaient.
— Mal'ediction, criait Juve, et Fandor jurait.
Il y eut un grand raclement contre la coque. Le Skobeleff tout entier se disloqua, semblait-il. Puis des coups de feu, des sifflets, des cris.
— Fichu, dit Juve en secouant la porte ferm'ee `a clef, Fandor, nous coulons.
Il ne put ajouter un mot. La cabine venait d’effectuer un « tonneau » complet.
— Nom de Dieu, cria le policier, au sein du tumulte, et le portefeuille ?
Juve se tra^ina vers l’angle de la petite pi`ece. Tout en causant avec Fant^omas, Juve, en effet, merveilleux de sang-froid, avait parfaitement apercu, pos'e sur une 'etag`ere, le fameux portefeuille rouge qu’il 'etait venu chercher au p'eril de sa vie. Et maintenant m^eme que le Skobeleff semblait s’enfoncer dans l’ab^ime, c’'etait vers ce portefeuille que Juve s’'elancait.